Hellboy sur ESI : Entretien avec Ron Perlman
Article Cinéma du Mercredi 29 Octobre 2008

Par Pascal Pinteau

C’est recouvert de peaux de bêtes que Ron Perlman a fait ses débuts au cinéma, dans le rôle d’Amoukar, l’un des hommes préhistoriques du film de Jean-Jacques Annaud La guerre du feu. Perlman a retrouvé Annaud en 1986, jouant Salvatore le bossu dans Le nom de la rose. Son premier rôle-vedette a été celui de Vincent, l’étonnant homme-fauve de la série La belle et la bête (1987), dont le maquillage avait été conçu par Rick Baker. Par la suite, Perlman est apparu dans Sleepwalkers (1992) et Les aventures de Huckleberry Finn (1993) avant d’entamer une longue collaboration avec Guillermo del Toro à l’occasion de Cronos (1993). Il tourne ensuite deux fois avec Jean-Pierre Jeunet, dans La cité des enfants perdus (1995) et Alien : Resurrection (1997). C’est en 2004 que del Toro lui confie le rôle-titre de Hellboy, qu’il a repris avec bonheur dans le second volet, Hellboy 2, les légions d’or maudites. Effets-speciaux.info est heureux de vous proposer cet entretien avec l’un des acteurs les plus attachants du cinéma fantastique.

Etait-ce différent d’interpréter Hellboy cette fois-ci ?

Je suis plus vieux ! (rires) Non, il n’y a pas eu beaucoup de différences, mais les circonstances entourant le film, elles, ont changé.

Est-ce un rôle très fatigant, notamment à cause des scènes d’action ?

Non, mais je vous avertis que j’ai l’intention de m’attribuer le mérite de toutes les cascades ! (rires) Si jamais vous osez écrire que l’on a utilisé des doublures et des cascadeurs dans le film, je sais où vous trouver ! Je vais prétendre que c’est moi qui ai tout fait. Ce qui n’est pas peu dire, car il y a certainement dix fois plus de scènes d’action dans ce deuxième épisode que dans le premier…

Après avoir tourné le premier film, avez-vous immédiatement eu envie d’en tourner un autre ? Pensiez-vous qu’une suite s’imposait ?

S’imposait ? Je ne sais pas si c’est le mot approprié. J’ai toujours eu envie de retravailler avec Guillermo del Toro, particulièrement sur Hellboy, car c’est mon personnage favori, et de loin. Je pourrais passer des années à explorer ce rôle sans jamais m’ennuyer. Donc pour répondre à votre question, je n’ai jamais ressenti de lassitude par rapport à Hellboy, mais je n’ai pas non plus éprouvé un besoin impérieux de tourner une suite. Cela dit, c’est toujours flatteur d’être sollicité à nouveau, pour tourner dans un nouvel épisode très intéressant. C’est un peu comme quand on est une fille un peu moche et qu’on est soudain invitée au bal par un garçon. (rires) C’est toujours agréable de se sentir apprécié !

Vous nous avez dit qu’il y avait dix fois plus d’action dans le film, mais qu’en est-il de l’aspect humain et dramatique ?

Il y en a dix fois plus aussi. Je ne sais pas si on vous l’a dit, mais le film dure 25 heures. (rires) Plus sérieusement, je pense que les spectateurs qui ont apprécié les aspects émouvants du premier film ne seront pas déçus. L’histoire d’amour de Liz et Hellboy continue, et connaît de nouveaux rebondissements.

Grâce au succès du premier film au cinéma et en DVD, Hellboy est devenu un personnage extrêmement populaire dans le monde entier. Vous arrive-t’il, par curiosité, d’aller voir les sites de fans qui lui sont consacrés sur Internet ? Et de lire ce qu’ils pensent de votre personnage ?

Non. Je dois avouer que je ne le fais jamais. J’ai sans doute tort. Guillermo m’y incite pourtant. Il me dit souvent d’aller voir ces sites pour avoir une meilleure idée du feedback des fans. Lui, il y va tout le temps ! Je suis sûr qu’il a dû surfer sur le web au moins 45 fois, rien qu’aujourd’hui ! (rires) Il me donne les liens, pourtant, mais je ne fais aucun effort en me disant que j’aurai le temps plus tard, puis le temps passe. Cela dit, un matin, juste avant de faire une série d’interviews, je me suis décidé à lire un ou deux articles du web tout en buvant mon café. J’ai lu les deux premiers commentaires sur le tournage de Hellboy 2, et ils étaient tous les deux négatifs ! Je me suis dit « Mais pour qui se prend-il, ce type ? » et j’ai alors décidé de ne plus me préoccuper des avis des fans sur le web, une bonne fois pour toutes ! (rires) J’espère que les visiteurs de votre site ne m’en tiendront pas rigueur.

Nous ferons suivre les mails ! (rires) Qu’est-ce que vous admirez le plus, chez Guillermo ?

C’est tout simplement un garçon adorable. Ça doit certainement cacher quelque chose ! (rires) J’admire son intellect. Guillermo est certainement l’une des personnes les plus intelligentes que j’aie rencontré de toute ma vie. J’admire aussi sa discipline personnelle. C’est sans aucun doute l’artiste le mieux éduqué et le mieux informé de tous ceux que j’ai eu la chance de côtoyer pendant ma carrière. J’ai aussi beaucoup d’admiration pour sa ténacité, et sa capacité de passer en douceur d’un monde fantastique extrêmement créatif à des moments de pure comédie. Il faut parvenir à convaincre beaucoup de gens pour débloquer le budget d’un tel projet. Guillermo est très estimé dans ce milieu parce qu’il est intelligent, qu’il déborde d’idées, et comprend toutes les nuances du processus cinématographique. En tant qu’artiste, il est aussi pur et sincère qu’on peut l’être, et il possède ce don enviable d’être toujours curieux des choses qui l’entourent et qui le fascinent. Dans ces films, il explore ces thèmes fantastiques avec plus de profondeur et de richesse qu’aucun autre des réalisateurs avec lesquels j’ai travaillé.



Vous a-t’il donné le goût des contes de fées qui le passionnent tant ?

Non. Mais je suis heureux d’avoir un ami qui est capable de lire des centaines de livres sur ce sujet et de faire tous les travaux de recherches pour moi !

Avez-vous été surpris par le succès du premier Hellboy ?

Non. Je crois que je suis très superstitieux. Il vaut mieux ne pas « vendre la peau de l’ours » avant la sortie d’un film, mais je dois dire que Guillermo, quelques dirigeants des studios et moi faisions partie des rares personnes à savoir dès le début qu’il y aurait un Hellboy 2 un jour. Nous en étions convaincus, parce que c’était quasiment mathématique. Il suffisait de voir les chiffres de vente du DVD du premier film pour savoir qu’une suite verrait le jour. Et cela, nous le devons à tous ces gens qui n’ont pas eu le temps d’aller voir le film en salles à sa sortie (NDLR : il n’est pas resté longtemps à l’affiche aux USA), mais qui l’ont acheté en DVD, et qui ont dit à leurs amis à quel point ils l’avaient apprécié. C’est grâce à ce bouche à oreille formidable que nous avons pu faire Hellboy 2.

Qu’est-ce qui rend le personnage de Hellboy si attachant à vos yeux ?

Je l’adore parce qu’il est profondément humain, bourré de défauts, qu’il peut faire d’énormes bêtises comme chacun d’entre nous, mais qu’il ne renonce jamais à faire ce qui est bien. Et ce, malgré le rôle maléfique auquel il était destiné au départ. Hellboy a tracé sa propre route. J’aime cette notion de choix.

A quel point vous impliquez-vous dans le processus de création du film ?

Aussi peu que cela est possible. Il m’arrive d’aller à la cantine du tournage et de demander « Je pourrais avoir un peu plus d’ail sur mon plat, s’il vous plaît ? », mais c’est a peu près tout. (rires) Blague à part, personne ne me demande vraiment mon avis, et ça me va très bien. Guillermo est toujours prêt à écouter une suggestion de ses collaborateurs, et c’est ce qui rend l’ambiance sur ses tournages particulièrement agréable. Je vais enfoncer des portes ouvertes, mais le cinéma en tant que forme d’expression artistique est vraiment un travail d’équipe. Un film n’est pas le reflet de la performance d’une seule personne isolée dans une sorte de « tour d’ivoire ». Sur Hellboy 2, je crois ne pas me tromper en disant qu’il y eu plus de 400 personnes qui ont contribuées à ajouter une petite touche de couleur sur la grande tapisserie qu’est le film. Si vous n’aimez pas collaborer avec les autres, ne faites pas de cinéma, car vous avez choisi la mauvaise carrière ! (rires) Bien sûr, il est essentiel que tous les départements artistiques du film reflètent fidèlement la vision du réalisateur. L’esthétique du résultat final dépend de lui, mais chaque membre de l’équipe a une prestation très importante à accomplir, et il vaut mieux qu’il sache exactement ce qu’il veut faire, et qu’il exprime bien ses opinions. Il faut se faire entendre ! Après tout, ce n’est que devant une caméra que tout cela se passe…

Revenons à l’histoire d’amour de Liz et Hellboy…Comment évolue-t’elle ?

Dans le premier épisode, Hellboy « roulait des mécaniques ». Il n’arrêtait pas de se vanter et de blaguer. Il ne se sentait pas vraiment l’esclave de ses sentiments amoureux. Dans la plupart des cas, sa principale motivation était surtout de vivre agréablement….et de survivre ! (rires) Mais au début de Hellboy 2, on découvre Liz et Hellboy au bout de quelques mois de vie commune, et comme on pouvait s’y attendre, il a un peu de mal à vivre en couple, et à éviter les gaffes qui provoquent des disputes. Il s’y prend mal. Les émotions sont beaucoup plus présentes, ce qui rend l’exercice un peu différent pour moi. Disons que l’on retrouve le même Hellboy, mais qu’il montre une facette différente de sa personnalité, que l’on n’avait pas vue dans le premier volet.

Le maquillage que vous portez a-t’il changé ?

Ce sont des différences extrêmement subtiles. A l’œil nu, comme ça, on pourrait croire que son aspect n’a pas changé, mais en réalité, il y a des petites variations très judicieuses. Grâce à elles, je trouve qu’il a l’air plus impressionnant et plus jeune. Il est sexy ! (rires)

Est-ce que le maquillage et le reste du costume imposant de Hellboy est une contrainte pour l’acteur que vous êtes ?

Non. Ce maquillage me permet d’exprimer toutes les émotions de mon personnage. Rien n’est « intercepté » par la mousse de latex. J’ai toujours eu le sentiment de voir une alchimie étrange en action, que je suis incapable de comprendre en dépit du fait que je sois dans la loge de maquillage tous les matins à l’aube, pendant le tournage d’une aventure de Hellboy. A chaque fois, je me dis « Mais comment font-ils ? ». Je porte du caoutchouc mousse, qui est une matière inanimée, mais pourtant dès que je prends une expression particulière, elle se voit, que je semble étonné ou ravi. Le maquillage n’affecte donc pas du tout mon jeu d’acteur, en dehors du temps que je passe à attendre qu’il soit posé, avant que je puisse travailler. Mais une fois qu’il est terminé, je n’ai absolument plus à m’en soucier, ni à demander des retouches. Il reflète parfaitement ma performance de comédien, comme si je jouais sans prothèses.

Vous avez aussi de nouvelles armes dans ce film…

Oui ! Dans le premier, on a découvert son énorme revolver « Le bon samaritain ». Dans celui-ci, il en utilise un autre, qui est quatre fois plus gros ! Il est surnommé « Big Baby », et en le voyant, vous comprendrez pourquoi ! Hellboy l’utilise dans une scène de combat contre un monstre particulièrement impressionnant.

Ce second volet vous semble-t’il plus spectaculaire que le premier ?

Sans aucun doute. C’est un récit épique, qui se passe dans plusieurs lieux fascinants. Les décors sont magnifiques, vraiment incroyables. Ils comptent parmi les plus grands que j’ai jamais vus. Et je crois aussi que nos personnages fantastiques sont aussi forts et attachants que n’importe quel autre film avec des être humains « normaux ». Guillermo a réussi à donner une ampleur formidable à chaque séquence, digne de celle d’un opéra. Visuellement, ce sera un régal. C’est ce qui nous a sauté aux yeux tous les jours, en venant sur le plateau, pendant le tournage du film. Je pense que le public éprouvera le même sentiment devant la beauté et l’originalité de ce spectacle.

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.