LA BELLE ET LA BETE : Entretien avec Bill Condon, réalisateur et co-scénariste – 2ème partie
Article Cinéma du Dimanche 26 Mars 2017

Suite de notre entretien avec le réalisateur Bill Condon.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

C’est la première participation d’Emma Watson à une comédie musicale. Comment s’est-elle préparée à chanter ?

Oh Emma s’est investie totalement dans le projet et s’est beaucoup entraînée. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y avait jadis un dicton à Hollywood qui disait qu’une vedette ne devenait une vraie grande star qu’après qu’on l’ait entendue chanter ! (rires) Cette notion s’est estompée avec le temps, mais il n’empêche que le moment où vous entendez quelqu’un chanter pour la première fois est toujours passionnant. On pourrait dire que c’est presque plus révélateur et plus intime que de se déshabiller devant les caméras. Et il y a quelque chose dans la voix d’Emma qui reflète parfaitement sa personnalité. Elle a un son très clair, incroyablement pur. Et elle chante en s’emparant totalement de cet aspect de son interprétation, et en donnant sa version du rôle. Tout à l’heure, j’évoquais le style très « Broadway » des chansons de la version animée de LA BELLE ET LA BETE, qui reposait sur un chant puissant, dynamique et théâtral. La version qu’en donne Emma est beaucoup plus intime et limpide. Elle est l’une des personnes qui travaillent le plus parmi toutes celles que j’ai rencontrées, et elle est extrêmement exigeante envers elle-même. Elle disposait déjà de son talent d’actrice et de vrais dons naturels de chanteuse, mais elle ne s’était jamais entraînée pour chanter professionnellement. Elle l’a fait avec énormément d’application, et a suivi également des cours de danse. Avec le niveau qu’elle a acquis désormais, elle pourrait jouer dans une comédie musicale sur les planches.

Emma Watson a-t-elle eu besoin d’encouragements de votre part pendant ce processus de préparation des chansons et des danses, que l’on imagine très difficile ?

Oui bien sûr, car il y avait des étapes à franchir, beaucoup de choses à assimiler pour pouvoir chanter et danser tout en jouant de manière naturelle. Puis nous en sommes arrivés au moment où elle s’entraînait à jouer et danser en s’aidant d’un playback de sa voix chantée. Ensuite, pendant le tournage, elle me disait parfois « Pourquoi ne chanterais-je pas en direct dans cette prise ? » et nous procédions ainsi dans certains cas, mais pas dans tous. Quand elle chantait vraiment, elle le faisait devant des centaines de personnes, et tout en évoluant dans les décors, ce qui est extrêmement compliqué à faire.

Comment avez-vous travaillé avec Dan sur la nouvelle approche du rôle de la Bête ?

Nous avons une idée de la Bête qui est un peu différente de la version du long métrage d’animation en ce sens où il s’agit d’une Bête éduquée, raffinée, qui sait lire. Quand la créature avait forme humaine, elle était un prince qui menait une vie futile et dissolue, mais qui avait bénéficié d’une bonne éducation. Et nous avons imaginé que depuis qu’il a été maudit et transformé en monstre, il a puisé du réconfort dans la lecture des nombreux livres de la bibliothèque du château. Il a lu aussi bien des romans que des ouvrages qui lui ont permis de parfaire son éducation et d’apprendre des choses nouvelles. De ce fait, en travaillant le personnage avec Dan, nous lui avons donné des traits de caractère plus sophistiqués, et même un certain sens de l’humour à froid, ce qui nous a permis de créer quelques-uns des moments les plus savoureux du film. Tous les autres acteurs principaux ont grandement contribué au développement de leurs rôles respectifs. Kevin Kline, par exemple, a transformé le père de Belle qui était simplement un homme distrait en un être bien plus réaliste et proche de ses émotions. Josh Gad, qui joue Le Fou - l’acolyte de Gaston incarné par Luke Evans – a trouvé le moyen de changer ce protagoniste qui était essentiellement un souffre-douleur, un punching bag, en un personnage plus crédible et plus moderne, tout en restant très drôle. La première chose qu’il m’a demandée était que nous imaginions ensemble l’arc narratif de l’évolution du personnage, et vous verrez que dans le film, Le Fou réfléchit et finit par se rendre compte de ce qui est bien et de ce qui est mal, et se dégage de la mauvaise influence de Gaston. Cela a été une grande contribution au projet. Et pour revenir à Emma, il y a une véritable ressemblance entre sa vie réelle et la personne qu’est Belle dans le film. Dans la version animée de 1991, Belle était déjà un personnage féminin très moderne, qui rompait avec le cliché des héroïnes dont le seul souhait est qu’un prince charmant vienne les chercher : on la voyait faire de nombreux efforts pour s’éduquer en lisant de nombreux livres, afin de devenir une femme forte et indépendante. Nous avons repris ces caractéristiques de Belle dans notre version, mais aujourd’hui, elle ne se contente pas de lire. Elle souhaite enseigner la lecture et la science aux jeunes filles du village dans lequel elle vit. Elle passe à l’étape supérieure, c’est à dire au partage de ses connaissances. Et il y a un moment dans le film où on la voit réfléchir à une invention qui permettrait aux femmes de passer moins de temps à effectuer les travaux ménagers, et qui leur donnerait ainsi la liberté de s’éduquer.

La suite de notre dossier sur LA BELLE ET LA BETE paraîtra bientôt sur ESI. Bookmark and Share


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