LE REVEIL DE LA FORCE : La vision de J.J. Abrams
Article Cinéma du Mardi 16 Fevrier 2016

Après avoir ressuscité avec talent l’univers de STAR TREK au cinéma, le nouveau Wonder Boy d’Hollywood a réussi une nouvelle mission presque impossible : co-écrire et réaliser un septième épisode de STAR WARS qui soit accepté par les fans de la trilogie originale, et par les spectateurs de toute la planète.

Propos formatés et traduits par Pascal Pinteau

JJ Abrams, fan de toujours de STAR WARS, a eu le privilège d’initier la suite des aventures de ses héros-cultes et de créer les personnages qui vont reprendre le flambeau de la saga. On peut comprendre qu’il ait d’abord refusé plusieurs fois le job d’auteur-réalisateur-producteur associé que Kathleen Kennedy lui proposait, impressionné par l’ampleur de la tâche. Cette fois-ci, contrairement à STAR TREK, il n’était pas question d’imaginer un reboot qui permettrait de prendre certaines libertés avec les canons d’un univers très détaillé : il fallait faire revivre les personnages d’une saga culte en les traitant avec le respect dû à leur rang d’icônes universelles, célébrées dans les cultures populaires du monde entier. Outre le défi narratif que représentait ce nouveau départ, Abrams devait concevoir un traitement visuel qui rappellerait les images des épisodes 4, 5 et 6 réalisés de 1977 à 1983, tout en créant un film capable de fasciner le public de 2015, habitué aux surenchère d’effets 3D des derniers blockbusters. Bref, il s’agissait de « Faire la même chose, mais en différent », comme dans la célèbre expression hollywoodienne. Pour faire du neuf avec du vieux, Kathleen Kennedy et JJ Abrams ont d’abord sonné le rappel des artistes impliqués dans les épisodes originaux. George Lucas avait déjà obtenu la confirmation verbale de Mark Hamill, Harrison Ford et Carrie Fisher qu’ils acceptaient de participer à ce 7ème volet, mais il restait à obtenir aussi l’accord de John Williams pour la musique originale, à recréer Chewbacca, le Faucon Millienium et ses décors intérieurs, tous les vaisseaux de cet univers et leurs versions plus récentes et à rassembler des centaines d’artisans pour façonner et animer des créatures en mêlant techniques traditionnelles et retouches numériques sophistiquées signées ILM. Pendant que tout cela était en cours, JJ Abrams et Kathleen Kennedy ont discrètement mis de côté le premier script de l’épisode VII développé par Michael Arndt, et le réalisateur a convaincu l’un de ses grands collègues, lui aussi scénariste de renom, de venir tout reprendre à zéro ou presque. En formant un tandem d’écriture avec Lawrence Kasdan, qui signa le script du meilleur épisode de la saga, L’EMPIRE CONTRE-ATTAQUE, Abrams a saisi l’occasion de travailler avec l’une de ses idoles, d’apprendre certains de ses trucs, et aussi de recréer la magie de la découverte d’un nouvel univers, comme pendant l’été 1977 : « Nous avons voulu raconter une histoire qui contenait en elle-même son propre début, son développement et sa fin, mais qui présentait aussi un récit de plus grande ampleur, avec des racines dans le passé et des prolongements futurs que l’on pressentirait, comme dans UN NOUVEL ESPOIR. Quand STAR WARS est apparu en 1977, ce film faisait découvrir une nouvelle histoire au public tout en suggérant toutes sortes de développements futurs. Dans ce premier film, Luke n’était pas forcément déjà le fils de Vador, ni le frère de Leia, mais c’était une possibilité. LE REVEIL DE LA FORCE bénéficie de l’énorme avantage d’avoir déjà suscité l’intérêt de fans passionnés, mais aussi d’être construit à partir d’une histoire que beaucoup de gens connaissent bien. Nous avons pu nous appuyer sur cette trame narrative de manière très naturelle, car nous n’avions aucune obligation de produire un « reboot », ce qui nous permettait de rester sur le même cap. Tout était déjà là. Mais ces nouveaux personnages qui sont concernés directement par la Force se retrouvent dans des situations inédites, et de ce fait, même si vous ne savez rigoureusement rien de STAR WARS, vous pourrez les suivre sans problème et comprendre tout ce qui leur arrive. Par contre, si vous connaissez cet univers par cœur, les épreuves qu’ils traverseront auront des significations supplémentaires pour vous. » Tout comme les personnages historiques qui font leur retour dans cet épisode, Lawrence Kasdan n’avait plus participé à la saga de STAR WARS depuis 1983 et l’écriture du scénario du RETOUR DU JEDI sur la base d’une histoire de George Lucas qui ne l’avait pas vraiment convaincu, puisqu’il s’agissait d’un remake déguisé de l’épisode IV et de la construction d’une nouvelle étoile de la mort. Conscient des défauts du film, Kasdan déclina l’offre de Lucas de participer avec lui à l’écriture des préquelles, subodorant que là encore, la trame des histoires des épisodes 1, 2 et 3 n’était ni assez solide, ni assez dense dramatiquement. Paradoxalement, c’est parce qu’il a quitté cet univers depuis 32 ans que Kasdan a senti en lui l’envie d’y revenir, en puisant dans ses expériences accumulées depuis lors pour construire toute la structure de l’histoire du REVEIL DE LA FORCE avec JJ Abrams. « Avoir travaillé avec Lawrence Kasdan est l’une des expériences les plus incroyables que j’aie vécu pendant ce projet, et pourtant j’en ai eu beaucoup » confie le réalisateur. « Nous puisons tous dans les expériences de nos vies personnelles pour avancer dans notre travail, de projet en projet, mais dans ce cas précis, j’ai surtout utilisé des évènements de mon passé comme des avertissements, des incitations à la prudence, car il s’agit de choses que je ne voulais surtout pas refaire ni revivre en travaillant sur LE REVEIL DE LA FORCE. Par exemple, je ne voulais pas entamer la réalisation du film avant d’être complètement sûr que nous avions bien maîtrisé l’histoire que nous voulions raconter, alors que je me suis retrouvé dans cette situation deux fois auparavant dans ma carrière. Je ne veux pas dire que je ne suis pas fier du travail que j’ai accompli sur SUPER 8 et sur STAR TREK INTO DARKNESS, mais je me souviens d’avoir eu le sentiment pénible de n’avoir pas résolu certains problèmes fondamentaux de ces histoires. » En travaillant avec Lawrence Kasdan sur le script, Abrams se retrouvait presque dans la position de Luke Skywalker face à Yoda : « Cette collaboration a été pour moi un précieux enseignement de l’art de la narration, et de la façon de raconter clairement une histoire, en étant efficace, bref, et spirituel. C’était presque comme si j’étais le seul participant d’une master class d’une durée exceptionnelle ! Et comme Lawrence est aussi réalisateur, il savait ce que je vivais quand j’avançais en même temps sur la préparation du tournage et sur les premières décisions de production, et il s’est rendu disponible pour me permettre de mener tout cela de front, et pour m’apporter ses conseils dans ces domaines afin que le film avance toujours dans la bonne direction. Il a été extrêmement généreux, et je ne pourrais jamais l’en remercier assez. Je lui ai posé des questions comme « Quels sont les moyens de rendre ce film délicieux ? » C’était en fait la seule condition incontournable que nous nous sommes imposés : que le film soit savoureux, amusant, divertissant. Nous nous voulions pas tout expliquer dès le départ, ni aligner les présentations de personnages ou d’engins qui deviendraient des jouets pour satisfaire une corporation, ni prendre des décisions sages afin de plaire à tout le monde sans prendre de risques. Toute notre démarche a consisté à développer ce que nous trouvions audacieux et sensationnel. »

La collaboration avec Disney

Abrams a souvent raconté sa passion pour les éléments mystérieux d’une histoire, qu’il aime utiliser pour mieux titiller et surprendre les spectateurs. Mais comment son désir d’en dire et d’en montrer le moins possible allait-il être compatible avec les stratégies de marketing modernes habituellement utilisées par Disney , qui passent par la diffusion de pré-bandes annonces et par la fabrication des figurines des principaux personnages et vaisseaux un an avant la sortie du film ? « Je dois dire que j’ai été très agréablement surpris par l’attitude de Alan Horn, le président des studios Disney, et de Bob Iger, le PDG de la société » déclare Abrams. « Bob a soutenu notre approche depuis le début. Concernant le marketing du film, je m’attendais à ce que Disney veuille diffuser une surabondance de matériel, mais ils ont eu l’attitude opposée : ils ont compris et partagé ma vision, qui consiste à tout faire pour que les gens ne découvrent l’histoire et les personnages du film que le jour de la sortie dans les salles. Et je leur en suis extrêmement reconnaissant. Cela nous a permis de protéger le public de révélations sur l’histoire ou sur certains moments visuellement forts du film qui auraient amoindri l’expérience du premier visionnage au cinéma. Je crois que nous avons réussi à faire cela sans que les fans soient complètement frustrés d’images. Lucasfilm a construit une telle relation de confiance avec les fans de STAR WARS que j’aurais trouvé bizarre de ne rien leur montrer avant la sortie. Tout en préservant le secret sur les détails de l’histoire, j’ai insisté pour que nous diffusions une bande-annonce de teasing un an avant la sortie, parce qu’en tant que fan de STAR WARS, je savais que j’aurais été ravi de voir ne serait-ce que quelques images du film longtemps à l’avance et que cela m’aurait incité à penser au film pendant toute le reste de l’année ! Et donc nous l’avons fait. »

La suite de notre dossier sur LE REVEIL DE LA FORCE paraîtra bientôt sur ESI !

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