Dossier A LA POURSUITE DE DEMAIN - 6ème partie
Article Cinéma du Lundi 08 Juin 2015

À TRAVERS LE TEMPS ET L’ESPACE : LES COSTUMES

Jeffrey Kurland, le chef costumier, a entamé le processus de création des costumes de chacun des personnages par une longue discussion avec le réalisateur afin de mieux comprendre les protagonistes et l’univers du film. Il explique : « Ma mission consiste à raconter une histoire à travers l’apparence des personnages et la manière dont ils se présentent. Après avoir lu le scénario, j’ai donc longuement discuté avec Brad Bird pour préciser sa perception des personnages. Je voulais savoir ce qu’il pensait de chacun d’entre eux et connaître leur histoire. Ensemble, nous avons évoqué leur passé pour mieux comprendre d’où ils viennent, quels sont leurs goûts, et de manière générale, tracer les contours de leurs personnalités. » Lorsqu’on rencontre Athena (Raffey Cassidy) pour la première fois en 1964, c’est en apparence une petite fille de 11 ans tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Mais en y regardant de plus près, ses yeux bleu-vert auxquels sa robe est assortie cachent une personnalité à part. Jeffrey Kurland déclare : « Le style de sa robe est typique des années 60. Elle se compose d’un corsage ajusté et d’une jupe bouffante. Mais elle comprend aussi un motif semblable à un quadrillage qui fait tout le tour de la robe. En s’approchant, on réalise qu’il est inspiré du nombre d’or qui se répète à l’infini, que les lignes ne sont donc pas droites et qu’elles sont faites d’algorithmes et de théorèmes, avec plein de chiffres et de lettres. Le tissu de la robe est futuriste et satiné. Comme je ne le trouvais pas de la même couleur que ses yeux, je l’ai d’abord fait teindre avant d’imprimer des algorithmes par-dessus. Sa tenue la rend légèrement éthérée sans pour autant être effrayante. »

L’Athena actuelle a posé plus de difficultés au chef costumier. Il explique : « C’est une petite fille de 11 ans qui se retrouve seule face au monde de 2014, mais je ne voulais pas qu’elle ait l’air d’une sans-abri ou d’une réfugiée. Elle est un peu différente des autres adolescentes, et son costume l’illustre parfaitement. Elle porte une veste en jean sur deux tee-shirts et un étrange pull à capuche tricoté qui semble provenir d’une friperie. Son pantalon et ses chaussures en revanche sont légèrement en avance sur leur temps. »

La grande intelligence de Casey (Britt Robertson) et l’importance capitale de sa relation avec son père se reflètent dans sa manière de s’habiller. Jeffrey Kurland commente : « Casey n’est pas vraiment une adolescente comme les autres. Elle porte des jeans retroussés sur des chaussettes de couleurs différentes, de vieilles richelieus et la casquette aux couleurs de la NASA défraîchie de son père. Sa garde-robe est remplie de pièces vintage – elle apparaît même dans une vieille chemise de bowling – parce que son père porte des vêtements vintage. Ils partagent également le goût des chaussettes excentriques. »Le chef costumier déclare : « Lorsqu’on voit le jeune Frank (Thomas Robinson) pour la première fois en 1964, il est vêtu d’une salopette sur une sorte de maillot de sport. Et quand il se rend à la Foire internationale, il porte un jean et une chemise à rayures sous une veste. » Il poursuit : « Cinquante ans plus tard, on retrouve un peu le style de ce petit garçon chez Frank Walker adulte (George Clooney). Il porte des vêtements très similaires à ceux que porte son père au début du film, mais sa veste est coupée dans un tissu plus moderne car c’est celle qu’il portait quand il est parti de la cité du futur et il ne l’a pas quittée depuis. C’est le signe subtil que cet endroit occupe toujours une place à part dans son cœur… même s’il refuse de l’admettre. »

Jeffrey Kurland voulait que l’habit du David Nix de 1964, incarné par Hugh Laurie, ait un look futuriste. Il explique : « Il fallait qu’on voie tout de suite qu’il s’agit d’un beau costume, et en l’observant de plus près, on réalise que Nix ne ressemble à personne d’autre, qu’il est un peu différent. Je voulais qu’on comprenne que c’est un homme d’influence venu d’ailleurs, sans être d’une autre planète non plus. On ne le voit ensuite plus jusqu’en 2014, et entretemps, il a acquis la stature quasi-royale digne de sa position au sein de la cité du futur, et cela se reflète dans ce qu’il porte. » Jeffrey Kurland et son équipe ont en outre dû habiller près de 400 figurants dans le style de 1964 pour les scènes qui se déroulent lors de l’exposition universelle – un défi de taille pour le chef costumier, qui a dû se procurer et créer des tenues d’époque diverses et variées. Il commente : « Il a fallu recréer de vrais costumes d’époque, comme par exemple ceux des personnages qui tiennent la billetterie de la Foire ou des agents d’entretien, sans compter ceux des conducteurs de bus Greyhound ou de tramway. »

LES ENFANTS ET LES CASCADES

Pour préparer Raffey Cassidy et Thomas Robinson à leurs rôles, l’équipe du film a engagé le superviseur des cascades Robert Alonzo. Celui-ci raconte : « J’ai fait une évaluation physique des jeunes acteurs pour me faire une idée de leurs capacités. Une demi-heure après avoir rencontré Raffey, je savais qu’elle serait parfaite pour le rôle. Elle a suivi un entraînement en natation, en gymnastique et en arts martiaux - ce qui était le plus important pour le film - et elle a aussi appris à travailler suspendue à des câbles. » Le superviseur des cascades a cependant très vite pris conscience qu’il allait devoir adapter sa méthode pour réussir à préparer la jeune fille au mieux. Il explique : « Un enfant ne sait pas faire la différence entre une bonne et une mauvaise défense. Il ne comprend pas ce qu’il fait, il sait simplement que c’est pour un film et qu’il va apparaître comme un superhéros à l’écran. Les coups de poing et de pied de Raffey étaient bien exécutés mais ils manquaient d’intention. Je l’ai alors interrogée et fait réfléchir à ses liens avec son personnage, Athena, et à l’importance de sa famille ». Et de poursuivre : « Je lui ai ensuite fait associer chaque coup de poing ou de pied à un mot ou une phrase comme : « Non ! », « Ne me touche pas ! » ou « Laisse ma sœur tranquille ! » afin qu’elle comprenne mieux et donne un sens à chacun de ses mouvements. Il n’y a pas de meilleur moyen pour obtenir la bonne expression faciale, et l’expression qui se dessine sur le visage de l’acteur pendant une scène d’action est essentielle. Le public ne se souvient jamais des coups. Il se souvient en revanche de l’expression de l’acteur, de sa réaction après le choc. S’il ne réagit pas, les spectateurs n’adhéreront jamais au personnage. Ça a mis du temps mais une fois que Raffey a eu compris, tout a changé. Ça a été incroyable de la voir abandonner son sourire au profit d’une expression de détermination. Lorsqu’elle veut quelque chose, elle se donne les moyens de l’obtenir. »

Au cours de son entraînement, Raffey Cassidy s’est découvert de nouvelles aptitudes. Elle commente : « Je ne connaissais rien aux arts martiaux ni au combat avant ce film. Mais aujourd’hui, je sais donner des coups de poing et de pied et je commence même à être assez douée. J’ai acquis les fondamentaux et j’ai décroché ma ceinture jaune arts martiaux pendant la préparation du film. » L’entraînement physique de Thomas Robinson a quant à lui posé un autre défi à Robert Alonzo. Il raconte : « Au début, Thomas avait peur du vide. Le problème, c’est que son personnage est censé voler à près de 130 kilomètres/heure grâce à un réacteur dorsal… Nous avons donc commencé par le familiariser avec un trapèze car son rôle nécessite beaucoup de scènes en harnais, puis nous lui avons appris à tomber pour qu’il soit plus à l’aise pour réaliser ses propres cascades. »Le jeune acteur confie : « Un harnais est très inconfortable, mais pour voler à une dizaine de mètres au-dessus du sol, ça en vaut vraiment la peine. C’est l’un des trucs les plus cools que j’aie jamais faits. » Pour réaliser la séquence de chute libre, Thomas Robinson s’est rendu chez iFly afin d’apprendre à voler en simulateur. Le superviseur des cascades déclare : « Je n’avais jamais vu ce genre de scène réalisée avec un enfant. Si Thomas n’avait pas fait suffisamment de progrès, je n’aurais pas donné mon autorisation. Au final, il était aussi à l’aise dans la soufflerie que sur la terre ferme. Il était si bon que nous avons pu filmer la scène, et bien plus. Je dois dire qu’il a fait un travail exceptionnel. Je suis très fier de lui parce qu’il a été capable de surmonter ses peurs. Alors qu’il avait peur du vide avant de faire ce film, il a réussi à voler seul à 18 mètres du sol tout en y prenant plaisir. »

Le principal problème en matière de cascades avec des enfants, c’est leur désir de faire plaisir, comme l’explique Robert Alonzo : « Les enfants veulent jouer leur rôle à tout prix, réussir ce qu’on leur demande, et ils font fi de leurs propres limites. Ma mission consiste donc à leur faire comprendre qu’ils doivent se sentir à l’aise en toutes circonstances et qu’ils n’ont pas à essayer de satisfaire tout le monde. Nous réalisons tous les contrôles nécessaires et respectons toutes les règles, mais nous ne pouvons pas leur demander plus que ce dont ils sont capables physiquement et psychologiquement ».

D’HIER ET D’AUJOURD’HUI, D’ICI ET D’AILLEURS LES ACCESSOIRES

Pour le département en charge des accessoires, créer des objets pour les différentes époques du film – 1964, 1984 et 2014 – fut un véritable défi. Différentes influences et différents matériaux entrent alors en considération. Chacun d’eux a donc fait l’objet d’importantes recherches et analyses de la part de l’équipe, qui voulait s’assurer que la technologie et les matériaux qu’ils voulaient employer existaient bel et bien alors. Les cinéastes ont également utilisé de véritables accessoires d’époque pour plus d’authenticité. Kris Peck, le chef accessoiriste du film, s’est très vite attelé à la création du réacteur dorsal inventé par le jeune Frank en 1964. Malgré ses défauts évidents, cet engin qui fonctionne au kérosène reste un symbole fort de l’effervescence scientifique qui a permis en quelques brèves années à l’homme de marcher sur la Lune. Kris Peck déclare : « Le propulseur de Frank représente une vision optimiste de l’avenir. Dans les années 60, James Bond en avait un, et on en voyait même dans des séries comme « Les Jetson » ou « Buck Rogers ». En faisant des recherches pour ce film, j’ai découvert que les Allemands avaient envisagé de créer un réacteur dorsal pour passer derrière les lignes ennemies lors de la Seconde Guerre Mondiale. »

Celui de 1964 conçu pour le jeune Frank (Thomas Robinson) est une merveille de technologie et d’imagination. Le sac à dos possède 40 fermetures différentes et des supports d’aspirateurs Electrolux de chaque côté. Des câbles de commande permettent de faire fonctionner les petits volets qui se trouvent à l’arrière, tandis que d’autres câbles relient le réacteur dorsal aux poignées pour que l’acteur puisse contrôler l’appareil. L’engin était fixé à une plaque et pouvait facilement être retiré du sac à dos, de sorte que Thomas Robinson n’avait pas à marcher avec 9 kilos sur le dos entre les prises. Mais le propulseur évolue tout au long du film. Outre la version primitive de 1964, il existe des versions pour 1984 et 2014. Celle de 1984 possède des poignées et évoque l’esthétique des années 80, à travers notamment l’influence évidente de STAR WARS dans les finitions métalliques blanches et brillantes inspirées des costumes des Stormtroopers. Le réacteur dorsal de 2014 n’a quant à lui plus de poignées : son utilisation est intuitive et il est alimenté par une batterie Tesla.

La création du propulseur reste l’un des meilleurs souvenirs de Brad Bird. Le réalisateur déclare : « Au fond de moi sommeille encore un petit garçon de 10 ans. J’étais très excité à l’idée d’en créer un, alors imaginez trois ! Je pense pouvoir dire sans me tromper qu’il s’agit de mon accessoire préféré sur ce film. »

Pour Kris Peck, le pin’s de Casey est sans doute l’accessoire le plus important de l’histoire, car sans lui, il n’y a pas de voyage possible. Il a été conçu dans le cadre d’une grande campagne qui devait présenter la cité du futur au reste de la planète en 1984, en permettant à son propriétaire de la découvrir grâce à des images transmises directement à son cortex cérébral. Dans le film, Ursula Gernsback (Kathryn Hahn) qualifie cette technique de « meilleure bande-annonce qui soit », ce à quoi Hugo Gernsback (Keegan-Michael Key) ajoute : « C’est une vision fugitive, un aperçu, un aller simple pour un monde extraordinaire. » Quant au style du pin’s, le chef accessoiriste déclare : « Nous avons utilisé les couleurs de la Foire internationale de 1964, le bleu et l’orange. Il mesure 2,5 centimètres et est fabriqué en laiton, ce qui lui confère une certaine densité. Il est agréable à avoir dans la main. »

À propos du symbolisme de l’objet, le réalisateur Brad Bird déclare : « Nous avons travaillé dur pour lui donner un style rétro et classique à la fois. Nous avons utilisé le symbole universel de l’atome, en lui donnant la forme d’un lever de soleil afin d’évoquer l’idée de changement d’optimisme face au futur. Nous avons ensuite étudié la lettre T et avons réalisé qu’en la modifiant légèrement, on pouvait lui donner l’apparence d’un réacteur dorsal en faisant jaillir de l’énergie de chaque côté de la barre horizontale pour donner l’impression d’une fusée qui vient de décoller. Sur la partie supérieure, on peut voir le lever de l’atome qui symbolise l’avènement d’un futur radieux. »

Dans la scène qui se déroule dans la boutique de gadgets baptisée Blast from the Past, les Gernsback utilisent des fusils à rayons plasma, qui, bien qu’ils y ressemblent, sont loin d’être des jouets. Conçus par l’illustrateur Tim Flattery, connu pour son travail sur MEN IN BLACK, ils projettent une lumière interactive qui se répand dans la pièce et leur confère davantage d’authenticité. Kris Peck, le chef accessoiriste, déclare : « Brad m’a expliqué qu’à la sortie de STAR WARS UN NOUVEL ESPOIR, le fait que la lumière des sabres laser ne se reflétait pas sur les personnages l’avait fait tiquer. Nous avons donc collaboré avec des employés de la société Unlimited Design basée à Vancouver pour fabriquer une minuscule mais puissante batterie sans fil intégrée dans la crosse des armes. Lorsque l’acteur appuie sur la détente, le fusil projette un faisceau de lumière devant lui. Quand les réserves en plasma de l’arme sont presque vides, la lumière vire au rouge, et lorsque le fusil se recharge, elle redevient bleue. »

La « bombe temporelle » qu’Athena utilise pour immobiliser temporairement les Gernsback est tout aussi astucieuse. Imaginée par l’illustrateur Victor Martinez et fabriquée par la société SAT à Los Angeles, elle ressemble à une orange pelée qui s’ouvre pour laisser apparaître ses quartiers lumineux. Malgré sa petite taille, l’accessoire a nécessité un engagement total de la part de l’équipe. Kris Peck se souvient : « Nous avons fait construire une dalle particulière pour dissimuler dans le sol les mécanismes, les fils et les câbles de la bombe. Ça a beau être un tout petit objet, en découvrant les illustrations, j’en suis resté bouche bée. Le fabricant nous a confié pouvoir la construire, mais la réalisation s’est révélée plutôt complexe. »

Parmi les autres accessoires significatifs du film fabriqués par Kris Peck et son équipe figurent les armes du futur, avec leur lumière bleutée ; la montre de David Nix, composée de deux cadrans ; les différentes armes à feu des robots « Dave Clark » ; la télécommande fabriquée à partir d’un vieux moteur de machine à laver ; la Machine à penser composée d’une douzaine d’éléments mobiles ; et enfin Gizmo, une création de Frank, qui ressemble à un trombone à lentilles multiples et est capable de projeter des images en 2D et en 3D.

CE QUE DEMAIN NOUS RÉSERVE

Le producteur Jeffrey Chernov déclare : « Nous tenions à ce que le film s’adresse à tous les publics. Que vous ayez 8 ou 80 ans, nous avons fait en sorte que vous passiez un bon moment devant À LA POURSUITE DE DEMAIN. Nous espérons être dignes de l’idée originale de Walt Disney et avoir réussi à faire un film divertissant. » Le producteur exécutif Jeff Jensen ajoute : « Nous espérons que le film permettra au public de s’évader. Il s’agit d’un formidable divertissement qui vous transporte dans un univers fantastique à mille lieues de votre vie quotidienne, mais les meilleurs divertissements sont aussi ceux qui vous amènent à vous interroger sur le monde réel et sur votre existence. J’espère que ce sera le cas ici. » Le réalisateur Brad Bird conclut : « Nous espérons que le public passera un agréable moment avec ce film et avec un peu de chance, qu’il lui donnera aussi à réfléchir… Qui sait même si en le voyant, certains spectateurs ne se mettront pas à imaginer un autre futur ? »

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