Visite du tournage d’AVENGERS : L’ERE D’ULTRON : Entretien avec James Spader – 2ème partie
Article Cinéma du Mercredi 20 Mai 2015

Par Pascal Pinteau

Comment s’est passé votre découverte de la capture de mouvements, cette manière particulière de jouer ?

La première fois que je suis arrivé au studio pour tourner une scène en Mocap, l’équipe des effets visuels m’a fait porter une tenue adaptée avec des marqueurs, des points de repères, et m’a demandé d’effectuer toute une série de mouvements et de gestes très spécifiques alors que j’étais entouré par des caméras de détection infrarouges. Toute cette gestuelle a été enregistrée en trois dimensions par ce dispositif. C’est une étape que l’on appelle la calibration. Une fois que tout cela a été fait, ils ont transféré ces données brutes dans un ordinateur qui les a digérées, et à peine dix minutes plus tard, j’ai pu voir une image provisoire d’Ultron bouger sur un moniteur devant moi, avec mes gestes. Et ensuite, quand je bougeais, il reproduisait le moindre de mes mouvements en temps réel. Le jour suivant, quand je suis revenu sur le plateau, nous avons commencé à tourner des scènes-tests avec le personnage, ce qui était à la fois intimidant et très excitant pour moi. Je dois dire que je ne savais pas vraiment ce que je faisais, et que j’étais un peu déstabilisé par tout cela, mais c’était libérateur et extrêmement amusant. Bien plus que je ne l’avais imaginé. Quand je suis revenu un mois après, et puis encore un mois plus tard, je savais exactement ce qui m’attendait, et comment agir pour ne pas être entravé par la technique, et incorporer tout ce que je souhaitais dans mon interprétation, afin de donner vie à ce personnage et servir le mieux possible l’histoire de Joss.

Vous avez eu la possibilité de jouer en Mocap tout en étant en face de vos partenaires, comme pendant la scène que nous vous avons vu tourner…

Je ne sais pas comment il aurait été possible de la tourner sans cela, et je suis donc très heureux que cette technique en soit arrivée à ce point-là aujourd’hui, et me permette de me trouver physiquement devant la caméra et non pas tout seul sur un plateau de Mocap. En dehors de mon cas personnel, c’est très important aussi pour mes camarades de pouvoir me voir quand je joue. Mon avis sur un tournage dépend toujours de la manière dont j’ai pu ou pas jouer pleinement mon personnage, et là, je dois dire que j’ai été pleinement satisfait de cette expérience, car tout à très bien marché. Les autres acteurs forment un groupe qui travaille ensemble depuis longtemps et qui connaît très bien cet univers. J’ai apprécié de venir m’intégrer à cette histoire en jouant Ultron, car il détient de nombreuses informations sur tous les autres personnages du film. Il s’est auto-créé, en quelque sorte, avec l’aide involontaire de Stark et de Banner. Ultron a une connaissance encyclopédique de la vie, du passé et de toute l’histoire privée de ces personnes, ainsi qu’un savoir complet de l’histoire et de la culture humaine, alors qu’il vient à peine de naître.

Quels sont les sentiments d’Ultron envers Tony Stark ?

Il considère probablement que Stark est la personnification même de tout ce qui ne va pas dans le monde actuel. Et il pense que le groupe des Avengers est un reflet du déclin de la civilisation, dont Tony est l’un des responsables, dans une certaine mesure. Ultron devient très vite un être indépendant et autonome qui continue à évoluer et à se développer. Mais on peut aussi dire que Tony va catalyser ce problème, avec des conséquences amusantes pour certains des personnages nouveaux qui sont présentés dans ce film.

Qu’avez-vous ressenti en jouant à nouveau avec Robert Downey Jr, après toutes ces années ?

Cela a été un immense plaisir. Nous habitons dans des parties différentes du monde depuis quelque temps déjà, comme cela arrive souvent après que vous vous soyez fait des amis très proches dans ce métier. Notre amitié est l’une de celles qui durent justement parce qu’elle est née en dehors des plateaux, en dehors de nos activités professionnelles. Et nous sommes restés en contact même si nous avons travaillé dans des univers très éloignés. L’un des grands plaisirs de ce film a été de retrouver cette amitié intacte, et d’avoir à nouveau une complicité immédiate.

Comment Ultron utilise-t-il la technologie à son avantage ?

Ultron est capable d’accéder à toutes les sources de technologie, et tout ce qui est accessible via internet a été intégré à son réseau d’information pour stimuler son intellect. Tout cela est devenu une partie de sa psyché. Je crois même que sa conversation est issue de cela. Mais comme Ultron n’arrête pas de télécharger constamment, en mode « streaming », sa soif de connaissance et son stockage de données deviennent phénoménaux, presque inconcevables. Il a des pouvoirs et des connaissances qu’il ne peut pas maîtriser entièrement, et qui se retrouvent mélangés avec beaucoup de projets destructeurs et de tendance psychopathes. Il en est troublant, car il devient trop fort pour son propre bien.

Parlez-nous encore de votre collaboration avec Joss Whedon…

Quand Joss est venu me rendre visite dans mon appartement de New York, nous sommes allés nous asseoir sur le toit-terrasse et avons parlé pendant plusieurs heures en buvant une bouteille de vin. Cet échange n’a fait que confirmer ce que j’avais ressenti en le rencontrant la première fois, et je me suis senti encore plus excité par la perspective de me retrouver sur un plateau pour travailler avec lui. J’aime énormément son style d’écriture. Je me rappelle qu’il était très enthousiaste à l’idée de développer les excentricités et les manies de ce personnage, et non pas seulement les choses les plus évidentes, comme son côté impressionnant, tout puissant et agressif. Les doutes, les craintes et les problèmes d’Ultron le passionnaient beaucoup plus, et il y en a beaucoup, croyez-moi. C’est ce qui a fasciné Joss et ce qui m’a a fasciné aussi. Dès le départ, Joss a été convaincu que l’aspect le plus intéressant de ce personnage était sa dichotomie, si forte qu’il se retrouvait souvent en contradiction avec lui-même. J’ai trouvé que c’était une manière très intéressante de l’aborder, et que cela correspondrait parfaitement à toute la « sphère d’influence » d’Ultron qui est vaste, comme vous pourrez le voir dans le film. Quand il se trouve sur le plateau et s’occupe d’un détail qui pourrait sembler insignifiant, Joss distille des informations précises qui permettent de lier ce tout petit élément à la vision d’ensemble de l’histoire. Et cela, cette capacité de lier une toute petite chose à ce qui est le plus important dans le récit, c’est exactement ce que doit produire la relation entre le réalisateur et ses acteurs. Joss sait ce qu’il veut, et donne des indications spécifiques qui lui permettent d’utiliser même le plus petit des éléments pour créer des moments dramatiques qui ont un impact sur l’ensemble du film. Il est très intelligent, très amusant et assez excentrique, et ce sont précisément les qualités que je préfère chez une personne. Il apporte tout cela sur le plateau, et quand cela se produit, je considère que travailler sur un tel film est un vrai cadeau. Quand cette excentricité et ces caractéristiques du réalisateur / auteur vous permettent de mieux comprendre comment arriver au résultat souhaité, c’est formidable.

Qu’est-ce qui vous a paru le plus plaisant et le plus compliqué pendant le tournage de ce film ?

Probablement le fait que L’ERE D’ULTRON est totalement différent de tous les autres films que j’ai pu faire. Me retrouver en train de jouer d’une manière inédite pour moi après avoir exercé ce métier depuis des décennies est enthousiasmant et merveilleusement plaisant. Et le plus grand défi a bien entendu été de me familiariser avec le processus de capture de performance pour l’assimiler, même s’il est nécessite de grandes capacités d’adaptation. C’est d’ailleurs ce qui m’a plu : que ce soit nouveau, et que cela me donner l’opportunité de donner vie à un personnage d’une manière que je n’avais encore jamais utilisée jusqu’à présent.

Qu’est-ce que vous avez le plus envie de voir dans le film, et qu’est-ce que le public va éprouver en le découvrant, d’après vous ?

L’ERE D’ULTRON est une fête avec une profusion de surprises pour tous les sens. C’est visuellement ahurissant, non pas seulement en termes d’imagerie, mais en tant que superproduction à grand spectacle, d’une ampleur peu commune. Quand j’ai lu certaines choses dans le scénario, cela semblait si colossal, si énorme que je m’attendais à ce que cela soit quelque peu réduit pendant le processus du tournage ou même pendant les retouches du script…eh bien je me trompais ! Mais en vérité, les éléments qui comptent le plus sont des petites choses humaines et émouvantes, et c’est la juxtaposition de ces choses toutes simples avec des morceaux de bravoure stupéfiants qui fait que ce film marche si bien. Certains blockbusters sont parfois de beaux spectacles dans lesquels on n’arrive pas à entrer parce qu’on ne ressent rien pour les personnages que l’on voit, et par conséquent, on reste indifférent à tout ce que l’on vous présente. Mais Joss, lui, a réussi à créer l’un de ces très grands spectacles pétris d’humanité qui vous permettent de vous sentir immédiatement en empathie avec les personnages, avec toute la vie à l’intérieur de cette histoire. Et en ce qui me concerne, je pense que c’est la plus belle forme que puisse prendre un film, son aboutissement le plus parfait.

La suite de notre dossier AVENGERS L’AGE D’ULTRON paraîtra prochainement sur ESI.

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