Preview : Le jour où la terre s’arrêta… à nouveau
Article Cinéma du Jeudi 06 Novembre 2008

Véritable gageure, le remake du chef d’oeuvre réalisé en 1951 par Robert Wise parviendra-t’il à nous étonner ?

Par Pascal Pinteau

On le sait, Hollywood aime se rassurer en produisant des remakes des classiques du cinéma, tout particulièrement quand ceux-ci ont été tournés en noir et blanc, puisque les jeunes générations américaines zappent immédiatement quand un film « sans couleurs » est diffusé à la télévision ! C’était déjà pour cette raison que Universal avait produit le remake inutile de Psychose, décalqué plan par plan et en technicolor par Gus Van Sant à partir du chef d’œuvre d’Alfred Hitchcock. Aujourd’hui, c’est la Fox qui réactualise un des fleurons de son catalogue SF : The Day the Earth Stood Still, l’un des plus beaux films du genre, brillamment réalisé par Robert Wise. Grand succès populaire dès sa sortie en salles, Le jour où la terre s’arrêta avait reçu un Golden Globe (prix décerné par les journalistes étrangers résidant à Hollywood) en 1952 en tant que « meilleur film favorisant la compréhension entre les pays ». Rappelons pour ceux qui ne l’auraient pas encore découvert l’intrigue de ce classique : Une soucoupe volante crée la panique en survolant le territoire américain. Elle se pose au milieu d’un parc de Washington, tandis que l’armée déploie ses troupes, ses canons et ses tanks pour l’encercler. Un extra-terrestre revêtu d’un scaphandre émerge du vaisseau, tenant dans sa main un appareil étrange qui se déploie subitement. Perdant son sang-froid, un soldat fait feu sur le visiteur, qui s’écroule, blessé. Un robot sort alors de la soucoupe. Sa visière se relève pour révéler un point lumineux, puis un puissant rayon qui est braqué sur toutes les armes des militaires : les fusils, les canons et les tanks sont désintégrés en quelques secondes, sans qu’aucun soldat ne soit blessé. L’extraterrestre ordonne à son protecteur de métal de cesser le feu, et accepte de suivre les militaires jusqu’à un hôpital où il sera soigné. Il révèle alors son nom - Klaatu – et le but de sa mission : porter un message aux terriens, dont la course à l’armement nucléaire inquiète plusieurs civilisations au-delà des étoiles. Si les humains continuent à fabriquer ces armes de destruction tout en développant leurs engins spatiaux, ils deviendront bientôt une menace à l’échelle de la galaxie…et devront être anéantis ! Aidé par une jeune femme, Klaatu parvient à s’échapper de l’hôpital militaire où il est retenu prisonnier, et se familiarise avec le peuple de cette étrange planète nommée Terre…



Très inspiré par son sujet, Robert Wise a signé là une aventure passionnante – les spectateurs tremblent pour Klaatu et la jeune femme qui l’aide à échapper à ses poursuivants – et une belle réflexion sur l’immaturité de la société humaine, incapable de surmonter ses différences pour vivre en paix.

Remake ou nouvelle version ?

C’est au réalisateur Scott Derrickson, qui avait signé auparavant L’Exorcisme d’Emily Rose et Hellraiser Inferno, qu’incombe l’écrasante tâche de succéder à Robert Wise. D’après les premières images de la bande-annonce, il semblerait que le scénariste David Scarpa (Le Dernier château - 2001- Rod Lurie) aie conservé certains éléments du film original, tout en ajoutant de nouvelles péripéties, comme ces nuages sombres, qui désintègrent sur leur passage un énorme stade et un camion roulant à pleine vitesse. Point de soucoupe volante à l’horizon dans cette version 2008, mais une énorme sphère qui vient se poser à New York, au milieu de Central Park, tandis que d’autres surgissent ailleurs... Succédant au charismatique Michaël Rennie dans le rôle de Klaatu, Keanu Reeves, encore auréolé du récent succès de Constantine, a pour partenaires l’émouvante Jennifer Connely, l’excellente Kathy Bates et l’extravagant John Cleese dans le rôle d’un savant humaniste. Jennifer Connely incarne Hélène, une spécialiste de Microbiologie qui est également enseignante à l’université de Princetown. Hélène est recrutée par le gouvernement, sans avoir son mot à dire, afin d’étudier un phénomène insolite. « Le rôle d’Hélène a été considérablement étoffé par rapport au film original » a révélé Derrickson. « Jennifer est une actrice fantastique. Elle a été mon premier choix pour ce rôle, et je suis absolument ravi qu’elle l’ait accepté. »

Comportement extraterrestre

Si le casting est judicieux, et les effets spéciaux dévoilés très spectaculaires, c’est désormais la vision du réalisateur qui doit parvenir à convaincre. Scott Derrickson a dévoilé ses intentions pour rassurer les cinéphiles que les remakes inquiètent toujours : « L’un des plus grands défis de ce film était de savoir si le public actuel allait être sensible à ce thème ( un extraterrestre adresse une mise en garde à la Terre, en proie à l’auto-destruction). Je crois qu’il est encore plus judicieux aujourd’hui, et que les spectateurs croiront au personnage de Klaatu grâce à la performance de Keanu Reeves. Pendant le tournage, Keanu était focalisé sur son personnage, et lui donnait vie de manière rigoureuse, en tirant parti de chaque élément de chaque scène. Il sait exactement comment dompter la caméra et comment utiliser son physique au mieux à l’image. Il n’a pas abordé ce rôle d’extraterrestre comme Jeff Bridges l’avait fait dans Starman (NDLR : Jeff Bridges avait développé une gestuelle insolite pour souligner le fait que son personnage extraterrestre « habitait » une enveloppe physique qui lui était inconnue), vous ne le verrez donc pas prendre des attitudes bizarres ou se comporter de manière décalée. Keanu utilise des moyens plus subtils pour paraître étrange, pour vous donner le sentiment qu’il vient d’ailleurs, et que l’être qui se trouve devant vous n’est pas un humain. » Dans l’œuvre de Robert Wise, le personnage de Klaatu était traité comme une allégorie du Christ : il propageait un message de paix, prenait le pseudonyme de Carpenter (charpentier : la profession de Jésus) et ressuscitait après avoir été tué. « Je crois qu’il est impossible d’éviter cette métaphore » précise Derrickson. « Les histoires inspirées de celle du Christ sont souvent de bons récits, comme Braveheart ou plus récemment Matrix l’ont prouvé. Je crois qu’elles trouvent ainsi une résonance profonde en nous, et touchent aux mythes les plus attachants. Disons que je n’ai pas voulu éviter de traiter ce thème fondamental, mais que j’ai préféré ne pas l’évoquer d’une manière aussi évidente que dans le film original. »



Un message différent

Keanu Reeves a révélé que le message délivré par Klaatu était sensiblement différent de celui de la version de 1951 : au lieu de la course à l’armement nucléaire, c’est désormais la menace écologique que représente le comportement humain qui inquiète les extraterrestres. « En fait, nous allons au-delà de ce sujet » ajoute Derrickson. « Je crois que le film aborde plusieurs des enjeux capitaux pour l’espèce humaine. L’original ayant été réalisé pendant la période de la guerre froide, il se devait de traiter la menace de la destruction nucléaire. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le seul danger auquel nous devons faire face. Ce n’est plus une histoire de blocs politiques qui s’affrontent, mais bel et bien l’homme qui risque de se détruire lui-même, et de détruire la nature par la même occasion. Les Etats-Unis sont en guerre en Irak en ce moment, et notre récit traitera aussi de la manière dont nous nous traitons les uns les autres sur cette planète. Nous parlerons des aspects les plus sombres de la nature humaine, et de la manière dont elle se manifeste partout dans le monde en ce moment. »



Gort or no Gort ?

Dès l’annonce de la réalisation du remake du Jour où la terre s’arrêta, la première réaction des fans a été : « Verra-t’on Gort ? ». il faut dire que le fameux robot métallisé au rayon désintégrateur est entré dans le panthéon de la Science-Fiction dès son apparition dans la séquence d’introduction du film. La phrase que l’héroïne devait apprendre par cœur pour s’approcher sans danger de la sentinelle robotique – « Gort Klaatu barada nikto ! » – est elle aussi devenue une références pour tous les fans de SF. On a pu la voir citée en guise d’hommage dans des films comme Tron ou Star Wars. En 1951, pour créer le fameux robot et sa soucoupe volante, Robert Wise et ses décorateurs avaient décidé de leur donner un aspect métallisé parfaitement lisse, sans mécanisme apparent. Plutôt qu’une sorte d’armure articulée, c’était donc une combinaison souple de latex argenté, qui représentait le corps du robot. Sa tête rigide était conçue comme un casque dont la visière se relèvait pour libérer un rayon désintégrateur. La soucoupe volante, elle, était constituée d’une simple armature de bois recouverte de plâtre lissé et peint. Pour faire apparaître comme par magie l’ouverture du dôme et la rampe qui émerge du bord de la soucoupe, les décorateurs ont au l’idée de camoufler les jointures avec de la pâte à modeler couverte de peinture argentée. A l’image, le résultat est bluffant : l’ouverture et la rampe semblent se former spontanément dans le métal ! Aujourd’hui encore l’image de Gort apparaissant sur la rampe de la soucoupe et faisant quelques pas pour désintégrer les armes des militaires humains reste gravée dans les mémoires des cinéphiles. C’est dire s’ils étaient anxieux d’en savoir plus sur le retour de Gort ! Pour mettre un terme au suspense, Derrickson a inséré plusieurs plans du robot dans la bande-annonce. On y retrouve la forme familière de la tête, métallisée et complètement lisse, ainsi qu’un rayon lumineux qui peut se démultiplier pour frapper plusieurs cibles en même temps, une idée à la fois spectaculaire et originale. « Nous avons voulu évoquer un peu l’aspect du Gort original, sans nous sentir obligés de l’imiter. » précise le réalisateur. « Nous avons essayé de nombreuses possibilités en faisant appel à plusieurs artistes, et pendant que nous entreprenions cette démarche, nous ne pouvions nous empêcher de songer que la base de la première version du robot était quasiment incontournable, qu’elle était juste, parfaitement appropriée. Klaatu adopte une forme humaine, et sa sentinelle cybernétique aussi. Ce concept de 1950 fonctionne toujours aujourd’hui. Je suis un tel fan du film original que cela me semble évident. Le personnage de Gort doit être respecté. Il est unique. Et comme vous le verrez dans le film, le design que nous avons choisi rend hommage au modèle original. » Il faudra patienter jusqu’au 10 décembre pour juger de la pertinence de cette nouvelle version, et la comparer avec l’un des monuments de l’histoire de la SF. Le défi est rude, mais souhaitons à Scott Derrickson de réussir à nous surprendre agréablement, car les premières images de son film sont particulièrement alléchantes !

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