Nous émerveiller et nous faire redécouvrir un grand classique de la littérature en utilisant la technique d’AVATAR, tel est le pari réussi de Jon Favreau dans cette nouvelle version du LIVRE DE LA JUNGLE aux images particulièrement impressionnantes.



Entretien avec Jon Favreau, réalisateur

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Avez-vous trouvé que travailler dans « le volume » avec le procédé Simulcam inventé pour AVATAR était libérateur ? Avez-vous pu l’utiliser de manière satisfaisante pour improviser aussi de nouvelles répliques ou pour modifier les scènes avec la participation des acteurs ?

Oui, le procédé Simulcam est une technologie très importante car elle vous permet d’aligner le plan que vous allez enregistrer avec votre ou vos acteurs dans le studio avec un décor virtuel complet. De cette manière, quand vous choisissez la position et l’axe de la caméra virtuelle, vous voyez immédiatement où se trouve l’horizon 3D et vous pouvez cadrer avec une grand précision les éléments de décor qui se trouvent à l’arrière-plan. Auparavant, quand je tournais sur fond vert, il fallait que je devine approximativement où ces éléments allaient se situer…Bien évidemment, une fois qu’ils avaient été intégrés dans l’image, la composition globale n’était pas toujours aussi intéressante que ce que j’avais espéré. Dans ces cas-là, la seule solution qui reste alors consiste à déplacer de manière artificielle, « à plat », l’emplacement de tel ou tel élément dans l’image. mais si vous allez trop loin, vous ruinez le réalisme des perspectives...Bref, vous n’avez que peu de marge de manœuvre à ce moment-là, car on approche généralement de la fin de la postproduction, votre directeur de la photographie n’est plus disponible pour donner son avis parce qu’il est parti travailler sur un autre film et on n’a plus le temps ni le budget suffisant pour tout reprendre ! De plus, si vous retouchez trop une image, le public va finir par se rendre compte de la tricherie. Avec le système Simulcam, nous avons permis à tous les départements du film de travailler en même temps sur chaque plan, car tout le monde voyait la même image de départ : cela a donc éliminé d’emblée de nombreuses sources de malentendus. Au cours du processus, nous avons trouvé comment travailler au mieux avec le système, et comment improviser et développer de nouvelles approches des scènes. James Cameron est venu nous rendre visite pendant le tournage, et me donner des conseils, car il a développé une grande partie des équipements techniques que nous avons utilisés. Je crois qu’il était très heureux de voir un autre réalisateur en train de l’employer, car si on y réfléchit, il n’y a qu’assez peu de gens qui ont tiré parti de cette nouvelle technologie depuis 2009.

En voyant les scènes que vous nous avez projetées, il nous a semblé que vous utilisez le relief en jouant surtout sur la profondeur des images et non pas sur les effets de jaillissement…

C’est exact, et ce point était très important pour moi. Je suis convaincu que si l’on utilise intelligemment le sentiment de profondeur, cela crée un sentiment onirique très agréable, comme si l’on vous invitait à entrer dans un autre monde. Les gens ont tendance à penser que le relief doit servir à faire sortir les personnages ou les objets de l’écran et à donner l’impression qu’ils vont atterrir sur vos jambes, mais pour que le relief ait un bon impact narratif je crois qu’il vaut mieux donner l’impression que le film est une fenêtre au travers de laquelle on vous propose de regarder. Un film en 2D se contente d’apparaître à plat sur l’écran, alors qu’un bon film 3-D Relief est comme un portail qui vous entraîne dans un voyage, dans une autre dimension au-delà de la surface de l’écran. Bien sûr, on peut utiliser aussi les effets de jaillissements de temps en temps pour amuser le public tout en racontant l’histoire, mais avec les projections de haute résolution, les écrans géants et le système de restitution des couleurs High Dynamic Range, la qualité de l’image est telle que les vieux trucs de jaillissements des films 3-D des années 50 ne marchent plus et paraissent beaucoup trop artificiels. Mais si la mise en scène se prête à un effet de jaillissement, alors, bien sûr qu’il ne faut surtout pas se priver de l’utiliser !

Pouvez-vous en donner un exemple ?

Eh bien dans la séquence où Mowgli se réveille dans la caverne, il ouvre les yeux, et sursaute en voyant la tête de Baloo juste au-dessus de lui. Dans ce plan-là, je fais jaillir assez nettement la tête de Baloo de l’écran, afin de surprendre aussi les spectateurs. C’est un des avantages dont nous avons disposés en tournant et en créant tout le film en 3-D native : nous pouvons obtenir un sentiment d’immersion totale dans l’image. Même si la 3-D Relief a fait énormément de progrès ces dernières années, on voit beaucoup de films qui ont été tournés en 2D puis convertis ultérieurement, et parmi ceux-là, certains ne sont pas bien convertis. Le processus de conversion ne peut pas être bâclé et réalisé à toute vitesse : les bonnes conversions réclament du temps. Personnellement, si je sens en voyant un film que le relief n’est pas parfait, je n’ai pas le sentiment que mon expérience de spectateurs est améliorée : j’éprouve une certain frustration. Heureusement, en tournant LE LIVRE DE LA JUNGLE, nous avons « retiré de la naphtaline » les équipements qui avaient servi à tourner AVATAR, et nous avons bénéficié de tous les avantages d’un tournage en 3-D native.Quand on voit un très gros plan de Mowgli dans le film, on sent de manière intuitive que ses cheveux bougent naturellement et en vrai relief. Et le procédé de projection laser combiné à la restitution des couleurs en high dynamic range apporte une luminosité et un réalisme supplémentaire au relief. On s’en rend compte en observant les détails de l’image, qui ressortent bien plus qu’avant : les brins d’herbe, les plantes agitées par le vent, les mouvements des petits animaux. Cela change tout !

La suite de ce dossier paraîtra bientôt sur ESI

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