LE REVEIL DE LA FORCE : La vision de J.J. Abrams - 2ème partie
Article Cinéma du Lundi 22 Fevrier 2016

Propos formatés et traduits par Pascal Pinteau

L’héritage de STAR WARS

Trouver la bonne manière d’aborder cette suite sans négliger les éléments qui faisaient la saveur des volets originaux n’a pas été une mince affaire. Kasdan et Abrams savaient qu’ils tenaient les espoirs de dizaines de millions de fans entre leurs mains. « L’univers de STAR WARS est si vaste en termes de personnages, de planètes et de conflits que nous ne pouvions pas tout traiter. Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce film, Lawrence et moi avons d’abord établi la liste de toutes les choses qui nous semblaient intéressantes, que nous avions envie de voir, et qui nous paraissaient importantes. C’est l’une des particularités bien concrètes de la création de ce film : le moindre détail doit être immédiatement accepté comme faisant partie de l’univers de STAR WARS, qu’il s’agisse du design d’un costume, d’un passage musical ou de la manière dont va être accessoirisé un décor. Nous avons hérité de STAR WARS, et nous n’allions certainement pas traiter cela à la légère. Il fallait faire comprendre les choix de designs, parce qu’ils sont tous importants, sans espérer que n’importe quel concept allait devenir intéressant parce qu’il allait être englobé dans cet univers. De même, nous avons abordé les choix narratifs en nous posant certaines questions : qu’est-ce qui allait donner un cœur à cette histoire ? Qu’est-ce qui allait pouvoir la rendre romantique ou drôle ou surprenante ou bouleversante ou hilarante par moments ? Après avoir procédé ainsi, nous avons abordé la continuité du récit de manière très simple en nous focalisant sur ce qui allait être principalement l’histoire d’un jeune homme et d’une jeune femme, et des obstacles qui vont se trouver sur leur chemin, alors qu’ils doivent faire face à des évènements qui les dépassent. »Mais comment Abrams a-t-il géré ses propres engouements de fan de STAR WARS pendant ce processus ? Sa passion de jeunesse a-t-elle parfois interféré avec ses décisions de scénariste et de réalisateur ? « Je dois dire qu’il m’a parfois fallu faire des efforts pour me concentrer tellement certains moments me semblaient irréels. Par exemple, quand nous nous trouvions sur le plateau et que nous tournions une scène, j’étais toujours époustouflé par le fait de voir Harrison Ford devant moi, avec son costume de Han Solo. J’ai ressenti la même chose quand j’ai vu arriver Chewbacca, puis le premier Stormtrooper avec le nouveau design de casque, j’étais émerveillé. »

Les designs d’un univers entier

La première phase de la conception artistique du REVEIL DE LA FORCE a commencé alors que JJ Abrams travaillait encore avec Michael Arndt, le premier scénariste engagé pour intervenir sur le script. « Quand Michael et moi étions en train de collaborer, j’ai invité notre chef décorateur Rick Carter à venir nous rejoindre pendant nos sessions de travail sur l’histoire. Tout comme il serait impossible de séparer les thèmes musicaux de John Williams des épisodes de STAR WARS, il était impensable de nous détourner du travail qui avait été accompli par Ralph McQuarrie et ses équipes pour UN NOUVEL ESPOIR. J’étais persuadé que plus tôt Rick se joindrait à nous, plus vite son extraordinaire capacité à rêver serait stimulée. Je devinais qu’ainsi, son esprit allait partir explorer des endroits étonnants et qu’il reviendrait ensuite nous proposer des choses que nous n’aurions jamais pu imaginer. Nous avons rapidement constaté qu’avoir Rick a nos côtés était un énorme avantage, car il pouvait communiquer immédiatement après avec les autres designers et artistes qui collaboraient avec lui, afin de préparer les illustrations et les petites maquettes conceptuelles qui allaient nous être proposées. Dès que nous avons commencé à travailler ainsi, les designs ont commencé à arriver et ont donné peu à peu forme aux idées que nous développions. De ces moments ont surgi des idées comme le bras rouge de C3PO, qui était une manière de signifier que le temps avait passé pour lui aussi. De la même manière, il était important que Han Solo soit bien le personnage que nous connaissons et aimons, mais il fallait que l’on sente bien que nous voulions le représenter avec son âge véritable et non pas comme un éternel trentenaire. A 70 ans, on a vêcu de nombreuses expériences, et nous devions rendre cela bien apparent. Nous avons demandé à Harrison de donner un niveau de complexité et une profondeur à Han que le jeune pilote trentenaire du Faucon Millenium ne possédait pas encore dans UN NOUVEL ESPOIR. Leia, elle, n’est plus « la princesse » mais le Général Leia, qui gère des moments critiques. Les enjeux des prochaines missions qu’elle dirige sont extrêmement importants pour les forces rebelles, et il n’y a donc plus de scènes de marivaudage autour d’elle. Mais c’était important d’établir cette connexion historique avec elle, et aussi pendant ses scènes avec Han Solo. Un petit moment humoristique a cependant lieu quand un personnage s’adresse à elle en l’appelant princesse par erreur. Vous découvrirez ce qui se passe alors quand vous verrez le film ! D’autres éléments nous rappellent que le temps a passé, comme l’antenne parabolique du Faucon, que l’on voyait clairement être arrachée à la fin du RETOUR DU JEDI, et qui a été remplacée depuis par une nouvelle antenne rectangulaire. Cette décision-là, je l’ai prise en tant que fan, car il y avait une partie de moi qui voulait qu’on lui rappelle ainsi qu’il s’agit du Faucon Millenium de cette époque, après qu’il ait changé de mains. »

Le choc des générations

Tout en préservant l’héritage de la trilogie originale, Abrams et Kathleen Kennedy devaient aussi miser sur des visages inconnus pour assurer le futur du nouveau triptyque : « Nous savions que ce casting ne concernait pas un seul film, mais au moins trois. Trouver ces nouveaux visages était pour moi le plus grand défi que nous devions relever. Quand nous avons rencontré Daisy Ridley, trouvé John Boyega, et fait venir dans l’équipe Oscar Isaac et Adam Driver, notre excitation a atteint son comble. Nous avons constaté que Daisy et John pouvaient travailler très bien ensemble, mais nous nous sommes alors demandé ce qui allait se passer quand Harrison allait se joindre à eux. Quel résultat allions-nous obtenir ? Si jamais l’alchimie n’avait pas fonctionné, nous aurions été en plein désastre. Heureusement, tout a bien marché entre eux. Dans un autre registre, même si nous étions très contents du design de BB8 et des sentiments qu’il exprimait quand il était animé par les marionnettistes, qu’allait-il se passer quand il allait se retrouver à côté de C3PO et R2D2 ? Est-ce que la scène allait sembler bizarre ou inappropriée ? Là encore, cela a marché. Quand Anthony Daniels m’a dit « Oh mon dieu, j’adore BB8 ! », j’ai compris que nous étions tirés d’affaires, car si lui acceptait notre petit droïde, cela voudrait dire que BB8 serait apprécié par tout le monde. Petit à petit, j’ai été pleinement rassuré en voyant les scènes de tendresse entre Han et Rey, et les joutes comiques entre Han et Finn. J’étais soulagé. C’était vraiment sensationnel de pouvoir se dire « C’est bon, ces scènes fonctionnent ! » Nous avions travaillé très dur pour écrire tout cela et pour composer un bon casting, mais ce n’est que pendant le moment de vérité, sur le plateau, quand vous regardez les acteurs sur le moniteur, que vous pouvez avoir la certitude que non seulement cela marche, mais que tous ces comédiens s’entendent bien et forment un groupe solide. »

Le Retour du Maestro

C’est encore en tant que fan que JJ Abrams a vêcu sa première rencontre avec le légendaire John Williams, le créateur de la musique de toute la saga STAR WARS. « Je n’oublierai jamais ce moment. Quand vous rencontrez John, vous oubliez presque qu’il s’agit d’un génie qui a mené l’une des carrières les plus extraordinaires de tous les compositeurs d’Hollywood, car vous vous retrouvez en face de l’homme le plus gentil qui soit, et vous avez envie de mieux le connaître à titre personnel. John vient du Jazz. Il est devenu l’un des plus grands compositeurs de cinéma de tous les temps, mais cela ne l’empêche pas de vous parler comme un jazzman et de vous appeler « Baby » ! Pour ma part, il m’appelait « JJ Baby » ! John travaille avec un crayon à papier. Quand vous collaborez avec lui, vous allez le retrouver dans sa maison, et vous l’écoutez jouer des notes au piano. Pendant qu’il joue, vous vous mettez à extrapoler ce que cette mélodie donnera lorsqu’elle sera interprétée par un grand orchestre symphonique. Assister à ce processus créatif est inoubliable, quasi-miraculeux. John a fait réaliser des reliures en cuir des partitions de chacune de ses musiques de films. En voyant cela, je n’ai pas pu résister à la tentation de lui demander si je pouvais les feuilleter, et il m’y a autorisé. J’ai pris en main le volume de la musique des DENTS DE LA MER, et là sur le papier, sur la partition du fameux thème du requin, il avait marqué « baaaa-bum, baaaa-bum, baaa-bum » et là, je me suis dit ‘C’est donc comme cela qu’il l’a noté ! » C’était un peu comme si je passais l’après-midi avec Mozart, mais avec un Mozart qui aurait écrit les bandes originales de tous mes films favoris. Quand on pense qu’il a composé en quelques années les musiques de STAR WARS, RENCONTRES DU TROISIEME TYPE, SUPERMAN LE FILM, LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE et qu’on lui doit aussi celles de JURASSIC PARK et de la Saga HARRY POTTER, c’est tout simplement incroyable. John est un surhomme, et pourtant c’est l’être le plus modeste qui soit.»

La transition avec l’épisode suivant

Sous la surveillance vigilante de Kathleen Kennedy, les prochains épisodes et les histoires indépendantes de STAR WARS se préparent très activement. La réalisation de l’Episode VIII a été confiée à Rian Johnson et celle de l’Episode IX à Colin Trevorrow. Comme on peut s’y attendre, les éléments narratifs laissés en suspens à la fin de l’Episode VII par Lawrence Kasdan et JJ Abrams seront repris et développés dans l’Episode VIII : « Le script de l’épisode suivant est déjà écrit » confirme Abrams, « je suis sûr qu’il sera encore réécrit maintes fois, comme c’est toujours le cas, mais ce que Lawrence et moi avons déjà déterminé, ce sont certaines relations-clé entre les personnages, les questions principales qui vont se poser, et les conflits à venir. Nous avons eu plusieurs rendez-vous avec Rian Johnson et Ram Bergman, qui produira l’Episode VIII. Ils visionnaient nos rushes pendant que nous tournions Le Réveil de la Force. Nous avons voulu les inclure dans notre processus créatif, afin que la transition entre notre film et le leur se fasse de la manière la plus fluide possible. J’ai même montré à Rian mon tout premier montage du film, parce que savais que cela pourrait l’aider pendant qu’il travaillait sur les réécritures du script et sur sa préparation de tournage. En tant que producteur exécutif de ce prochain épisode, je tiens à ce qu’il soit vraiment bon. Faire des cachotteries à nos collègues aurait desservi l’Episode VIII et son potentiel d’impact auprès des fans. C’est la raison pour laquelle nous avons été aussi transparents que possible. Rian nous a demandé d’insérer deux ou trois choses ça et là dans l’épisode VII parce qu’il allait en avoir besoin pour développer son histoire, et cela correspondait très bien avec ce que nous avions envie de faire. »

La suite de notre dossier sur LE REVEIL DE LA FORCE paraîtra bientôt sur ESI !

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