Dans les coulisses de LA DEMOISELLE ET LE DRAGON - Troisième Partie
Article Cinéma du Lundi 25 Mars 2024

La bête : du concept à la création finale

Le film est essentiellement un duo entre l'Élodie de Millie Bobby Brown et un dragon qui jouent au chat et à la souris dans un système de grottes formant une sorte de tanière labyrinthique. Il fallait donc à La Demoiselle et le dragon une créature qui ait une apparence extraordinaire tout en étant parfaitement adaptée à son environnement. L'approche du film rappelle l'école italienne classique du cinéma, car le créateur des décors, Patrick Tatopoulos, est aussi le créateur en chef des monstres. Patrick Tatopoulos, le cerveau qui a créé les extraterrestres de Independence Day : Le Jour de la riposte et les loups-garous d'Underworld a eu le rare privilège de transposer sa vision de la préproduction jusqu'à la postproduction, travaillant main dans la main avec Nigel Denton-Howes, superviseur des effets visuels, et Rupert Smith, producteur des effets visuels, tout au long du processus. « Au cours de ma carrière, j'ai toujours adoré créer et les créatures et les décors, car ils sont ainsi liés de façon plus organique. Dans l'école italienne du cinéma, une seule personne prend en charge l'ensemble de ces tâches. C'est son rôle de faire passer la vision du réalisateur, puis de travailler avec des gens qui ont un talent fou pour transformer cette vision en réalité. Mon profil me place dans une toute petite niche. Le duo le plus singulier du film est celui que forment Millie Bobby Brown et le dragon, c'était donc un grand honneur pour moi de pouvoir faire ça », dit Patrick Tatopoulos.

Afin de différencier le dragon d'autres itérations devenues la vision par défaut au cinéma et à la télévision, il fallait lui donner un tout autre langage corporel. En dehors de ses écailles et de certains aspects de son cou et de sa gorge, ce dragon n'a rien de reptilien. La fluidité de ses mouvements et son agilité s'inspirent entièrement du chat. « On n'est pas partis du lézard. On s'est plutôt inspirés du chat pour les proportions des membres et la façon de bouger, car notre dragon marche et court avec autant d'aisance qu'il vole », explique Nigel Denton-Howes. Pour faire correspondre le mouvement avec le jeu de Shohreh Aghdashloo, Nigel Denton-Howes a utilisé des images de la comédienne pendant qu'elle enregistrait la voix de son personnage, « afin de pouvoir nous appuyer sur la direction de son regard et sur l'expression de son visage quand elle disait certaines répliques ». La façon de parler du dragon est également tout à fait unique, explique Patrick Tatopoulos : « On a créé des expressions faciales plus subtiles, car si on n'y prend pas garde, on a vite un rendu caoutchouteux, surtout avec les animaux qui ont un long museau. On s'est donc plutôt focalisés sur le cou qui agit comme un soufflet : en s'ouvrant et en se refermant, il force l'air à passer dans son cou quand le dragon parle. »

Pour ce qui est des flammes que crache le dragon, elles ont été nourries d'un peu de napalm. Nigel Denton-Howes détaille : « On ne voulait rien ni de trop liquide ni de trop gazeux. On a eu une idée intéressante en imaginant un liquide qui a l'air plus lourd quand il sort de la gueule du dragon. Il tombe, puis les flammes se consument par le haut. On dirait donc de l'huile qui brûle ou du napalm. De plus, on ne laisse jamais les flammes fumer, même si c'est un détail que la plupart des spectateurs ne remarqueront pas. C'est subtil, le feu craché par le dragon ressemble ainsi à de la lave. » Pour finir, contrairement à la plupart des dragons qu'on a déjà vus à l'écran, les ailes ne sont pas fixées sur les membres avant de la créature. Cela lui donne une plus grande mobilité et une liberté de mouvement qui lui permettent d'attraper des choses quand elle vole ou encore d'utiliser les piliers pour s'élancer.

La création du royaume d'Auréa et de son réseau de grottes

Pour le créateur des décors Patrick Tatopoulos, le directeur de la photographie Larry Fong et le superviseur des effets visuels Nigel Denton-Howes, la création du royaume d'Auréa et de ses grottes tentaculaires s'est avérée une tâche tout à la fois difficile et libératrice du fait de sa nouveauté.

Le style qui a inspiré le château du film est rarement utilisé au cinéma :  Le château et le domaine d'Auréa s'inspirent de l'architecture manuéline, un style post-gothique somptueux qu'on trouve uniquement au Portugal et qu'on ne voit pour ainsi dire jamais dans les films à grand budget tournés en studio. Le palais principal s'inspire des nombreux châteaux magnifiques de Sintra. Les extérieurs ont essentiellement été tournés en décors naturels au Portugal, dans des villes et régions telles que Tomar, Batalha, la vallée du Douro, Vila Nova de Foz Côa, les montagnes de la serra da Estrela et Sortelha. Quand l'équipe a choisi le Portugal et son architecture manuéline, son but était simple : le royaume d'Auréa devait être spectaculaire et sembler accueillant. « Il est moins sombre que ce qu'on voit en général. Il est plus chaleureux et plus flamboyant que les châteaux sinistres habituellement utilisés dans les histoires fantastiques avec des dragons. C'était ça, le truc : Auréa devait donner envie d'y être vu de l'extérieur », dit Patrick Tatopoulos.

Pour le réseau de grottes, l'idée était d'en faire une extension organique du dragon. C'est un endroit que la créature connaît par cœur et dans lequel elle se déplace avec une grande aisance. Patrick Tatopoulos a d'abord cartographié les grottes telles qu'elles étaient décrites dans le scénario de Dan Mazeau en les reportant sur un panneau de 4,5 m de long : « C'était une carte immense. Ça donnait ainsi à toute l'équipe une chance de comprendre tout le trajet qu'Élodie doit parcourir dans cette sorte de purgatoire. » Les décors, d'abord construits en dur puis augmentés grâce aux effets visuels, ont été conçus de sorte que, disposés bout à bout, ils donnent le sentiment aux spectateurs d'être eux-mêmes au cœur d'un labyrinthe. De ce fait, le tournage dans les grottes, qui a duré deux mois, a été tout aussi pénible physiquement et mentalement pour Millie Bobby Brown qu'il le semble à l'écran.

Pour l'éclairage des grottes, le directeur de la photographie Larry Fong a dû se montrer créatif : « C'est délicat, car les grottes sont des endroits étroits et petits, et la lumière du soleil n'y entre généralement pas. Il faut donc créer une obscurité de cinéma, c'est-à-dire juste assez de lumière pour qu'on y voie. Dans notre cas, la lumière doit venir d'endroits qui défient un peu la logique [rires].»

L'entrée de la grotte est le seul endroit où il y a de la verdure, car c'est le seul à bénéficier d'un peu de lumière du soleil venant du pont au-dessus. L'équipe en a profité pour y installer un arbre et de la mousse.

Dans « la grotte aux oiseaux », Patrick Tatopoulos a exagéré la rectitude et la rigidité des stalactites et des stalagmites afin que la grotte fasse penser à l'intérieur d'une bouche : « D'une certaine façon, l'héroïne se trouve entre les crocs du dragon. »

Le « tunnel sinueux » a été créé pour donner l'impression de veines faites d'un autre matériau, un peu comme du grès. Non seulement il y a très peu de place, mais en plus Larry Fong tournait en gros plan pour amplifier la claustrophobie (un peu comme la scène de PIÈGE DE CRISTAL où Bruce Willis est dans le conduit d'aération, mais façon médiévale).

À propos de la « grotte utérus », Patrick Tatopoulos déclare : « C'est génial de voir l'héroïne se coucher en position fœtale dans cette grotte, avant de voir toutes les autres filles qui l'ont précédée. J'ai fait un petit croquis pour Juan Carlos et je lui ai proposé de mettre toutes les filles là au même moment. Ça donnait l'impression que cet endroit était bien le seul où elles se sentent en sécurité. Elles y sont toutes venues, et maintenant, pendant un instant, elles sont ensemble, et donc plus fortes. »

Une portion du« puits aux cristaux » a été construite à l'échelle pour que Millie Bobby Brown puisse l'escalader (avec une doublure qui prenait le relais et se chargeait des parties les plus hautes). « Les plans de profil où on la voit grimper sont tous réels. Ce n'était pas un endroit propice aux images de synthèse. Tout est réel, sauf les extensions qui sont des effets visuels », dit Nigel Denton-Howes.

La « grotte temple » où Élodie affronte enfin le dragon était surnommée ainsi car ses colonnes évoquent un monument romain. « On est dans la fosse d'un cirque, presque comme un gladiateur », dit Patrick Tatopoulos. « On a l'impression que les personnages sont au fond d'une arène, avec toutes ces marches. » C'est aussi l'endroit où l'équipe voulait que le dragon se sente pleinement dans son élément. Quand elle vole, elle peut saisir des choses ou se repousser d'une colonne pour prendre son élan. « L'idée est de montrer qu'elle est dans son monde. Elle connaît bien cet endroit, elle ne vole pas juste entre des obstacles », remarque Patrick Tatopoulos.

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