Le Livre de La Jungle : Nos impressions après le visionnage de 20 minutes du film
Article Cinéma du Samedi 26 Mars 2016
Bien plus qu’une transposition réaliste du fameux long métrage d’animation de 1967, cette nouvelle version Disney conçue par Jon « Iron Man » Favreau s’annonce comme un splendide récit d’aventures aux séquences d’action spectaculaires, imprégné de mystère et de Fantastique.
Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau
C’est le 9 décembre 2015 à Londres que ESI a été convié à découvrir les premières images du LIVRE DE LA JUNGLE produit par Disney, dans la salle de projection du studio d’effets visuels MPC. Après avoir découvert une première bande annonce elliptique pendant l’été 2015, il était alors encore difficile de se faire une opinion sur ce projet, et de deviner quel serait le ton et l’approche visuelle de cette nouvelle adaptation du roman de Rudyard Kipling. La présentation de plusieurs séquences impressionnantes, et la description par Jon Favreau de la conception narrative et de la création des décors et des personnages nous a convaincu que ce LIVRE DE LA JUNGLE version 2016 allait être un magnifique spectacle, au traitement plus proche de celui d’AVATAR que du dessin animé culte qui fut, rappelons-le, le tout dernier projet supervisé personnellement par Walt Disney avant sa mort. En effet, en dehors du jeune acteur Neel Sethi, sympathique et immédiatement attachant dans le rôle de Mowgli, tous les environnements et tous les animaux du film ont été réalisés en images de synthèse hyperréalistes. Contre toute attente, ce mélange à haut risque entre le petit comédien, les décors et les personnages 3D qui l’entourent ne semble à aucun moment artificiel, ce qui est déjà en soi une belle prouesse. Bien au contraire, Jon Favreau a saisi à bras le corps la liberté artistique qui lui était offerte par le biais de cette technologie. Les images du film, minutieusement conçues en synthèse dans leurs moindres textures lui permettent de mettre en place une reconstitution sublimée de la nature. Cet apport déterminant lui a servi à souligner, amplifier, exagérer tout ce qui peut émerveiller dans les vastes panoramas où se déroule le récit, à l’instar de ce point d’eau où tous les animaux, proies et prédateurs réunis, viennent boire en paix sans s’attaquer les uns les autres. Dans ces plans étonnants, c’est à la fois la beauté de cet oasis de paix qui étonne et le comportement solidaire de toutes ces bêtes - parfaitement recréées et animées - car on n’aurait jamais pu obtenir de telles scènes en prises de vues réelles et avec des animaux de chair et d’os. Et quand toute cette ménagerie recule d’un pas, effrayée, en apercevant la silhouette menaçante du tigre Shere Khan bondissant sur un rocher, on mesure l’impact dramatique que Jon Favreau tire habilement de cette illusion de réalité. Le réalisateur sait aussi jouer sur la démesure pour nous faire partager l’angoisse de Mowgli lorsque les singes qui l’ont kidnappé l’entraînent dans les ruines d’un temple colossal envahi par la végétation et lui font traverser des salles immenses et obscures pour rencontrer leur souverain. Le fameux Roi Louie nous réserve lui aussi une surprise « de taille » puisqu’il ne s’agit plus d’un simple orang outang mélomane, comme celui auquel Louis Prima prêta si bien sa voix en 1967 en chantant « I wanna be like you » (« être un homme comme vous » en V.F.), mais un Gigantopithèque, primate préhistorique géant qui rappelle King Kong lorsqu’il surgit de l’ombre à côté du minuscule Mowgli ! Bref, sous l’égide de Favreau, le conte de Kipling a repris toute l’ampleur et la densité de sa dimension mythique. Ce voyage initiatique jalonné de dangers permet d’explorer des décors à la fois réalistes et habilement stylisés dont les dimensions colossales époustouflent et font rêver. Mais comme on s’en doute, en arriver là ne s’est pas fait en un jour. A l’instar de Mowgli, le réalisateur s’est lancé également dans un voyage formateur : son objectif à lui n’était pas de parvenir à traverser la jungle sain et sauf pour rejoindre le village des hommes, mais de maîtriser l’univers de la capture de performance, des simulations virtuelles les plus sophistiquées, de l’animation 3D hyperréaliste, et des effets visuels de pointe pour livrer au studio une nouvelle adaptation surprenante d’une des œuvres marquantes du patrimoine littéraire mondial. Voici comment il a évoqué pour nous ce long parcours technique et créatif.
Un voyage de trois ans.
Dès l’origine du projet, c’est le studio d’effets visuels MPC (The Motion Picture Company) qui a été choisi comme partenaire privilégié pour mener ce film à bien. Rappelons que ses studios comptant le plus grand nombre d’employés sont situés à Londres, Vancouver, Los Angeles et Bengalore, mais qu’il en existe d’autres implantés à New York, Montréal, Paris, Amsterdam, Mexico City et Shanghaï, afin de pouvoir offrir des prestations aux productions qui tournent dans le monde entier. « Quand je travaillais sur Iron Man 1 et 2, les séquences d’effets visuels étaient réparties entre de nombreux studios » raconte Jon Favreau « mais il nous a semblé que sur une tâche de l’ampleur de celle qui nous attendait pour réaliser Le Livre de La Jungle, c’est à dire la création d’un monde numérique hyperréaliste, il fallait que nous obtenions un rendu parfaitement homogène et consistant de scène en scène. Cela signifiait aussi que notre partenaire principal allait devoir faire un gros investissement afin de développer les nouveaux outils et logiciels indispensables pour générer les simulations de fourrure, d’eau et de paysages naturels dont nous allions avoir besoin. C’est ainsi que nous avons collaboré avec MPC et je dois dire que leur travail m’a impressionné à chaque étape : ils se sont surpassés, comme vous allez le constater dans les extraits que nous allons vous présenter. En dehors de MPC, nous avons travaillé avec Weta Digital sur une seule séquence, celle avec les singes et leur Roi… Il y a tant à dire sur ce film qu’il est difficile de savoir par où commencer. C’est une expérience qui était nouvelle pour moi en raison des technologies employées. Nous sommes tous immergés depuis longtemps dans ce projet, en raison de sa haute technicité et du temps nécessaire pour produire de telles images, mais j’espère que vous oublierez complètement cet aspect-là en découvrant ce que nous allons vous montrer. Ce visionnage, c’est un peu comme le test de Turing, cette procédure pendant laquelle un homme discute à l’aveugle avec un autre homme et avec un ordinateur doté d’une simulation vocale et d’un logiciel de conversation. Si l’interrogateur ne peut distinguer l’ordinateur de l’homme après avoir échangé longtemps avec ce deux interlocuteurs, alors on considère que l’ordinateur a passé le test de Turing avec succès. Eh bien notre test à nous consiste à vous faire vivre une pure expérience émotionnelle en vous montrant ces images, sans que vous songiez à la technique qui a permis de les créer ! C’est la continuation d’une très ancienne tradition chez Disney, où l’on a mélangé depuis fort longtemps l’art, la technique et la narration des histoires venues du monde entier de manière à captiver, émouvoir et amuser le public.(…) Paradoxalement, les films que Walt Disney a conçus et produits sont considérés aujourd’hui comme des classiques de référence, des œuvres traditionnelles. Mais c’est oublier un peu vite qu’elles ont été réalisées à l’époque avec des techniques révolutionnaires, souvent inédites, et que Walt a gardé toute sa vie le goût de l’innovation. Nous avons donc été ravis de suivre une fois encore cette démarche pour présenter une nouvelle adaptation de cette vieille histoire. Quand je dis « vieille », je ne pense pas seulement au film d’animation de 1967 et au récit de Kipling, mais aussi aux contes mythologiques qui abordent ces thèmes, et qui sont eux-mêmes bien plus anciens que le roman du LIVRE DE LA JUNGLE. Nous avons eu envie de revisiter aussi les origines très lointaines de ces mythes, comme celui de l’enfant sauvage élevé par les loups, que l’on retrouve dans de nombreuses cultures. »
La suite de notre dossier consacré au LIVRE DE LA JUNGLE paraîtra bientôt sur ESI !
