La critique ESI : SUICIDE SQUAD, une « Mission Impossible » spectaculaire et jouissive avec les méchants de DC Comics en vedette !
Article Cinéma du Jeudi 04 Aout 2016

3,5 étoiles sur 5

Par Pascal Pinteau

Notre avis en bref : Comme les criminels hétéroclites qui composent son commando, SUICIDE SQUAD part dans toutes les directions, tel un énorme feu d’artifice conçu pour impressionner en permanence mais dont certaines fusées se perdent en route alors que d’autres atteignent parfaitement leurs buts. En dépit de ses défauts de structure, SUICIDE SQUAD reste LE divertissement incontournable de cet été pour tous les fans de comics et de super-héros.

Après l’accueil injustement sévère réservé à BATMAN V SUPERMAN, qui regorgeait de moments brillants, mais était hélas desservi par une scène de rêve prémonitoire incompréhensible qui a désorienté le public, et par une ambiance trop pesante, la postproduction de SUICIDE SQUAD a eu lieu alors que la direction des studios Warner était sous le choc de cette réception mitigée que personne n’avait prévu. Comme l’on s’en doute, les ultimes ajustements de montage et de finitions narratives du troisième épisode de l’univers cinématographique DC ne se sont pas déroulés dans le climat serein qui aurait convenu. Le réalisateur David Ayer, qui avait signé notamment les très réussis TRAINING DAY et FURY, avait écrit le script de SUICIDE SQUAD en six semaines seulement. Gageons que dans son esprit, il ne s’agissait là que d’une première version du scénario à retravailler en profondeur. Mais dans sa hâte de rattraper l’avance prise par les productions Marvel, la Warner a validé presque immédiatement le script en l’état, et Ayer s’est retrouvé à la tête d’un blockbuster dont la sortie en salles a été fixée aussitôt et la production lancée sur les chapeaux de roues.

Or jongler avec autant de personnages – six méchants, deux autres combattants qui rejoignent l’équipe, la directrice du programme, le Joker, l’ennemie du groupe, sans oublier des apparitions de Batman – aurait nécessité un temps de développement plus long de la structure du script, et un meilleur approfondissement des rapports entre les personnages. De plus, les dirigeants du studio ont semble-t-il abreuvé le réalisateur de suggestions, et ont fait appel à la société qui avait réalisé la bande-annonce du film pour créer un second montage parallèle truffé d’effets graphiques, bien différent de celui que David Ayer préparait avec son propre monteur (et c’est le montage « graphique » qui a été retenu). Dans un contexte de production aussi chaotique, on ne s’étonne pas que certains personnages soient présentés deux fois, et que des opportunités évidentes aient été manquées. Mais il faut reconnaître que le réalisateur est parvenu à réussir beaucoup de choses dans son énorme film, tout en affrontant courageusement la tempête en coulisses : la direction des acteurs est excellente, tout comme la mise en scène des séquences de combats (à couper le souffle) et des moments d’émotion. Hélas, le retour cinématographique tant attendu du Joker est la plus grosse déception du film : il laisse quasiment indifférent. Handicapé par un look terriblement banal de chanteur de Gangsta Rap – dents serties de métal, mains ornées de grosses bagues et amas de chaînes en or autour du cou ! - le Joker tatoué façon mafia russe interprété par Jared Leto se comporte de manière prévisible, sans parvenir à surprendre, à terrifier ni à faire rire. Les compositions inoubliables de Jack Nicholson dans le BATMAN de 1989 et de Heath Ledger dans THE DARK KNIGHT en 2012 se situent à des années lumières de ce que l’on découvre là en grinçant des dents. On en vient à espérer que la Warner renoncera très rapidement à cette version bancale du Joker et envisagera de confier le rôle à un autre acteur plus charismatique, mieux inspiré, et doté d’un look fidèle à l’esprit du personnage dans les prochains épisodes de la saga DC.

Heureusement, le « Prince clownesque du crime » n’est qu’une vedette invitée dans le récit de SUICIDE SQUAD. Les trois vrais piliers principaux sont les personnages de Harley Quinn la fiancée frapadingue du Joker, Deadshot le tueur à gages qui ne rate jamais une cible, et Rick Flag le militaire expérimenté enrôlé par les services secrets pour diriger l’équipe de criminels et s’assurer qu’elle accomplira sa mission quasi impossible. Harley Quinn, Deadshot et Rick Flag sont les trois atouts majeurs du film, des protagonistes immédiatement attachants qui assurent à eux seuls la cohésion de SUICIDE SQUAD, tant on prend plaisir à suivre le déroulement de leur destinée. Margot Robbie réussit une performance époustouflante dans le rôle de Harley Quinn, en étant tour à tour touchante, innocente, amoureuse, folle à lier, animale, incontrôlable, diabolique et angélique, tout en portant avec un aplomb confondant des tenues sexy qui rappellent que le charme de la belle est son arme la plus léthale. Will Smith endosse brillamment le costume de Deadshot, assassin implacable qui n’a qu’une faiblesse : sa petite fille qu’il ne supporte pas de décevoir en menant une carrière de criminel qui le conduit toujours derrière les barreaux. Smith joue très sérieusement Deadshot, et s’impose avec son aisance coutumière dans le rôle du chef du groupe. A ses côtés, Joel Kinnaman, vu dans la dernière saison de HOUSE OF CARDS, campe un Rick Flag d’autant plus émouvant qu’il se lance dans l’aventure pour venir en aide à la femme qu’il aime, et dont la vie est menacée par la redoutable Enchanteresse (Cara Delevingne). Porté par ces trois fortes personnalités, le commando SUICIDE SQUAD bénéficie aussi de la monstrueuse présence de Killer Croc, être hybride mi-crocodile, mi-humain incarné par Adewale Akinnuoye-Agbaje. Son maquillage superbement réussi a été réalisé par une équipe du studio KNB EFX Group dirigée par Christopher Allen Nelson. David Ayer a bien compris l’impact qu’il pourrait tirer des apparitions de Killer Croc, et le met habilement en scène dans sa cellule-cage dotée d’un bassin puis au sein du groupe, pendant les scènes de combat où il laisse sa férocité naturelle se déchaîner. El Diablo (Jay Hernandez) déjà très impressionnant grâce au tatouage de squelette qui recouvre sa tête et son corps est quand à lui capable de projeter des flammes, ce dont il ne se prive pas lors de la mission. N’oublions pas de citer aussi le personnage d’Amanda Waller, directrice des services secrets et initiatrice du projet Suicide Squad, que Viola Davis incarne avec un charisme qui laisse toutefois entrevoir les failles de cette « femme de fer » prête à tout pour parvenir à ses fins. Ajoutons enfin que les interventions de Batman sont intelligemment intégrées au récit et notamment à la trajectoire de l’un des méchants principaux. Bref, ce SUICIDE SQUAD constitue une troisième pierre tout à fait intéressante et honorable de l’édifice en construction qu’est l’univers cinématographique de DC, et comme ses qualités et son vrai grain de folie l’emportent sur ses défauts, ESI ne saurait trop vous recommander d’aller le découvrir en salles cet été !

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