LES DERNIERS JEDI : Entretien exclusif avec Gwendoline Christie (Le Capitaine Phasma) – 2ème partie
Article Cinéma du Vendredi 26 Janvier 2018
D’après ce que vos collègues acteurs nous ont dit, Rian Johnson a décidé très tôt de rebattre les cartes narratives de la saga STAR WARS afin d’instaurer beaucoup plus d’ambiguïté dans cet épisode VIII. Que pensez-vous du fait que l’on se rende davantage compte dans ce film que chacun des personnages a des motivations et des objectifs différents ?
Je crois que comme dans GAME OF THRONES, LES DERNIERS JEDI témoigne de l’évolution narrative des fictions actuelles, où l’on ne sait pas exactement si les personnages sont « bons » ou « mauvais ». Le tout est qu’ils soient vraiment intéressants. Je crois que la popularité de cette série télévisée a créé un bouleversement durable, un désir de voir représenter des relations complexes entre les protagonistes d’un récit. Les téléspectateurs ont envie d’être mis à l’épreuve, d’être stimulés. A mon sens, LES DERNIERS JEDI explore en profondeur les relations entre les personnages et commence ainsi à les faire évoluer. Je n’ai pas vu le film achevé au moment où nous parlons, mais d’après ce que j’en sais, je dirais que Rian a créé quelque chose dont le ton est quelque peu différent de ce que nous avons vu auparavant. Plus que jamais, le film est propulsé par l’histoire, par les personnages et leurs relations. Cela ne retire rien au fait que l’on y trouvera aussi tous les moments spectaculaires et les morceaux de bravoure que l’on s’attend à découvrir dans un STAR WARS, mais c’est vraiment sur ces points que le travail de Rian s’est focalisé.
Dans GAME OF THRONES, votre personnage de Brienne de Tarth est l’incarnation même de la lutte pour le bien, de la droiture morale et de la loyauté. Était-ce intéressant pour vous de jouer cette fois-ci une femme qui agit de manière radicalement opposée, dénuée de scrupules, et qui est entièrement au service du côté obscur ?
C’était ce qui m’a fasciné dans cette proposition de Kathleen Kennedy, et que j’ai trouvé sensationnel. Bien sûr, tout le monde a envie de jouer dans un STAR WARS, mais ce qui m’a réjouie, c’était l’opportunité d’interpréter un personnage féminin moderne comme on n’en avait pas vu avant au cinéma. Pour jouer Brienne j’ai travaillé sur ses motivations, et je crois que son sens de la loyauté, de la justice et de la défense du bien vient en partie du fait qu’elle a beaucoup souffert du regard cruel que la société a porté sur elle en raison de son physique, et de sa fonction traditionnellement réservée aux hommes. Mais même si elle a été constamment dénigrée et moquée, ses intentions sont restées pures et bonnes. En tant qu’actrice, avoir la possibilité de jouer ensuite une méchante dans STAR WARS était une opportunité très attirante, car elle allait me permettre d’explorer un tout autre état d’esprit. J’avais besoin de ce genre de défi à relever, pas seulement physiquement car je me suis souvent battue à l’épée et en armure dans GAME OF THRONES, mais aussi à un niveau psychologique. Récemment, dans la série TOP OF THE LAKE, j’ai incarné une femme très vulnérable qui est en train de perdre pied, d’échouer dans tout ce qu’elle entreprend et de s’effondrer. Ce que tous ces rôles ont en commun, je crois, c’est de chambouler les archétypes de représentation des femmes et de renouveler l’écriture des fictions de notre époque. Ce sont des modes de narration plus évolués et plus intéressants, qui explorent la condition humaine et transcendent parfois les notions de bien et de mal.
En tant qu’actrice, avez-vous aimé jouer en portant le casque de Phasma, un peu comme lorsque l’on joue avec un masque au théâtre ?
Dans LE REVEIL DE LA FORCE, je portais très souvent le casque, et c’était un peu difficile parce que je n’avais jamais fait quelque chose de similaire avant. J’ai eu une formation théâtrale classique : j’ai étudié la méthode de jeu qui consiste à utiliser beaucoup le physique et la spontanéité au cours d’une performance, puis le mime enseigné par l’école de Jacques Lecoq. J’aime la danse et j’en ai fait souvent. Porter l’armure et le casque de Phasma a été un exercice intéressant lui aussi. Avant le tournage du REVEIL DE LA FORCE, j’ai passé du temps à chercher comment je pourrais exprimer la force et la détermination de cette femme dans sa manière de marcher. J’ai essayé aussi de restituer l’image même du Capitaine Phasma, c’est à dire une présence vraiment très menaçante. Ce n’était pas évident à faire en étant entièrement revêtue de métal chromé, mais le challenge était fascinant, parce que l’on n’a pas l’habitude de voir des femmes représentées ainsi.
Il y a des grandes séquences d’action dans tous les STAR WARS. Et souvent des combats au sabre laser ou des batailles entre les rebelles et les forces impériales. Vous êtes-vous sentie parfois un peu impressionnée à l’idée de faire les cascades que l’on attendait de vous pendant ces scènes-là, et notamment pendant le combat avec Finn ?
Ce serait vraiment difficile de vous citer un exemple particulier de cascade pour vous répondre. Déjà, je n’aurais jamais imaginé que je jouerai un jour dans un STAR WARS ! Quand j’avais six ans, j’aimais énormément le film original de 1977, et j’adorais le personnage de la princesse Leia parce qu’elle était drôle, courageuse, dynamique et forte. Elle me parlait ! Elle était différente de toutes les autres héroïnes que je connaissais. Et cela a d’ailleurs été pareil quand j’ai découvert le personnage de Brienne dans le script de GAME OF THRONES : c’était un caractère complètement atypique et qui m’a immédiatement attiré. Et je peux vous dire qu’à ce moment-là, je n’aurais jamais cru que Brienne pourrait devenir un personnage aussi populaire. Je ne pensais pas qu’un large public serait prêt à accepter et à aimer aussi vite une femme si différente de celles que l’on voit habituellement à la télévision. Et à titre personnel, être conviée à jouer dans un STAR WARS, dans une distribution dans laquelle se trouvent Mark Hamill et Carrie Fisher, la princesse de mon enfance, est tout à la fois un grand encouragement à poursuivre ma démarche d’actrice, une expérience inoubliable et une merveilleuse nouvelle étape dans ma carrière.