Tonnerre sous les tropiques : entretien avec Ben Stiller
Article Cinéma du Mercredi 15 Avril 2009

A l'occasion de la sortie du film en DVD et Blu-Ray, retrouvez notre interview de Ben Stiller ! L’auteur, acteur et réalisateur de Tonnerre sous les tropiques signe là l’une des meilleures parodies du monde du cinéma !

Par Pascal Pinteau

Ben Stiller est devenu une star de la comédie grâce aux succès de Mary à tout prix, Mon beau-père et moi, Zoolander (qu’il a également écrit et réalisé), Starsky et Hutch, et La Nuit au musée, dont nous découvrirons bientôt la suite. Il connaît aujourd’hui le plus gros succès de sa carrière d’auteur réalisateur avec Tonnerre sous les tropiques, hilarante mise en boîte des us et coutumes Hollywoodiennes. On y voit trois stars – brillamment interprétées par Stiller, Robert Downey Jr et Jack Black – tenter de redonner un peu de lustre à leurs carrières respectives en jouant des rôles dramatiques dans un film sur la guerre du Vietnam. Tous les clichés du cinéma américain passent à la moulinette, et l’on est plié de rire du début jusqu’à la fin. ESI vous conseille de vous précipiter voir ce film du tonnerre (tropical) dès sa sortie en salles !



Vous avez co-écrit et réalisé « Tonnerre sous les tropiques » et tenu aussi un des rôles principaux du film. Vous sentiez-vous d’autant plus « sous pression » pendant le tournage ?

Vous savez, la pression dont vous parlez existe toujours plus ou moins sur un tournage. Cela fait partie du processus de création d’un film. Elle est là, mais vous ne pouvez pas vraiment y penser quand vous êtes en train de travailler. Vous devez trouver le moyen de vous amuser et d’être créatif, d’atteindre les buts que vous vous êtes fixés sans vous laisser miner par l’angoisse. Disons que cela fait partie de l’exercice qui consiste à réaliser un film.

Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet est né ? Je crois que vous aviez déjà l’idée originale en tête, il y a une vingtaine d’années…

Oui. Je jouais un petit rôle dans le film de Steven Spielberg L’empire du Soleil, qui se déroulait pendant la seconde guerre mondiale. A cette époque, beaucoup de mes amis tournaient eux aussi dans des films de guerre. Certains jouaient dans Platoon, d’autres dans Hamburger hill, et tout naturellement, nous en sommes venus à parler des situations insolites que nous avions vécues pendant ces tournages. Nous étions tous passés par de faux camps d’entraînement, pour avoir un minimum d’expérience dans le maniement des armes et les postures militaires. Cependant, même s’il s’agissait d’une formation organisée pour le tournage d’une fiction, certains d’entre nous avaient été marqués par cette ambiance militaire. Elle leur avait donné une autre perspective sur leur vie. J’avais trouvé très amusant de voir ces acteurs se prendre un peu trop au sérieux, et plonger dans cette ambiance comme s’ils étaient réellement en train de faire la guerre. On aurait dit qu’ils avaient oublié que ce n’était que du cinéma !

Ce qui est brillant dans ce concept, c’est qu’il jette un regard ironique à la fois sur le comportement des acteurs Hollywoodiens trop gâtés, et sur les clichés des films de guerre…

Exactement. Ce type de film est devenu un genre propre au cinéma américain : « Le drame situé pendant la guerre du Vietnam ». De même, la notion de « camp d’entraînement » destiné aux acteurs d’un film de guerre est entrée dans les mœurs Hollywoodiennes. Le terme de « Boot camp » (littéralement « entraînement en bottes ») fait partie du vocabulaire du cinéma, et le film de guerre situé au Vietnam fait désormais partie des étapes classiques du parcours professionnel d’un acteur qui veut être reconnu par la profession et décrocher une nomination aux Oscars. Il y a là un mélange vraiment bizarre de démarche commerciale et artistique. Ce qui m’amuse, c’est la motivation qui pousse les acteurs à faire des films de guerre. La plupart des comédiens veulent être pris au sérieux, même s’ils ne savent pas vraiment ce qu’ils font sur un plateau pendant un tournage ! (rires) C’est ce que j’avais envie de montrer dans ce film, et toutes ces idées se sont mêlées au fil des ans, quand je pensais à ce concept.

Vous avez travaillé ensuite sur le scénario avec Justin Theroux, en vous envoyant des bouts de scènes et des idées par mails, pendant plusieurs années…

Oui. Justin est un auteur génial, et aussi un acteur formidable. Nous sommes amis depuis longtemps. Il se trouve qu’il vit à New York, tandis que je suis installé à Los Angeles. De mon côté, j’avais écrit une trentaine de pages de Tonnerre sous les tropiques, mais le projet n’avançait pas vraiment, parce que j’étais pris par d’autres choses. Et puis nous avons commencé à parler de ce concept avec Justin, et à nous envoyer des idées par mail. Petit à petit, nous avons développé des scènes, et défini les traits de caractère des personnages principaux. A certains moments, nous travaillions à fond sur le projet pendant un mois ou deux, puis nous marquions des pauses parce que nous étions accaparés par d’autres projets ou par des tournages. Mais nous n’avons jamais abandonné Tonnerre sous les tropiques. Nous y sommes toujours revenus. Compte tenu de ces interruptions, il nous a fallu huit ou neuf ans pour développer une première version du scénario. Il y a trois ans et demi, nous avons organisé une lecture avec plusieurs autres acteurs, et à la suite de cela, nous avons réécrit certains passages. C’est à partir de cette version du script que nous avons commencé le casting du film. Et quand le casting a été fait, il nous a semblé évident que nous pouvions encore ajouter certaines choses et en modifier d’autres. En fait, depuis le début, nous n’avons pas cessé de travailler sur l’histoire et les personnages pour essayer de trouver le ton juste.

Qu’est-ce qui vous a poussé à proposer des rôles à Jack Black et à Robert Downey Jr ?

Jack a toujours été celui que nous imaginions dans le rôle de Portnoy, parce qu’il possède un talent comique incroyable, et qu’il ne recule devant rien, devant aucune situation, même la plus outrancière. Il était l’acteur parfait pour interpréter un comique qui tourne dans des films aux gags lourdingues, et qui se déguise pour faire rire le grand public. Jack a aussi le sens de l’autodérision, et je savais qu’il serait heureux de pouvoir parodier certains des films comiques qu’il a pu faire dans sa carrière, tout en apportant sa propre personnalité au rôle. Et en ce qui concerne le personnage de Kirk Lazarus, j’étais convaincu que le rôle ne fonctionnerait que s’il était tenu par un acteur très réputé, estimé par toute la profession. De toute évidence, Robert Downey Jr est l’un des plus grands comédiens de sa génération, et il a aussi un grand sens de l’humour. Il était le choix idéal pour incarner un grand acteur, car les spectateurs connaissent son talent, mais il pouvait aussi apporter sa propre touche comique au rôle. Et cela, peu d’acteurs en étaient capables.

En dehors des scènes de comédie, vous avez aussi réalisé des scènes d’action très spectaculaires…

Merci, je suis content que vous les ayez appréciées. J’ai été ravi de pouvoir tourner ces séquences de guerre et de pouvoir collaborer avec de grands spécialistes des cascades, des effets pyrotechniques et des effets spéciaux. C’est très important de travailler avec des gens qui comptent parmi les meilleurs dans ces domaines. Ensuite, il fait réussir à mêler l’action et la comédie tout en maintenant l’équilibre du récit. Il ne fallait pas que l’une prenne le pas sur l’autre. C’était sans doute l’un des défis les plus difficiles à relever.



Vous avez tourné « Tonnerre sous les tropiques » à Kauai, une île située près de Hawaï, et filmé beaucoup de scènes en extérieurs. Quels souvenirs gardez-vous de ce tournage dans la jungle ?

La pluie ! (rires) Il a beaucoup, beaucoup plu. Pendant les bons jours, ce n’étaient que de brèves averses, mais il arrivait aussi que nous subissions des déluges de plusieurs heures. Heureusement, nous n’avons pas pris de retard malgré ces pluies quotidiennes, et en dépit du fait que nous n’avions pas de solution de repli, puisque nous n’avions construit aucun décor en intérieur à Kauai. Toutes ces scènes d’intérieurs ont été tournées à Los Angeles. Je dirais que le principal souvenir que je garde de la jungle est d’avoir été obligé de marcher dans beaucoup de boue, et d’avoir souffert un peu de la chaleur. Mais c’était tout de même très amusant de tourner ces scènes dans cet environnement réel, et d’en profiter pour incorporer ces éléments-là dans les gags du film.

Comme vous le savez, le personnage qu’interprète Robert Downey Jr a fait beaucoup de bruit, et a été l’objet d’une polémique sur internet. On dirait que certaines personnes n’ont pas vraiment saisi la plaisanterie…Comment réagissez-vous à cela ?

Nous avons toujours été clairs dans notre description du personnage. Dans le film, Kirk Lazarus est décrit comme un acteur qui se prend un peu trop au sérieux, et qui prend la décision absurde de subir une opération de chirurgie esthétique pour jouer le rôle d’un soldat afro-américain. Ce qui est de toute évidence une idée ridicule pour un comédien blanc ! Nous nous sommes toujours efforcés de bien souligner que c’est de cette décision absurde que nous nous moquions.

Robert Downey Jr est hallucinant dans ce rôle…

Oui, sa performance est incroyable. Vraiment extraordinaire. Je crois que très peu d’acteurs auraient été capables de faire ce qu’il a fait. Il s’est vraiment investi à fond dans ce rôle. Et il a pris un gros risque en acceptant, car il n’y avait aucun moyen de savoir à l’avance ce que le résultat allait donner. Je crois que le personnage n’aurait pas fonctionné sans le dévouement total de Robert. C’était formidable de le voir développer son approche du rôle, puis faire ses premiers tests, puis jouer Kirk Lazarus sur le plateau. Que je joue à côté de lui, ou que je sois derrière la caméra ou dans la salle de montage, j’étais toujours époustouflé par sa performance.

De votre côté, comment gériez-vous votre triple fonction d’auteur, d’acteur et de réalisateur pendant le tournage ? Vous deviez porter trois regards différents sur ce qui se passait, tout en gérant les improvisations de vos partenaires…

Oui. C’était un peu compliqué, mais toujours très agréable à faire. C’était une atmosphère très excitante, très créative.



Quels sont les petits moments nés d’improvisations dont vous êtes particulièrement satisfait ?

J’aime bien cette scène qui se passe près de la rivière ou mon personnage et celui de Robert se disputent parce que je pense que le film se tourne toujours, tandis que le reste de l’équipe veut rebrousser chemin. Et il faut que Robert me vole ma carte. Nous avons écrit cette scène sur place, près de la rivière. Robert avait besoin de trouver une idée qui lui permette de se rapprocher de moi, alors que je suis déjà au milieu de la rivière. Il a eu l’idée de commencer à me baratiner en me félicitant sur la musculature de mes bras. En me disant que je ressemblais à Rambo. Bien sûr, il n’en pense pas un mot, parce qu’il cherche seulement à se rapprocher pour me piquer discrètement cette fameuse carte. A chaque fois que je regarde cette scène, Robert me fait mourir de rire. Ses faux compliments sont tellement drôles !

Jack Black est très drôle aussi dans toutes les scènes ou il est en état de manque parce qu’il n’a plus de drogue sur lui…

Vous savez, on ne s’en rend pas compte, mais c’était très dur pour Jack d’avoir à simuler ces frissons et ce comportement-là pendant quatre mois d’affilée ! Il a réussi à donner à cela un côté amusant, ce qui n’était pas évident au départ.

Sans citer des noms pour ne pas gâcher ces scènes-là, je voudrais parler des stars qui font des apparitions surprises dans le film. Vous avez réussi à attirer des grands noms…Et notamment un acteur qui joue un rôle important, affublé d’un maquillage qui le rend totalement méconnaissable…

Oui. Je leur ai envoyé le script, et ils ont rapidement accepté. L’acteur auquel vous faites allusion avait envie de s’amuser et comme il avait aimé le scénario, il a joué son rôle à fond. Il a été vraiment très drôle. Je suis vraiment ravi de ce qu’il a fait dans le film. Un jour, il a improvisé des pas de danse en sortant de la loge de maquillage, et comme c’était vraiment drôle, il a suggéré que son personnage danse dans le film. Il s’est lancé dans une improvisation que nous avons filmée de bout en bout, et que nous avons intégré ensuite dans le film. On peut voir l’intégralité de sa prestation pendant le générique de fin.

On peut voir de fausses bandes-annonces et de faux extraits de films dans « Tonnerre sous les tropiques ». Vous avez prolongé cette démarche en offrant des bonus aux internautes, avant la sortie du film. C’était important pour vous, de créer un « Buzz » sur le web ?

Je crois que c’est une bonne chose quand le thème du film s’y prête. Nous avons filmé tellement de scènes en plus de celles qui figurent dans le film que nous nous sommes dit que ce serait dommage de ne pas en faire quelque chose. C’est ainsi qu’est née l’idée de les inclure dans un faux making of, qui raconte le tournage du film à l’intérieur du film. Une sorte de parodie du fameux Hearts of Darkness, qui racontait le tournage délirant d’Apocalypse Now. C’était très satisfaisant de pouvoir utiliser ces scènes qui avaient été coupées au montage et de pouvoir en faire profiter les internautes. Du coup, cela nous a donné l’idée d’aller plus loin et de créer aussi de faux sites web pour chacun des personnages d’acteurs du film. Et comme nous étions engagés dans cette voie, pendant la création des sites de Kirk Lazarus et Tugg Speedman, nous nous sommes amusés aussi à leur imaginer toute une filmographie ! (rires).



Rain of Darkness, version longue mais en anglais :


Retrouvez également les faux sites des acteurs du film dans le film : Kirk Lazarus, Tugg Speedman et Jeff Portnoy.

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