LES 4 FANTASTIQUES : Le reboot de tous les dangers pour le réalisateur Josh Trank et le producteur/scénariste Simon Kinberg - 1ère partie
Article Cinéma du Samedi 04 Avril 2015

La Fox fera-t-elle oublier le ratage des Quatre Fantastiques et le Surfer d’Argent avec cette nouvelle version plus sombre et plus réaliste de la BD culte ?

Par Pascal Pinteau

La transposition sur le grand écran du fameux quatuor inventé par Jack Kirby et Stan Lee a été un long chemin jalonné d’embûches pour la Fox, et ce dès le milieu des années 90. En effet, juste avant d’acquérir les droits d’adaptation cinématographiques des X-Men, de Daredevil et des Quatre Fantastiques, le studio découvre que Marvel a du racheter en catastrophe le négatif du pseudo film FANTASTIC FOUR produit en hâte par Roger Corman pour le compte du producteur allemand Bernd Eichinger. L’histoire de ce tournage est délirante : Eichinger détenait encore les droits de la BD pour quelques mois, et comme il n’avait pas pu produire un vrai film dédié aux Quatre Fantastiques pendant les années précédentes, il allait perdre tout l’argent investi dans cette acquisition. D’où son idée de faire produire rapidement une série Z à bas prix – un million de dollars, mais Corman n’en dépensera finalement que la moitié ! - afin de posséder un « film » tangible, c’est à dire une copie 35mm d’un long métrage en couleur, aussi minable soit-il. Grâce à Corman, qui annonce sérieusement à toute l’équipe du film et à la presse la sortie prochaine de Fantastic Four , Eichinger possède bel et bien un moyen de négociation avec Marvel pour récupérer sa mise en échange de l’assurance que ce navet ne soit jamais distribué en salles ni en vidéo. Le tour de passe-passe de Corman et Eichinger fonctionne, et le pseudo-film est remisé pour toujours dans les archives de Marvel après un accord financier avec le producteur allemand. La transaction prévue avec la Fox peut enfin aboutir, afin qu’un vrai blockbuster puisse voir le jour…



Des choix discutables

Focalisée d’abord sur les adaptations des X-Men et de Daredevil, dont les scripts sont traités sérieusement, la Fox se fourvoie en considérant qu’il faut aborder LES QUATRE FANTASTIQUES comme une comédie, passant ainsi complètement à côté de la dimension « Science-Fiction cosmique » mise en avant par Jack Kirby grâce à de fabuleux personnages comme Galactus et le Surfer D’Argent, dont Stan Lee reconnaît volontiers que Kirby fut le seul créateur, non officiellement crédité. Choisi sur la base de deux comédies qu’il venait de réaliser, Tim Story fait de son mieux en signant en 2005 un premier opus sympathique mais étonnamment peu spectaculaire en dépit d’un budget de 100 millions de dollars. En revanche, Story ne parvient pas à convaincre ni même à faire illusion avec le second épisode en 2007, tant la transposition narrative du personnage du Surfer d’Argent est faible et l’absence de son maître Galactus, le gigantesque dévoreur de mondes, absolument impardonnable aux yeux des amateurs de comics. Ajoutons que le traitement du Docteur Fatalis, l’ennemi mythique des Fantastiques, est tout aussi navrant que l’interprétation caricaturale, presque comique, qu’en livre Julian McMahon. Après cet échec cuisant, le studio se retrouve dans la pire des situations : il doit initier rapidement le développement d’une nouvelle adaptation de la BD en dépit de ce flop, faute de quoi les droits de transposition cinématographique reviendront à Marvel…



Nouveau départ

Le développement d’un troisième volet, un reboot destiné à être confié à une nouvelle équipe , est annoncé officiellement en 2009. Echaudé par l’accueil du film précédent et les réactions hostiles des fans, la Fox ne laisse filtrer strictement aucun détail du travail d’adaptation en cours. On apprend cependant que le célèbre concepteur graphique et illustrateur Aaron Sims a été engagé pour effectuer des recherches de designs du personnage de la Chose, ce qui indique déjà que l’emploi d’un costume en mousse de latex et d’un maquillage est abandonné au profit de la création d’un personnage 3D, probablement animé grâce à la capture de performance. Plusieurs traitements sont écrits en 2010 et 2011, et en juillet 2012, le studio révèle que Jeremy Slater est engagé pour développer un script et que Josh Trank réalisera le film. Par ce communiqué, le studio dévoile sa vision réaliste de cette nouvelle version : Trank a été choisi parce qu’il a co-écrit avec Max Landis et réalisé le film de « found footage » CHRONICLE, qui applique astucieusement le principe de l’action filmée par le camescope des protagonistes pour narrer l’histoire d’un groupe de jeunes gens qui se retrouvent dotés de super-pouvoirs pour le meilleur et surtout pour le pire. Si l’approche du found footage n’est pas envisagée pour cette nouvelle itération des QUATRE FANTASTIQUES, le studio compte sur Trank pour traiter le groupe de super-héros avec la même spontanéité et le même naturel que dans son premier long-métrage. Le scénario de Slater est révisé en février 2013 par T.S. Nowlin et Seth Grahame-Smith, puis en octobre, le studio confie à Simon Kinberg, vétéran de la saga X-MEN encore auréolé du succès de X-MEN, LE COMMENCEMENT, la tâche de co-écrire le script, et de produire le film. A l’instar de Trank, Kinberg ne compte pas s’inspirer seulement de la version originale de la BD : il veut puiser dans les comics de la série ULTIMATE FANTASTIC FOUR, créée en 2004 par les scénaristes Brian Michael Bendis et Mark Millar (Millar qui a été engagé par la Fox en tant que consultant sur toutes les adaptations Marvel, rappelons-le) et par le dessinateur Adam Kubert. Si les personnages ressemblent à ceux de l’univers Marvel normal, de nombreuses modifications ont été apportées aux canons de l’œuvre de Kirby & Lee. Les membres de l’équipe sont beaucoup plus jeunes – ils sortent à peine de l’adolescence – et l’origine de leurs pouvoirs est différente. Cette fois-ci, il n’y a plus de voyage spatial dans une fusée, ni d’exposition aux rayons gamma : Reed Richards, Ben Grimm, Susan et Johnny Storm participent à une expérience de téléportation qui tourne mal et provoque leurs métamorphoses, et après cette mésaventure, les quatre inséparables amis vivent dans le New York actuel. Cette nouvelle approche « Ultimate » est gardée secrète par la Fox et par Kinberg, car il faut rassurer les fans et éviter soigneusement toute source de nouvelles polémiques…



Le scepticisme des fans

Jusqu’à présent, les studios Marvel sont les seuls qui ont accompli un travail d’adaptation et de modernisation irréprochable de leurs BDs, sachant réunir dans chaque transposition cinématographique les meilleurs éléments issus de toutes les époques des aventures de leurs personnages. La force de cette méthode est bien sûr sa capacité à séduire toutes les générations de lecteurs de BD et de spectateurs de cinéma. Hélas, les autres studios possédant les droits des personnages Marvel sont tombés dans le piège de la modernisation à tout crin, pensant à tort qu’ils pouvaient amputer certains éléments essentiels de la saga de ces super-héros sans que cela ne nuise au résultat final. La Fox a souvent pêché dans ce domaine : après avoir produit un DAREDEVIL sympathique à regarder pour les fans indulgents mais passablement bancal et un ELEKTRA grotesque, on se souvient qu’elle valida la décision de tuer le professeur Xavier et la moitié des X-Men dans le troisième volet de la saga (co-écrit par Simon Kinberg et Zack Penn), passa à côté de l’occasion de raconter fidèlement les débuts de Wolverine dans X-MEN ORIGINS : WOLVERINE, et commit l’erreur fatale de ne pas représenter le Surfer d’Argent et Galactus comme ils le méritaient dans le second volet des QUATRE FANTASTIQUES comme nous le rappelions précédemment. C’est ce lourd passif qui explique que chaque nouveau projet Marvel lancé par la Fox soit accueilli avec une réserve teintée d’une bonne dose de scepticisme par les fans, en dépit d’indéniables réussites comme X-MEN 1 & 2, X-MEN LE COMMENCEMENT, et X-MEN DAYS OF FUTURE PAST. Et si les fans sont une fois encore sur le qui-vive, c’est parce que les Quatre Fantastiques occupent une place à part dans le cœur des amateurs de BD et dans l’histoire de Marvel : c’est à partir de ce tout premier succès fulgurant, en novembre 1961, que Stan Lee et les dessinateurs Jack Kirby, Steve Ditko, John Buscema, Don Heck, George Tuska et Johnny Romita Jr ont pu créer Iron Man, Spider-Man, Daredevil, Hulk, les X-Men, Thor, et établir les fondations de l’univers Marvel ! On peut donc affirmer que sans le triomphe des 4 Fantastiques qui a validé commercialement la vision de Stan Lee et Jack Kirby, l’univers Marvel tel que nous le connaissons aurait pu ne jamais exister. Or, ce qui a fait le charme intemporel et le succès des Quatre Fantastiques depuis plus de cinquante ans, c’est la formule originale inventée par Kirby & Lee. Pour la résumer en quelques mots, Les Quatre Fantastiques sont les premiers super-héros qui n’ont pas d’identité secrète, et qui sont donc scrutés constamment par les médias et par le grand public. Leur célébrité médiatique et leur nom, décalqués sur ceux des « Fab Four » - alias les Beatles - dans les années soixante, est l’un des ressorts humoristiques très originaux de la saga, tout comme les disputes cataclysmiques entre Ben Grimm/ la Chose et Johnny Storm / La Torche humaine. Mais au sein de ce groupe atypique, l’esprit de famille et l’affection permettent de surmonter toutes les épreuves et les désespoirs les plus intimes, comme celui de Ben Grimm, transformé en monstre orange à la peau rocailleuse. Même pendant leurs aventures cosmiques les plus folles, aux confins du temps et de l’univers, face à des adversaires réputés invincibles, les Fantastic Four forment un bloc soudé, déterminé, héroïque, généreux, positif et finalement imbattable pour toutes ces raisons. On comprend donc qu’après avoir été émerveillé par les récits débordants de créativité et de fulgurances cosmiques de Jack Kirby et Stan Lee, les fans de comics aient été quelque peu inquiets en apprenant par des rumeurs que la Fox misait désormais – comme pratiquement tout les cinéastes à court d’idées ces temps-ci - sur l’éternel cliché de « L’adaptation plus sombre, plus réaliste et plus dramatique », pour ne pas dire plus « terre à terre ». Franchement, combien de centaines de fois a-t-on entendu parler de projets d’adaptation ou de remakes en ces fameux termes de « version plus sombre, plus réaliste et plus âpres » ces dernières années ?! Avouons-le, c’est presque devenu un gag. A quand le remake des Bisounours « En plus réaliste et en plus âpre » ? Après le départ du très interventionniste PDG de la Fox Tom Rothman en septembre 2012 (Rothman se mêla de tout sur X-Men Origines : Wolverine, faisant même repeindre des décors sans que le réalisateur Gavin Hood ne soit au courant !), la nouvelle direction du studio prouve qu’elle a retenu les leçons de ses précédents échecs : cette fois-ci, ô miracle, la production du film ne sera pas lancée tant que le scénario ne sera pas terminé et validé à 100% !

La suite de cette Avant-première des QUATRE FANTASTIQUES paraîtra bientôt sur ESI !

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