Coup de projecteur sur Le Grand tout, le retour de la SF française au cinéma
Article Cinéma du Jeudi 10 Septembre 2015

Mercredi prochain, Le Grand tout sera l’un des (trop) rares représentants de la science-fiction à la française. A cette occasion, nous vous proposons de découvrir l’univers du film…



r et prometteur ! ” Au départ, ça avait l'air d'être le bon plan. En échange d'une sortie de prison anticipée, Niels accepte de piloter 4 scientifiques vers un Trou Noir. Il y a bien cette sombre histoire de Relativité... si leur voyage ne dure que 6 semaines, 100 ans se seront écoulés sur Terre quand ils reviendront. Mais Niels n'a pas peur de la Relativité. Il n'a pas peur parce qu'il n'y croit pas. Après un incident qui propulse leur vaisseau à 10 000 années-lumière, il doit pourtant admettre l'incroyable réalité. Il est en compagnie de 4 scientifiques avec lesquels il n’a rien en commun, à 20 000 ans de la terre… quelque part dans le Grand Tout. Et sur ce coup là, il ne s'en sortira pas en trichant.

Note d’intention des producteurs : Christophe Colomb, Magellan, Neil Armstrong ont risqué leur vie, pour le plaisir terrifiant de la découverte. Voir ce que personne n'a jamais vu, faire ce que personne n'a jamais fait. Cette vocation primale de l'humanité s'est atténuée depuis que tous les recoins de la terre et du système solaire sont connus. L'inconnu n'existe plus, et il nous manque. C'est ce goût pour l'exploration qui nous a poussés à tenter l'impossible : un film de science-fiction français, indépendant et à grand spectacle. Ce n'est pas aussi glorieux ou important que la découverte d'un nouveau continent, mais c'est plus rare. Et si nous n'avons pas risqué nos vie, nous y avons laissé notre santé, notre vie sociale et nos économies. Avec un budget d'autant plus ridicule que nos ambitions étaient démesurées, nous avons œuvré pendant quatre ans, avec l'aide de quelques compagnons rencontrés en chemin, pour partager avec les spectateurs ce goût grisant de l'inconnu, de l'exploration, de l'impossible. Jules Verne, Méliès, Jean-Pierre Jeunet, ont produit certaines des œuvres les plus marquantes de la science-fiction mondiale. Cyrano de Bergerac est universellement reconnu comme l'un des inventeurs du genre. Pourtant, la simple juxtaposition de science-fiction et de Cinéma français prête à sourire. Le "vieux continent" n'aurait-il plus rien à apporter dans un genre dominé par les États-Unis et le Japon ? L'intérêt essentiel de la science-fiction, pour les auteurs et les spectateurs, est sa capacité à exprimer visuellement et dramatiquement les concepts métaphysiques les plus profonds. Le danger des idéologies invasives, illustré par des extraterrestres qui contrôlent nos proches, le mystère de la conscience incarné par un monolithe noir, le poids des institutions oppressives matérialisé par un système virtuel mondial et invisible... La science-fiction rend la philosophie cinématographique. N'est-ce pas une des missions avouées et un des particularismes du cinéma français que d'aborder des questions difficiles dans ce média de masse ? Il n'y a ni contresens, ni blasphème à inviter le genre le plus populaire de la planète dans notre pays. Juste quelques préjugés à faire sauter.

« Je voulais raconter l'inévitable rencontre entre nous et notre univers, ce qui reste de nous, ce qui change”, explique le réalisateur Nicolas Bazz. « L'immensité ne nous écrasera pas, nous lui donnerons du sens, nous nous adapterons. » Nicolas Bazz (réalisateur, scénariste, producteur…) démarre dans l'art vidéo à la fac. Il obtient des récompenses en festivals pour toutes ses premières oeuvres, mais se trouve vite en manque de .ction dans ce milieu de plasticiens. Il enchaîne donc avec 2 courts métrages, "Clueur" (Barbara Schulz, Steve Suissa) puis "Zooloo" (Pierre Richard, Pef, Jean-Claude Dreyfus) pour lesquels il décroche prix et diffusions TV. Il alterne ensuite réalisations de pubs, clips, pilotes de série et créations graphiques. Ces 4 dernières années furent dédiées à la création de son premier long-métrage, "Le Grand Tout", en tant que réalisateur, scénariste et producteur.



A l'origine, il y a la science-fiction. Une fiction basée sur de la science, c'est simple, explicite, élégant. Après il y a eu Star Wars, l'œuvre de science-fiction la plus populaire de la planète. Malheureusement, les spécialistes sont formels, si Star Wars est une merveilleuse fantaisie spatiale, ce n'est pas de la science-fiction, notamment parce qu'il n'y a pas d'explication scientifique à la Force (en tous cas pas dans la trilogie originale !) Mais le terme "science-fiction" était compromis, et plutôt que de corriger tous les fans de Star Wars, un nouveau terme a été inventé pour faire la différence entre la fantaisie spatiale et la science-fiction : la “Hard Sci-Fi”, de la science-fiction avec de la vraie science. Si la “Hard Sci-Fi” est courante en littérature, elle se fait plus rare au Cinéma, “2001, l'odyssée de l'espace” en étant l'exemple le plus éclatant. Notre film aussi est donc de la “Hard Sci-Fi”... mais elle a ses limites. Si la plupart des concepts scientifiques évoqués dans le .lm sont avérés, certains sont inventés. Plusieurs de ces inventions se sont avérées être la réalité depuis l'écriture du film en 2009…

L'arbre à tout : utilisé par la biologiste Lucie pour nourrir l'équipe, il produit des pommes, des oranges, du raisin... La bio-ingénierie a créé en 2014 un arbre qui produit 40 fruits différents !

Le Grand Rien : une zone vide de l'univers, notre invention la plus audacieuse, a été confirmée en 2013...

L'alignement des Trou Noirs : de type "Quasar" dans l'univers, un des éléments les plus fantaisistes du scénario, a été découvert à la surprise des astrophysiciens en 2014.

Des planètes vivables? "Il en existe certainement des milliards... même pour certaines, plus satisfaisantes que la terre”, déclare Ariane, dans "Le Grand Tout." Une opinion très originale... jusqu'en Février 2015 et la couverture de “Pour La Science” sur les planètes "superhabitables".



De la Hard Sci-Fi à l'anticipation : La science du Grand Tout

De même qu'une bonne adaptation ne requiert aucune connaissance préalable, "Le Grand tout" s'apprécie sans connaissances scientifiques. Mais les fans y reconnaitront les stars de l'Univers : Trous noirs, Voie Lactée, Relativité...

La dilatation temporelle se retrouve dans des mythologies du monde entier depuis au moins le 10eme siècle. L'histoire la plus connue est celle du pêcheur japonais Urashima Taro. Parti 3 jours dans le palais de l'empereur et de sa charmante fille, il retourne dans son village pour découvrir que 300 ans s'y sont écoulés. Il existe des variations de ce conte en Chine, en Irlande et aux Etats-Unis. Au japon, la dilatation temporelle de la Relativité s'appelle, encore aujourd'hui, l'effet Urashima.

Le vaisseau n'est pas aérodynamique ? L'aérodynamisme est une préoccupation essentielle dans la fabrication d'un véhicule volant dans l'air. Le profil effilé, la forme des ailes, la modélisation des turbulences et de l'écoulement des fluides le long du fuselage... Mais le vaisseau du Grand tout est construit en orbite et n'a aucune vocation à l'exploration planétaire, il ne vole pas dans l'air, il vole dans le vide. Dans le vide, pas de résistance, donc pas d'aérodynamisme, le design n'a alors plus qu'une contrainte : aller le plus vite possible.

Le trou noir ? Ce n'est pas un trou, et il n'est pas noir ! Comme beaucoup de noms en science, "Trou noir" n'a pas été inventé par des scientifiques mais des journalistes. Les scientifiques voulaient "Astre occlus", plus précis mais moins sexy, ils ont perdu. Et pourtant, un Trou Noir n'est pas un trou, c'est une sphère qui peut être entourée d'un gigantesque disque d'accrétion extrêmement lumineux, et qui même sans disque d'accrétion, n'est pas noire comme l'a démontré Stephen Hawking. Cette confusion sémantique a pour curieuse conséquence qu'aucun film n'a jamais représenté un trou noir correctement avant le Grand Tout. Interstellar a été tourné après le Grand Tout

De quelle couleur est l’univers ? D'un côté, nous avons le fond noir avec des points blancs. Le ciel nocturne, le fond de Star Wars, 2001, et la plupart des films de science-fiction. De l'autre, nous avons le Hubble Space Telescope, dont les images aux couleurs vives alimentent les couvertures de journaux scientifiques et les fonds d'écrans des nerds du monde entier depuis plus de 15 ans. Qui a raison ? Le fond noir avec les points blancs, c'est ce que voient nos yeux. Ils sont adaptés à voir les couleurs que laissent passer notre atmosphère, et ne voient qu'une infime partie du spectre lumineux. Les images aux couleurs éclatantes produites par la NASA et l’ESA depuis quelques années sont une tentative pour représenter en couleurs, visibles par nos yeux, la richesse de l'univers telle que les instruments de plus en plus sophistiqués la révèlent. Le Grand Tout représente l'univers tel qu'il est plutôt que tel que nous le voyons.

Consacrée à la production et aux trucages du film, la suite de ce dossier sera très prochaine publiée sur ESI !

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