Dans les coulisses du Grand tout
Article Cinéma du Mercredi 16 Septembre 2015
Suite de notre coup de projecteur sur cet ambitieux film français de science-fiction, qui sort aujourd’hui…
Financé par la télévision
La voie "normale" du financement du cinéma passe aujourd'hui systématiquement par la télévision. Evidemment, “le Grand Tout”, un premier film au genre improbable, à l'histoire démesurée, et sans star bankable, rentre difficilement dans les grilles préétablies auxquelles la télévision est habituée. L’équipe de production a donc financé le tournage elle-même, en produisant des images numériques pour... des émissions de télévision. Donc en définitive, c'est bien la télévision qui les a financés, mais à son insu. Une fois le tournage terminé, il leur a été plus facile de trouver des financements privés pour la post-production. Il faut également noter que l’équipe a accepté de travailler en participation, c'est à dire d'être payée principalement sur les recettes du film.
Casting
Il est bien naturel, quand on prépare un film, de vouloir s’assurer de sa future notoriété, les stars ont notamment cette fonction, elles sont une balise pour le spectateur, un réflexe aussi vieux que l’histoire du Cinéma. Lorsqu'il réalise le court métrage Zooloo avec Pierre Richard, PEF, et Jean Claude Dreyfus, Nicolas Bazz sait jouer de la notoriété de ses comédiens pour faire éclater les personnages dans ce film au ton très "BD". “Le Grand Tout” est un film qui invite au dépaysement et à la perte de repères. Il a semblé nécessaire de proposer d’autres visages, des énergies inconnues, pour accompagner ce périple d’un nouveau genre.
Jauris Casanova (Niels) : Jauris est avant tout comédien de théâtre. Ses tournées dans, le monde entier, ont porté son talent devant les publics russes et américains entre autres, avec un très grand succès. C'est une des grandes fiertés des producteurs du film "Le Grand Tout", de lui avoir mis la main dessus pour son premier grand rôle au cinéma.
Benjamin Boyer (Sam) : "J'ai enfin compris ce que je disais", avouait Benjamin Boyer à propos de Sam, son personnage d'astrophysicien, après la première projection du film. C'est qu'avec son passé incertain, et son intelligence démesurée, Sam est plus un cerveau qu'un corps, un cauchemar de comédien. Nicolas Bazz a remarqué, dès leur première rencontre, que si Benjamin ne comprenait pas nécessairement tout ce que dit Sam, il avait parfaitement compris sa nature, apportant des couches de subtilité au personnage, qui se sont révélées au réalisateur jusqu'aux derniers instants du montage.
Hélène Seuzaret (Ariane) : Hélène marque ses collaborateurs et les spectateurs qui croisent son chemin par son talent et sa classe naturelle. Son professionnalisme lui permet de rester juste, à l'écoute et souriante, même quand il lui a fallu boucler ses 3 derniers jours de tournage en une journée homérique... Malgré une carrière riche et variée, Hélène n'avait jamais joué d'astrophysicienne, jamais vu de trou noir, et jamais joué dans un film de science-fiction…
Laure Gouget (Lucie) : Certains personnages trouvent leur comédien immédiatement. D'autres refusent obstinément de s'incarner. Dans "Le Grand Tout", Lucie est une vraie femme sans être un cliché, une scientifique aussi à l'aise dans son corps que dans son esprit, une “tortionnaire de lapin” au grand cœur. Le casting fut long et complexe, aux limites du découragement. Jusqu'à la rencontre entre Nicolas Bazz et Laure Gouget. En quelques lectures, Lucie prenait enfin vie, évidente et surprenante. Comme Laure.
Pierre-Alain de Garrigues (Harry) : Pierre-Alain commence comme batteur, puis fait le marionnettiste, tourne avec Besson dans le Grand Bleu et Nikita, fait main basse sur le milieu de la voix off en pub, TV, docus, jeux vidéo, dessin animé, lance une collection de contes pour enfants... En 1996, il tourne dans le premier court métrage cinéma de Nicolas Bazz, "Clueur". Depuis, il a tourné dans son second court "Zooloo", la web série Frédo & Tonio, fait la voix off d'une pub, joué dans un clip, et enfin dans son premier long métrage "Le Grand Tout". Depuis 20 ans, sa collaboration avec Nicolas est ininterrompue.
Le décor
Le scénario était fini, les comédiens castés, les équipes réunies, la date de tournage arrêtée, mais il manquait toujours le décor principal : le vaisseau spatial. Fabriquer un intérieur de vaisseau grandeur nature, c'est difficile avec ce budget... C'est même impossible, ont dit onze décorateurs successifs. Les meilleurs estimations donnaient un budget décoration équivalent à deux fois le budget total du film. C'est alors que Jennifer, la femme du réalisateur, va se relaxer dans un SPA. Ce SPA venait d'être redécoré, et Jennifer, qui n’est pas dans le Cinéma, interpelle son réalisateur de mari "Si tu as des problèmes de décor, vient voir mon SPA, il est magnifique." La proposition était improbable, mais Jennifer sait être convaincante, une réunion est donc organisée. Le décorateur du SPA s'appelle Christian Baquiast. Sa spécialité est le métal qu'il travaille dans son propre atelier. Engagé à l'origine pour la fabrication d'un accessoire, il fera l'intégralité des décors du film.
Après un début de carrière en tant qu'assistant opérateur au cinéma, Jean-Philippe Bourdon, directeur de la photographie, renouvelle la lumière à la télévision en 1993 avec Taratata. Ce succès artistique mondialement salué (par David Bowie notamment), fait de Jean-Philippe le directeur photo des projets esthétiquement ambitieux à la télévision. C'est sur ces plateaux que Nicolas Bazz le rencontre. Dans un milieu où tout va trop vite, ils se trouvent immédiatement une communauté d'esprit : faire bien et beau en dépit des cahots. S'ensuivront 15 ans de collaborations, d'abord à la télévision, puis dans le clip, et enfin au Cinéma. Jean-Philippe apporte toute sa sensibilité et son exigence au "Le Grand Tout".
Trucages
Yann Bazz (superviseur des effets visuels, scénariste…) voulait être physicien et cinéphile. Il se forme à un des tout premiers logiciels de 3D pour micro-ordinateur à l'âge de 11 ans, mélangeant déjà science et création visuelle. Ce n'est que quelques années plus tard, au milieu de son année de licence de mécanique quantique, qu'il décide d'inverser ses priorités et fera du cinéma de façon professionnelle et de la science en amateur. La combinaison de ces deux passions feront de lui un scénariste, producteur, directeur artistique et superviseur des effets visuels. Le premier film sur lequel il collabore avec son frère/réalisateur marie science et fiction…
Avant de commencer à tourner, Nicolas Bazz (producteur) et Yann Bazz (superviseur des effets visuels) se sont fait une promesse : "Pas plus de 100 plans à effets visuels." C'était sans compter sur Nicolas Bazz, réalisateur. Après une journée de tournage à éviter les fonds verts autant que possible, il réalise le risque de faire un .lm claustrophobe, ce qui n'est pas du tout son intention. Les frères se font une nouvelle promesse : il y aura aussi peu de plans à effets visuels que possible... Mais pas un de moins. 750 plans à effets, c'est plus que Star Wars (380 plans) mais moins qu'Avatar (2500) !
Réaliser un film qui se déroule à 90% dans un vaisseau spatial, sans risquer la sensation d'enfermement ou la lassitude visuelle, représente un défi passionnant mais considérable pour un réalisateur. Évidemment, chaque centimètre carré du vaste décor grandeur nature est exploité, mais c'est surtout par l'immense fenêtre sur l'univers à l'avant du vaisseau que se produit le voyage du film. Non seulement le parcours du vaisseau dans la voie lactée (et au-delà) respecte, la géographie connue de l'univers, mais pour maintenir un maximum de contrôle, le réalisateur s'est fait fabriquer une "machine à univers" par le superviseur des effets visuels afin de pouvoir réaliser ces décors lui-même. "Création des fonds spatiaux" est donc le cinquième crédit de Nicolas Bazz au générique.
La principale difficulté du tournage sur fond vert n'est pas technique ou budgétaire, mais artistique. Nous avons tous vu des comédiens fixer des balles de ping-pong ou un type en costume à pois qui sera, à terme, Gollum, un Transformer ou un singe intelligent. C'est un exercice difficile qui demande d'énormes efforts d'imagination aux comédiens et une précision absolue dans la direction d'acteurs. Mais quand il s'agit de regarder un trou noir, aucune balle de ping-pong ne peut véhiculer l'émerveillement, la crainte, l'introspection qu'un spectacle aussi inimaginable peut provoquer. Le "regard du trou noir" a été l'objet de répétitions et de discussions poussées. Souvent jusqu'à quelques secondes avant le "moteur" de chacun de ces plans.
