DANS LES COULISSES DU MANOIR DE PARIS
Article Attractions du Dimanche 06 Juillet 2014

ESI vous propose un entretien exclusif avec le créateur de ce show de l’effroi !

Propos recueillis par Alexandre Pinteau

Situé dans le 10ème arrondissement, LE MANOIR DE PARIS a ouvert ses portes il y a trois ans. Cette ancien siège des faïenceries de Choisy-le-Roy a été réaménagé en site d'animation où l'on fait revivre de manière horrifique une vingtaine de légendes parisiennes. A mi-chemin entre le musée et le parc d'attraction, ce labyrinthe de trois étages invite les visiteurs à vivre des émotions fortes tout en explorant des décors d’où surgissent bossus, squelettes, pâtissiers sanguinaires, et autres psychopathes scarifiés. Toute une galerie de monstres et de personnages réinterprétés grâce à l'imagination de maquilleurs, costumiers, artistes et acteurs de talent.

Le fondateur/créateur du lieu est l'américain Adil Houti, qui dirige aussi la troupe de comédiens qui fait vivre le manoir.

Entretien avec Adil Houti

Racontez nous votre parcours


Depuis sept ans je me suis spécialisé dans la création de maisons hantées aux USA. Ayant fait des études ici et m'étant attaché à la culture française, l’idée m'est venue d'importer ce concept américain en France. Le MANOIR DE PARIS a vu le jour trois ans plus tard. Dans ce divertissement de l'effroi, l'idée était d'amener les spectateurs à suivre un parcours narratif avec des histoires racontées par des acteurs et de faire vivre le tout grâce à une scénographie et des ambiances variées. On pourrait le décrire comme le mélange d’un récit et d’une attraction destinée à divertir le public.

Etes-vous le premier à le faire en France ?

A ma connaissance, oui. Nous sommes les seuls à proposer cela avec des techniques théâtrales de ce niveau, et des décors élaborés dans l’esprit de ceux du cinéma. Nous ne sommes pas du tout dans le registre d’un train fantôme de la Foire du trône, nous n'entrons pas dans cette catégorie. Nous pourrions nous décrire comme un spectacle de Broadway, mais bien plus interactif, d'une durée d'une heure.

Il existe des spectacles de ce style au Japon qui vont loin dans l’horreur explicite…

(rire) En fait il en existe un peu partout dans le monde, et même aux USA mais je ne n’ai pas envie de proposer ce type de manoir hanté qui pousse l'horreur à l'extrême. Dans ce genre d’endroits, il y a des moments où l'on demande aux visiteurs d'entrer un par un dans une pièce où on les attache en leur bandant les yeux. Je trouve que cela va trop loin. Nous ciblons le grand public alors il est hors de question d'aller vers des situations trop stressantes. Nous proposons du pur divertissement capable d'attirer un maximum de clientèle pour l’amuser et les présenter des histoires. Nous ne faisons pas peur juste pour faire peur. Mais vous avez tout à fait raison. Il y a beaucoup de manoirs de cette catégorie que l'on pourrait qualifier d’extrême au Japon et même dans ma ville natale de San Diego en Californie.

Existe-t-il une réglementation de la violence des scènes que vous êtes autorisé à montrer ?

Oui, on nous impose des limites, ce qui est normal. Nous faisons très attention à la manière dont nous effrayons les gens, car si nous n’étions pas attentifs, nous pourrions provoquer de mauvais réflexes des clients, des accidents, des malaises, etc. Mais tout est conçu pour que l’on reste dans le registre de la frousse bon enfant. La plupart des gens qui viennent voir ce type de manoir hanté savent exactement où ils vont. Alors que d'autres n’ont pas une idée précise de ce qui les attend, mais tentent malgré tout l’aventure pour s’amuser. Nous nous adressons en priorité au grand public avec LE MANOIR DE PARIS, et nous organisons aussi des événements spéciaux aux ambiances plus intenses tout au long de l'année : des soirées Halloween, Dark Nights et autres…

La complicité qui se noue entre les monstres et les spectateurs fait la force du parcours…

Nous souhaitons que nos acteurs soient investis dans les rôles qu'ils interprètent et que les spectateurs se retrouvent totalement immergés dans l'histoire. Comme je l'ai mentionné auparavant il s'agit d'un spectacle vraiment interactif : les visiteurs peuvent dialoguer avec le personnage, lui poser des questions et vice versa. Ces caractéristiques du spectacle lui permettent de se démarquer des autres. Nos clients ne défilent pas devant des mannequins de cire, mais se retrouvent confrontés à des personnages de chair et d’os. Le spectacle des Légendes de Paris est animé par une troupe de 35 personnes. Nous réunissons même jusqu’à 50 à 60 acteurs pour des évènements comme ceux d'Halloween, afin de créer des sensations plus intenses. Comme vous vous en doutez, l’ambiance horrifique d’Halloween est plus agressive que celle des légendes de Paris.

Changez-vous les décors pour ces soirées spéciales ?

Nous changeons à la fois les décors et le trajet du labyrinthe en lui-même, qui s'étend sur trois étages. Et nous aimons que les clients qui connaissant déjà assez bien LE MANOIR DE PARIS - il y en a un bon nombre à présent - se perdent totalement dans cette nouvelle configuration et se disent "Mais où est-ce que je suis ?!" (rires) Et ce qui fait la force du Manoir est que l'on installe une salle supplémentaire tous les deux mois. De ce fait, on ne s’ennuie pas si l’on revient puisqu'on ne revoit jamais exactement les mêmes décors ni les mêmes versions des histoires. Le parcours est renouvelé très souvent.

Parlez-nous du bâtiment dans lequel est installé LE MANOIR DE PARIS…

Le bâtiment date de 1900 et a été classé monument historique. Il s’agissait à l’origine de la boutique de vente de faïenceries qui étaient fabriquées à Choisy Le Roy. C'est pour cette raison que l’on découvre cette superbe façade de mosaïques à l'entrée. En fait j'ai eu des difficultés à aménager le site parce que je n’avais pas l’autorisation de fixer des choses au mur, étant donné que cette façade en faïence est elle aussi classée. Je ne pouvais rien fixer au sol non plus. J'ai été confronté à beaucoup de contraintes mais j'ai fait avec : cela nous a poussé à mettre au point de nouvelles techniques de construction pour une maison hantée. C’était une tâche de grande envergure que de mettre en place cette énorme décoration sans endommager le bâtiment en lui-même.

Vous a-t-il fallu du temps pour trouver ce superbe immeuble ?

Oui, un an. Je suis resté à Paris et suis allé partout à la recherche d’immeubles anciens qui se libéraient pour essayer de trouver des lieux grandioses et originaux. Quand les visiteurs entrent dans le Manoir et voient cette façade étonnante, ils se demandent tout de suite "Mais c'est quoi cet endroit ? Un ancien théâtre ?" Certains pensent peut-être que c'est une vraie maison hantée qui date de 1900 ! (rires) J'aime ces réactions, et j’ai beaucoup de plaisir à jouer avec l'histoire du bâtiment et sa structure. Quand nous nous y sommes installés, les trois étages du bâtiment n’étaient pas encore aménagés. C'étaient de très grands plateaux avec peu de cloisons. Nous avons fait monter des murs et ajouté tous nos effets spéciaux dedans. Deux étages sont consacrés au parcours des légendes et le troisième est dédié à notre attraction ASYLUM, qui entraîne les visiteurs dans un asile de fous particulièrement sinistre.

Avant d'avoir trouvé ce lieu, aviez-vous pensé à vous installer en dehors de Paris ou fallait-il absolument que le site se trouve au coeur de la capitale ?

Il fallait que le Manoir se trouve à Paris. Nous aurions pu nous installer ailleurs si nous avions été une attraction de type éphémère, mais cela n’a jamais été notre projet. En étant situé à Paris, je voulais donner aux gens l’opportunité de venir après le travail un vendredi soir et de se dire "On ne va pas aller au cinéma ce soir. Avant d'aller boire un verre ou dîner, nous allons faire un tour au Manoir pour nous amuser." Ce que nous proposons, c'est une heure de divertissement. Je me suis dit qu'il fallait que nous soyons situés dans le centre de Paris pour éviter aux gens d’avoir à prendre le RER ou le train pour arriver jusqu’à nous. Nous voulons même nous définir comme le seul lieu de Paris spécialisé dans le divertissement de l'horreur.

Avez-vous songé à acheter une maison abandonnée et à la rénover ?

Bien sûr, mais ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. Dans Paris, il est difficile de trouver une maison abandonnée. J'en avais malgré tout trouvé deux mais elles étaient très difficiles d'accès pour les visiteurs. Après, la difficulté vient des règles européennes concernant l'autorisation d'ouvrir un lieu au public, qui ont fait que c'était ce bâtiment dont la structure était en très bon état qui entrait le mieux dans nos critères. Mais il fallait que l'on soit dans la capitale, oui, c'était indispensable.

Vous êtes-vous inspiré de certaines peintures, de films d'horreur et même de jeux vidéo ?

Oui, de tout cela. Quand on construit des maisons hantées, il faut comprendre que le spectateur a envie de se sentir à la place d’un acteur du film ou de la victime. Et quand nous avons créé les scènes du Manoir, ou l’environnement de l’attraction ASYLUM, nous avions déjà mieux compris les techniques et les règles européennes et françaises qui concernent la construction. Nous avons donc pu nous permettre de jouer un peu plus sur des idées de longs couloirs où l'on voit des monstres apparaître. Pour l'instant, dans ASYLUM, ce sont des docteurs dans un asile de fous. Nous avons conçu cela comme un film d'horreur, avec des moments de suspense, des attaques, des moments de répit, des instants de silence… Nous avons aussi été inspirés par les jeux vidéos. Bien sûr il y a tous ceux de la saga RESIDENT EVIL , et SILENT HILL. Dans ASYLUM, il y a davantage de moments d'action, et des combats de monstres, tout comme au cours des autres événements que nous organisons comme les soirées Halloween et autres. Là je m'inspire un peu plus du mode de progression du joueur dans CALL OF DUTY , en me disant "Tiens, comment le visiteur pourrait-il se déplacer et observer ce qui se passe au travers d’un mur ou au-delà d’un coin de mur pour voir s’il y a un monstre qui l’attend un peu plus loin ? Là il se sentirait entièrement impliqué dans le lieu, dans l'histoire et parmi les personnages. »

Le Manoir de Paris, 18 rue de Paradis 75010
Horaires & dates d’ouverture :
http://lemanoirdeparis.fr/votre-visite/
www.facebook.com/LeManoirDeParis

La suite de cet entretien hanté paraîtra prochainement sur ESI !

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