Reportage exclusif sur le tournage des GARDIENS DE LA GALAXIE : Entretien avec Dan Grace, superviseur des costumes – 2ème partie
Article Cinéma du Dimanche 28 Septembre 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs pourquoi vous avez eu besoin de réunir autant de personnes dans votre équipe ?

Volontiers. Comme nous construisons les costumes, les uniformes, les accessoires et les chaussures de A à Z, à de rares exceptions près où nous pouvons recycler des éléments préexistants trouvés dans le commerce, nous avons besoin d’engager de nombreux artisans qui sont spécialisés chacun dans un domaine précis. Des fabricants de bottes et de chaussures, des spécialistes de la construction d’armures, des experts en broderie, des artisans qui façonnent le cuir, etc. Pour les accessoires high tech, nous engageons des gens qui travaillent le métal sur des tours, des sculpteurs, des mouleurs, des spécialiste du tirage d’objets en résine ou dans d’autres matériaux semi-souples comme l’uréthane. Nous fabriquons aussi des ceintures, des sacs, des sacoches…Je travaille depuis longtemps pour le cinéma et je peux vous dire que l’on ne voit pas souvent des projets d’un calibre équivalent à celui des GARDIENS DE LA GALAXIE.

Que se passe-t-il à la fin du tournage ? Enveloppez-vous tout dans des housses pour stockage ?

Oui, car les studios Marvel tiennent à tout garder. Ils sont très efficaces, et ils conservent tout ce qui est fabriqué pour leurs films. Tout est répertorié, classé, et rangé en un minimum de volume dans des grandes caisses en bois. Il y a toujours une possibilité que des tournages additionnels aient lieu après la fin du tournage principal, et il est donc impératif de pouvoir retrouver rapidement, remettre en état et réutiliser ce qui a été stocké. Et en dehors des tournages additionnels, comme les films de l’univers cinématographique Marvel sont imbriqués les uns dans les autres, il se peut aussi que l’on ait besoin d’utiliser un costume d’un film dans un autre. Rien ne dit que Quill ne va pas apparaître dans une autre saga de Marvel. Et bien sûr, il y a aussi la possibilité de réutiliser ces costumes dans des suites.

Et une fois que tout cela a été fait, est-ce que ces caisses sont envoyées aux Etats-Unis ?

Oui. Les Studios Marvel sont en train d’organiser leur déménagement pour s’installer dans un nouveau site plus grand. Ils ont déjà aménagé un hangar d’archives qui est très bien organisé, et dans lequel tous les accessoires, costumes et éléments de décors des films sont soigneusement répertoriés et rangés. Cela nous est très utile, car si par exemple nous voulions ajouter aux GARDIENS DE LA GALAXIE une scène qui se passe à Asgard, il nous suffirait d’appeler les archives des Studios Marvel, et de leur dire que nous aimerions avoir accès aux costumes de THOR et de THOR, LE MONDE DES TENEBRES, et ils nous enverraient rapidement un listing avec les fiches et les photos de ce qu’ils ont en stock concernant ces deux films. C’est vraiment bien que les choses soient organisées ainsi, car les fans aiment reconnaître ces éléments d’un film à l’autre. Et cela renforce aussi la crédibilité de tout cet univers Marvel, qui reste cohérent.

Quels sont les personnages qui portent les uniformes sinistres qui sont exposés à côté de nous ?

Il s’agit des Sakaarans, qui sont des soldats au service des méchants. Initialement, ils s’appelaient les Badoon, comme dans les BDs originales de Marvel, où ils sont apparus aux côtés du Surfer d’Argent, de Galactus et des Quatre Fantastiques avant de côtoyer les Gardiens de la Galaxie. Dans les comics, ce sont des humanoïdes à l’aspect reptilien. Mais les dirigeants des Studios Marvel se sont rendu compte que les gens avaient tendance à trouver ce nom de Badoon plus comique qu’inquiétant. Du coup, les Badoon ont été rebaptisés Sakaarans ! (rires) James Gunn voulait que nous leur donnions une allure militaire, mais aussi très inquiétante, presque surnaturelle. Il a été décidé très tôt de leur faire porter des masques pour effacer leurs visages, ce qui est très efficace. Des ennemis sans visages sont encore plus effrayants. Et nous avons voulu donner l’impression que leurs armures ont été créées dans un matériau organique qui pousse et devient indestructible. Pour produire ces textures fibreuses surprenantes, nous avons employé des sculpteurs, des fabricants de moules, des artistes chargés de tirer ces éléments en mousse de polyuréthane semi-souple et des peintres pour les décorer et leur donner la patine mi-minérale mi-métallique que vous voyez ici.

Cet autre costume est-il celui de Ronan l’Accusateur ?

Oui. Il est constitué essentiellement de cuir et de métal, et c’est donc une autre division de notre département qui s’est occupé de façonner ces matériaux. Nous avons bien sûr conservé la fameuse capuche qui recouvre toujours la tête et les épaules de Ronan dans les comics. A côté, vous pouvez voir la tenue de Nebula, la guerrière à moitié cyborg, qui a été un gros défi à relever pour l’équipe des maquillages spéciaux, car la comédienne qui l’incarne, Karen Gillan, avait la tête et un bras entièrement recouverts de prothèses. En ce qui nous concerne, ses habits ne nous ont pas posés de problèmes particuliers. Korath le limier, que joue Djimon Hounsou, porte lui aussi un costume atypique, une armure avec des sections métalliques sur les épaules, les bras et la poitrine, toutes intégrées à un uniforme en cuir.

Vous avez intégré une image de Thanos aux illustrations de référence de votre atelier. Il semblerait qu’elle provienne de la scène finale d’AVENGERS où l’on découvrait Thanos pour la première fois dans un film Marvel…

Oui, cette image est là parce que plusieurs personnages des GARDIENS DE LA GALAXIE sont directement liés à Thanos, comme Ronan qui est son fils, et comme Gamora et Nebula, qu’il a adoptées et élevées pour devenir des guerrières impitoyables.

Comme vous n’avez pas prévu de costume pour Thanos, cela signifie probablement qu’il n’est pas interprété par un acteur quand il parle avec Ronan…

Non, il n’est pas incarné par un comédien dans CE film. (Le sourire allusif de Dan Grace nous indique que Marvel a bien l’intention de confier le rôle de Thanos à un acteur dans un prochain épisode des GARDIENS DE LA GALAXIE. Mais sous la forme d’un personnage 3D animé par capture de performance ou grâce à un maquillage prosthétique ? Il faudra patienter deux ou trois ans pour le savoir ! )

Les nombreux croquis affichés attestent que vous avez eu à fabriquer énormément de costumes pour vêtir les habitants des quatre ou cinq planètes différentes que l’on découvre dans le film…

Oui, plusieurs centaines. James Gunn voulait vraiment que les spectateurs ressentent un dépaysement profond en suivant nos héros de planète en planète dans la galaxie. Chaque monde a sa personnalité propre. Sur Xanda, on découvre une civilisation utopique assez proche de ce que la terre pourrait être si le progrès et l’épanouissement personnel prenaient le pas sur le tout le reste. C’est un monde que l’on a pas envie de voir disparaître au cours du conflit qui se prépare, ce qui n’est pas le cas de tous les endroits que visitent nos héros ! C’est aussi sur ce monde très évolué et pacifique que se trouve le quartier général des Nova Corps, qui sont les policiers de la galaxie que l’on voit souvent en action dans les comics.

Leurs uniformes avec ce sigle composé de trois ronds jaunes reliés par deux traits formant un « V » sont bien connus des fans de Marvel.

C’est la raison pour laquelle nous sommes restés très proches de leur apparence dans les BDs. Et sur les uniformes que nous avons fabriqués, ce fameux logo est lumineux et rétro éclairé par des leds. Nous avons ajouté des petits rectangles avec des icônes symbolisant les médailles reçues par chaque policier des Nova Corps , et des designs indiquant leurs grades dans la hiérarchie.

Avez-vous été amenés à construire des costumes très particuliers pour les extraterrestres du film ?

Oh oui ! Nous avons travaillé très étroitement avec David White et son équipe du département des effets spéciaux de maquillage. Si un personnage avait une grosse bosse dans le dos, nous fabriquions un costume pour ces mesures particulières, et si un autre alien marchait sur trois jambes, nous créions un pantalon muni de trois jambes ! Nous avons également fabriqué des costumes pour une courte scène où l’on voit une projection d’hologramme de la surface de la planète Moray, avec ses habitants qui vaquent à leurs occupations. Tous ces figurants ont été maquillés, coiffés et habillés comme s’ils allaient apparaître dans une scène filmée et intégrée normalement dans le film. C’était indispensable de procéder ainsi pour que cette simulation d’hologramme soit crédible, après avoir été traitée par le département des effets visuels.

Avez-vous créé et fabriqué aussi de vrais costumes pour les extraterrestres réalisés et animés en images de synthèse ?

Oui. Toutes les tenues qui sont présentées sur ce panneau ont été créées pour les personnages 3D. Pour prendre cet exemple, nous avons fabriqué tous les costumes de Rocket Racoon comme s’il existait vraiment.

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ? Cela semble assez surprenant d’aller jusque là…

Eh bien si l’on veut créer un costume totalement réaliste pour un personnage 3D, la meilleure méthode est encore d’en fabriquer un vrai, puis de le scanner et de le photographier sous tous les angles pour en saisir toutes les textures, les reliefs et les nuances de couleurs. Quand les équipes des effets numériques utilisent ces données, elles parviennent à réaliser ainsi des costumes virtuels beaucoup plus crédibles. D’autre part ces costumes ont servi aussi à habiller la petite effigie de Rocket qui est placée face aux acteurs, sur le plateau, pour qu’ils se représentent le personnage. Contrairement aux tenues destinées aux acteurs réels, nous ne fabriquons que deux exemplaire de chaque costume de Rocket, car il y a deux effigies articulées et détaillées du personnage qui servent quand l’équipe de tournage principale et la seconde équipe filment des scènes au même moment sur des plateaux différents. Ici en Angleterre, on surnomme ces effigies des « empaillés » parce qu’elles sont inertes et rembourrées comme les créations des taxidermistes. (rires) Elles sont également très utiles aux équipes des effets visuels, car quand on les pose au milieu des décors, elles permettent de voir comment le personnage réagit aux éclairages qui se trouvent autour de lui. Du coup, cela permet aux infographistes de se rendre compte qu’une partie bleue du costume de Rocket va sembler noire quand elle est éclairée par une lumière rouge, alors qu’on aurait eu du mal à le deviner si l’on n’avait pas filmé cette vraie référence dans le décor.

Le département des accessoires a-t-il fabriqué aussi en vrai les armes de Rocket ?

Oui, absolument, et pour les mêmes raisons : pour pouvoir les scanner et les reproduire en 3D, et pour voir comment les armes réagissaient à la lumière dans les différents décors. Juste à côté de nous, vous pouvez voir les nombreux appareils de tous genres utilisés par les extraterrestres de morphologies variées pour être en mesure de respirer quel que soit l’atmosphère des autres planètes de la galaxie sur lesquelles ils se rendent. On ne s’attarde pas particulièrement sur ces équipements pendant le film, mais ils contribuent à rendre cet univers crédible. Et un peu plus loin, vous apercevez les uniformes des prisonniers du pénitencier de Kyln, que l’on découvre dans l’une des grandes séquences du film. Elle a été tournée dans un décor gigantesque de plusieurs étages, de la taille de ceux que l’on construit habituellement pour un James Bond. Nous avons eu l’idée de développer un affichage de code barre sur chaque uniforme, qui indique les méfaits accomplis par le criminel qui le porte. Ce n’est jamais expliqué clairement dans le film, mais c’est juste un petit détail réaliste que nous aimons bien. Les prisonniers utilisent des perles et de la verroterie comme monnaie parallèle. Elle leur sert à acheter et à vendre des produits entre eux, et cela fait partie des accessoires que nous avons fabriqués pour eux.

Et qu’en est-il du costume du Collectionneur, le personnage qu’incarne Benicio Del Toro ? A-t-il participé activement à l’élaboration de sa tenue ?

Oui, Benicio est un comédien qui s’implique énormément dans la préparation de chacun de ses rôles, et comme il sait que le Collectionneur est un protagoniste important dans l’univers Marvel, il voulait satisfaire pleinement les fans. Il a donc fait ses propres recherches sur les motivations et l’aspect du personnage, et cela combiné avec les illustrations fournies par le service du développement graphique des Studios Marvel, et avec les dessins de costumes imaginés par Alexandra Byrne a abouti au costume que vous verrez dans le film et que Benicio a eu beaucoup de plaisir à porter. Je dirais que le résultat final rend bien hommage aux comics, mais qu’il y a aussi beaucoup de la personnalité de Benicio qui transparaît.

A côté, ce sont visiblement les costumes de la population très délurée de Knowwhere…

Oui. Knowwhere est un lieu étrange aménagé dans la tête momifiée d’un être d’une taille qui défie l’imagination. A l’intérieur, il y a les quartiers d’habitation des mineurs qui exploitent les filons du site, et les tripots, les bars clandestins, les salles de jeu, et les maisons closes où ils viennent dépenser leur argent. Bien sûr, avec tout cet argent liquide qui circule, il y a une mafia locale qui contrôle une bonne partie des commerces et qui graisse la patte aux autorités locales. Ce haut lieu de trafic de contrebande était aussi l’endroit idéal pour que le collectionneur puisse prélever au passage les objets et les êtres qui l’intéressent. C’était donc là qu’il a installé son fabuleux musée, que l’on découvrira dans le film.

La suite de ce dossier galactique paraîtra bientôt sur ESI !

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