Reportage exclusif sur le tournage des GARDIENS DE LA GALAXIE : Entretien avec Dan Grace, superviseur des costumes
Article Cinéma du Jeudi 25 Septembre 2014
Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau
C’est ensuite dans une véritable caverne d’Ali Baba regorgeant de trésors que nous nous rendons : l’atelier de fabrication où sont exposés à notre intention les costumes très impressionnants des personnages du film. Le niveau de qualité de ce que nous découvrons est bluffant , jusque dans les moindres détails des coutures, des textures de tissus et de finitions des accessoires. Et la quantité de tenues déployées dans cette immense salle nous rappelle, si besoin était, que nous nous trouvons dans les coulisses d’une superproduction à grand spectacle. En l’absence de la créatrice de ces merveilles, c’est le superviseur des costumes Dan Grace qui va nous raconter comment ils ont été conçus et fabriqués.
Comment utilisez-vous des textures et des tissus pour créer des costumes qui semblent avoir été fabriqués sur d’autres planètes ?
Alexandra Byrne, notre chef costumière, a longuement parlé avec James Gunn de l’allure que pourrait avoir chacun des personnages du film, cas par cas. Ils ont cherché ensemble des références visuelles dans les comics, les héros du cinéma, et dans le monde de la haute couture. Après avoir mûrement réfléchi à tout cela, James nous a fait part de ses demandes, puis nous avons travaillé aussi avec les acteurs sur la mise au point de leurs tenues respectives. En ce qui concerne le personnage de Peter Quill, par exemple, nous voulions donner l’impression que son costume de cuir possède d’autres caractéristiques que celle de lui tenir chaud. Nous voulions notamment que l’on devine qu’il a la capacité d’être aussi hermétique qu’une combinaison d’astronaute quand Quill évolue dans le vide de l’espace en portant son fameux casque de métal avec les lunettes rouges. Mais pour en revenir à votre question, Alexandra a assemblé une énorme équipe de professionnels expérimentés pour créer tous ces costumes : nous avons parmi nous des designers de textures, des spécialistes de l’imprimerie sur tissu, de la teinture, de la broderie, du tissage, etc. Habituellement, on donne des instructions différentes à chacun des membres de l’équipe en fonction de son savoir faire, mais pour LES GARDIENS DE LA GALAXIE, le mémo a été rigoureusement le même pour tous, et était exactement ce que vous disiez : Alexandra nous incitait à tout faire pour donner l’impression que chaque élément venait d’une autre planète. Nous avons par exemple utilisé des techniques d’impression en trois dimensions sur tissu, pour créer de faux cuirs qui créent l’illusion d’être issus de peaux d’animaux inconnus sur terre, grâce à des rendus radicalement différents des cuirs que chacun de nous connaît.
Comment créez-vous ces effets de matières en trois dimensions ?
Le processus consiste à créer ces épaisseurs en plusieurs passages, couche par couche. Plus vous ajoutez de matière, plus la texture devient importante aux endroits que vous avez déterminés. On peut aussi varier les couleurs à chaque passage pour créer des mélanges surprenants par transparence et obtenir ainsi un rendu encore plus riche et étonnant. Les machines que nous utilisons sont très proches de celles que l’on emploie pour décorer des tee-shirts avec des encres souples et très résistantes aux frottements et aux lavages en machine.
S’agit-il d’encres à base de silicone ?
Oui, dans certains cas. Mais nous utilisons aussi d’autres encres contenant des dérivés de latex et d’acrylique pour construire des volumes sur le tissu.
Quelles sont les particularités du costume de Peter Quill / Starlord ?
Il possède presque plus de gadgets que James Bond ! Quill utilise le casque dont je vous parlais, qui lui permet de respirer partout où il va, mais aussi des réacteurs fixés à ses chevilles, des pistolets laser à double canons, et une ceinture qui contient des tas d’appareils qui lui permettent de se tirer des situations les plus périlleuses. Nous nous sommes bien sûr inspirés de véritables combinaisons spatiales et d’appareils de haute technologie pour créer cette tenue, tout en lui donnant ce côté « venu d’ailleurs » dont nous venons de parler. Quand il était enfant, Peter Quill a été adopté par le clan des Ravageurs, qui sont des pirates de l’espace, et comme nous avons conçu une esthétique particulière pour eux, nous avons basé son costume sur cette origine ethnique, en partant du principe que Quill avait personnalisé lui-même sa tenue plus tard, une fois devenu adulte et plus indépendant.
Le costume de Drax, qui est toujours torse nu, devait être plus simple à fabriquer pour vous…
Oui, nous avons coutume de dire que Drax est notre personnage préféré parce qu’il ne porte qu’un pantalon ! (rires) Mais comme le haut de son corps est recouvert de scarifications, nous avons collaboré étroitement avec le département des effets spéciaux de maquillage dirigé par David White et avec le département du développement graphique des Studios Marvel pour harmoniser les motifs du bas de son costume avec les décorations de son torse et de ses bras. Chaque équipe a imaginé de nombreuses images différentes, sans empiéter sur le travail des autres équipes. Autrement dit, sur nos croquis de costumes, nous ne représentions que très vaguement les scarifications, et de même, sur leurs dessins, les artistes des effets spéciaux de maquillage montraient tous les détails des ornements du torse de Drax mais s’arrêtaient à de simples esquisses des formes de son pantalon. Après un long travail de sélection validé par James Gunn et les producteurs des Studios Marvel, nous avons obtenu des formes de scarification et des designs de pantalons et de bottes qui se combinaient harmonieusement.
Le costume de Gamora devait souligner sa plastique et ses qualités de guerrière…
Oui, Gamora est tout à la fois une femme très sexy, une princesse, une guerrière endurcie, et une criminelle dont la tête est mise à prix. Quand on la rencontre pour la première fois, elle est présentée comme une méchante, une solitaire, et porte des vêtements qui reflètent cet état d’esprit. Plus tard, quand elle rejoint le groupe des Gardiens de la Galaxie, son costume change : ses textures et ses couleurs s’harmonisent avec celles des tenues des autres membres de l’équipe.
Le département de création des costumes fabrique-t-il aussi les éléments « durs » des tenues comme les réacteurs fixés aux bottes de Peter Quill ou son fameux casque ?
Oui. Mais certains de ces éléments sont construits aussi par le département des accessoires, en collaboration avec l’équipe de design de notre chef décorateur Charles Wood. Dans le cas de la tenue de Quill, nous avons fabriqué son casque, ses bottes, sa ceinture et les petits gadgets qu’elle contient, mais les réacteurs des bottes et ses pistolets laser ont été produits par le département des accessoires supervisé par Barry Gibbs.
Comment les tâches sont-elles réparties entre vous ?
Au début de ce travail, nous nous asseyons tous ensemble pour déterminer qui va faire quoi, de la manière la plus logique, en fonction de nos compétences respectives. Et quand des éléments comme les bottes équipées de réacteurs sont fabriqués conjointement par nous et par l’équipe des accessoires, nous collaborons de manière très étroite pour nous assurer que les deux parties seront parfaitement « fondues » l’une dans l’autre, avec des finitions impeccables, et que le produit achevé sera totalement satisfaisant, solide, durable, et confortable à utiliser pour l’acteur et pour les doublures cascade.
Est-ce que ces réacteurs inclus aux bottes projettent de la fumée ?
Oui, et nous en avons fabriqué plusieurs versions : certains réacteurs sont inertes, tandis que d’autres ont été aménagés par le département des effets spéciaux. Ils sont équipés avec des tuyaux dissimulés sous les vêtements, reliés à des cartouches de gaz carbonique sous pression, et peuvent ainsi cracher un panache de fumée blanche, qui est illuminé par des ampoules leds de haute intensité. Certains réacteurs peuvent aussi cracher de vraies flammes pour des plans particuliers.
Diriez-vous que les designs des costumes rendent hommage aux tenues des personnages dans les comics, ou s’en éloignent-ils beaucoup ?
Ils rendent hommage aux bandes dessinées, sans aucun doute. Comme vous le savez, la révélation au public des costumes des héros est l’une des étapes-clés de la création d’un film des studios Marvel. Il faut que ces costumes soient bien accueillis et plaisent aux fans. Ce qui nous aide beaucoup dans le cas des GARDIENS DE LA GALAXIE, c’est que leurs tenues ont beaucoup changé au fil du temps. C’est une situation plus facile à gérer que l’adaptation d’une tenue de superhéros qui est devenue une icône pour une première génération de lecteurs, puis qui a été modifiée régulièrement, génération après génération. Dans ce cas-là, il faut trouver le moyen de satisfaire tous les fans de différentes tranches d’âge avec un seul design qui synthétise les costumes des différentes époques, et ce n’est pas du tout facile à faire ! Dans notre cas, nous avons bénéficié d’une marge de manœuvre plus importante. Le département de développement graphique des studios Marvel sait très bien comment gérer tout ce patrimoine visuel, et il nous a guidé dans cette démarche. Nous savions tous que nous devions reproduire fidèlement certains éléments qui sont des références très connues, comme le casque de Quill. Il a même été dévoilé aux fans pour la première fois pendant le Comic Con de San Diego, quatre mois avant le début du tournage, et leurs réactions ont été extrêmement positives.
Avez-vous utilisé le système de prototypage rapide pour fabriquer ce casque à partir d’une modélisation 3D ?
Oui. Nous sommes partis de ce premier modèle brut sorti de la machine d’impression 3D, et nous l’avons retravaillé pour affiner les détails. Ensuite, nous l’avons poncé pour le lisser parfaitement et enfin moulé afin de fabriquer tous les tirages du casque que vous verrez dans le film sans deviner que ce n’est jamais le même casque qui est utilisé. En fonction des séquences, Chris Pratt utilise l’un ou l’autre des dix exemplaires qui ont été produits. Ils ont tous exactement le même aspect, mais possèdent chacun des caractéristiques différentes : certains fabriqués dans des résines dures chargées de poudre d’aluminium sont destinés aux gros plans, d’autres tirés dans des matières souples ont un aspect plus sommaire, mais permettent d’assurer la sécurité de l’acteur pendant qu’il tourne une cascade. Certains sont équipés pour produire plusieurs types d’animations lumineuses, d’autres ont des éclairages différents, car en dehors de sa fonction de respirateur, le casque est aussi un traducteur universel qui permet à Quill de dialoguer avec les êtres issus de milliers de mondes. Nous avons inclus beaucoup d’éléments en métal et en vrai cuir dans les casques principaux que nous surnommons « les casques héros », car cela leur donne un aspect plus crédible.
Savez-vous combien d’éléments de costumes et d’accessoires vous avez fabriqué en tout pour ce film ?
Nous n’avons pas établi un décompte précis, mais je dirais plusieurs dizaines de milliers à coup sûr. Peut-être même une centaine de milliers. Cela peut paraître surprenant, mais comme tout le film se passe loin de la terre, nous avons dû fabriquer pratiquement tout nous-mêmes. En dehors de certaines paires de chaussures que nous avons pu nous procurer toutes faites, le reste est sorti de nos ateliers ou des ateliers de nos sous-traitants. Y compris les chaussures de type tennis en néoprène et caoutchouc que portent les trois cents captifs dans la séquence de la prison de Kyln. Elles donnent l’impression d’être des produits fabriqués à des millions d’exemplaires en usine, alors qu’elles ont été construites de manière semi-artisanale, spécialement pour ce film. Quand nous avons besoin de très grandes quantités d’éléments de ce genre, ou même d’uniformes complets comme ceux des prisonniers de Kyln ou des policiers de Nova Corps, nous créons les plans et les modèles de référence de chaque pièce du costume et de chaque accessoire et nous les faisons fabriquer par des sous-traitants dont les ateliers sont situés en Europe de l’Est, en Inde , en Angleterre ou aux USA. Tout dépend du type de main d’œuvre spécialisée dont nous avons besoin. Chaque pays a ses points forts en fonction de sa propre histoire et de ses traditions. Par exemple, c’est en Pologne que l’on trouve certains des meilleurs ateliers de fabrication d’uniformes, parce que c’est dans ce pays que sont produits les uniformes de tous les pays du bloc de l’Est : Russie, Tchéquie, Slovaquie, etc.
Et vous devez fabriquer aussi de nombreuses copies des costumes des acteurs principaux…
Oui : nous avons fabriqué plus de trente exemplaires du costume de Quill pour Chris Pratt , avec différentes patines pour tenir compte des bagarres qui l’usent au cours du film. Il a été reproduit aussi en différentes tailles parce que dans certaines scènes d’action, Chris devait porter un harnais sous son costume pour pouvoir être suspendu à des câbles, notamment quand Quill fait fonctionner les réacteurs de ses bottes et s’envole. Et bien sûr, il fallait prévoir aussi des copies du costume adaptés aux mensurations des doublures cascade.
Combien de personnes ont-elles travaillé sur les costumes du film ?
Plus de trois cents pendant la période de production la plus intense. C’est énorme, même pour un grand film de ce genre. Il s’agit de loin du projet le plus ambitieux de toutes les productions des studios Marvel. C’est naturel, puisque l’on ne passe que deux minutes sur la terre, avec une quinzaine de personnages, au début du film : tout le reste de l’aventure se déroule sur d’autres planètes, loin de notre système solaire.
La suite de cet entretien consacré aux costumes des héros des GARDIENS DE LA GALAXIE paraîtra bientôt sur ESI !