Battlefront 2 : De la suite dans les idées
Article Jeux Vidéo du Mercredi 21 Fevrier 2018

Mutualisation des forces

Au printemps 2016, Electronic Arts annonce le développement de Battlefront 2. Le studio de développement suédois DICE a pris note des critiques émises contre le premier opus. Cette suite propose ainsi, dès sa sortie, trois fois plus de contenu que l’original – dont des planètes, véhicules et personnages tirés de la prélogie. Les mécaniques de gameplay ont été affinées, et les batailles spatiales disposent de leur propre mode, Starfighter Assault (Assaut des chasseurs). Afin de ne pas diviser le public (comme ce fut le cas pour le précédent jeu), toutes les extensions à venir seront offertes. Un programme titanesque, qui fut respecté grâce à l’association de plusieurs studios. Si DICE s’est chargé des modes multijoueur et de la supervision de l’ensemble du projet, la campagne solo fut confiée aux studios Motive. Situé à Montréal, Motive a été fondé en 2015 par Jade Raymond, productrice des premiers Assassin’s Creed, dans l’objectif de réaliser un autre jeu Star Wars en collaboration avec Visceral Games (Dead Space). «Nous construisons sur les fondations du premier jeu», expliquait Jade Raymond. «Peut-être que nous aurions pu réaliser la campagne solo à Stockholm», déclarait le directeur créatif de DICE, Bernd Diemer. «Mais la meilleure solution revenait à faire appel à une équipe qui consacrerait son énergie à ce mode». Les batailles spatiales, elles, ont été conçues par le studio britannique Criterion. Ce travail collaboratif – et international – est la conséquence des reproches émis contre l’opus précédent. «DICE est connu pour ses gigantesques jeux multijoueur», ajoute Bernd Diemer. «Quand nous avons décidé de prendre au sérieux les batailles spatiales, nous avons réalisé que nous devions injecter une expertise qui nous aiderait à les rendre excellentes». D’où l’implication de Criterion Games, célèbre pour ses jeux de course extrêmement rapides et intenses. «Des voitures aux chasseurs spatiaux, il ne semble pas qu’il existe de ligne directe», s’amuse Matt Webster, le responsable de Criterion. «C’est pourtant le cas, d’une certaine manière. Vous recherchez simultanément l’accessibilité et la profondeur. C’est toujours le point de départ». Les designers de Criterion se sont inspirés de précédents jeux vidéo, dont TIE Fighter (1994) et Rogue Squadron 3D (1998). «Nous voulions que les joueurs aient vraiment l’impression de piloter des chasseurs au sein de batailles épiques. Nous avons donc dû réfléchir à ce qui représente l’essence d’une bataille de Star Wars : les chasseurs et les croiseurs, le mouvement, la vitesse, l’excitation… Tout ce que nous avons ensuite tenté d’exécuter dans le jeu». Notons que, suite aux critiques contrastées émises contre Mass Effect Andromeda, en début d’année, une partie des employés du studio Bioware Montréal ont rejoint les rangs de Motive, dont les locaux sont situées dans la ville québécoise.



Au cœur des conflits

Afin d’unifier la communauté des joueurs, la partie multijoueur de Battlefront 2 propose un nombre réduit de modes : Assaut galactique (de gigantesques batailles où chaque camp rassemble vingt joueurs qui doivent collaborer pour remplir des objectifs précis), Assaut des chasseurs (combats spatiaux à 24 joueurs), Escarmouche, Affrontement héroïque (huit personnages issus des films s’opposent) et Frappe. Les batailles se déroulent sur quatorze planètes issues des trois trilogies (quatre autres planètes sont réservées à la campagne solo), dont Kamino, Kashyyyk et Naboo pour la prélogie ; Tatooine, Yavin IV, Hoth, la seconde Étoile de la mort et la lune d’Endor pour la trilogie originale ; Jakku, Takodana et la base Starkiller pour les longs-métrages les plus récents. Seules les planètes Endor, Hoth et Jakku apparaissaient dans le jeu de 2015. La deuxième Étoile de la mort, la base Starkiller et Takodana font leur première apparition dans la série. Les autres étaient déjà disponibles dans les anciens Battlefront. En matière de vaisseaux, l’offre du mode Assaut de chasseurs est pléthorique : X-Wing, A-Wing, Y-Wing, V-Wing, etc. Sur terre, chaque joueur peut choisir entre quatre classes de soldats, qui ont des atouts et des faiblesses distincts. Le commando représente le guerrier de base. L’officier vient en support de ses camarades (en installant des tourelles automatiques, par exemple). Le soldat lourd dispose d’armes très puissantes. Enfin, le spécialiste utilise un fusil sniper. Au fur et à mesure de leur progression, les joueurs débloquent des éléments de customisation, afin de personnaliser chaque classe selon leurs préférences. Il est également possible de débloquer des classes spéciales en cumulant des points (obtenus en réalisant des faits d’armes sur le terrain). Soit un certain nombre de personnages (Jedi, Sith, wookies, droïdes, contrebandiers, etc) ou des véhicules spéciaux. Notons enfin que la première extension du jeu – la saison 1 – a été ajoutée dès le mois de décembre. Basée, évidemment, sur Les Derniers Jedi, elle ajoute la planète Crait, une bataille spatiale en orbite de D’Qar (où se trouve la base opérationnelle de la Résistance) et deux nouveaux personnages : Finn et le Capitaine Phasma. Rey, elle fait déjà partie des personnages spéciaux du jeu de base. Plus récemment, les joueurs ont pu piloter le A-Wing de l’Episode VIII et le TIE Fighter d’Iden Versio.

Au service de l’Empire

L’atout principal de Battlefront 2 reste la campagne solo, bien plus travaillée que dans les précédents volets de la série. Le joueur est invité à rejoindre l’Empire dans la peau d’Iden Versio, un personnage inédit, doublé et joué en «motion capture» par l’actrice Janina Gavankar («True Blood»). Cette campagne s’inscrit pleinement entre les films, puisque le récit débute à l’occasion de l’explosion de l’Étoile de la mort, dans Le Retour du Jedi, pour se terminer aux alentours de la destruction de la base Starkiller du Premier Ordre, dans Le Réveil de la Force. Iden est la responsable de l’escadron Inferno, une unité d’élite des forces spéciales de l’Empire. Cette campagne offre l’opportunité de découvrir plusieurs événements cruciaux des trois décennies séparant les deux films. À certaines occasions, il est possible d’incarner d’autres personnages, dont Luke Skywalker et Kylo Ren. Deux auteurs furent chargés d’écrire cette histoire : Walt Williams (scénariste du jeu Spec Ops : The Line) et Mitch Dyer (ancien journaliste du site IGN, consacré aux jeux vidéo). «Walt et Mitch sont des fans voraces de Star Wars», s’amuse Mark Thompson, le réalisateur du jeu. «Chacun possède une connaissance encyclopédique de tout ce qui a existé dans cette galaxie». Ces trois dernières années, seules des œuvres littéraires ont commencé à explorer la lente mutation de l’Empire en Premier Ordre. Le choix de cette période n’est donc guère un hasard. «Excepté les comics des Ruines de l’Empire, il n’y avait aucun média visuel ou interactif», rappelle Mark Thompson. «Cela nous semblait être le bon endroit pour faire quelque chose de différent, et innover». Bien qu’elle ait été conçue par le studio Motive, cette campagne a été construite dans l’objectif de s’intégrer parfaitement dans l’expérience Battlefront. «C’est pourquoi nous avons désiré, avant tout, mettre un soldat au cœur du récit», souligne Mark Thompson. «Le jeu s’intitule Battlefront. Si l’on ne vous permet pas de vous retrouver au beau milieu d’une bataille, nous ne rendons pas service au jeu. Tout est dans le titre. Une fois que nous avons choisi de suivre les aventures d’un soldat, nous avons regardé ce qui se faisait sur les autres supports». Les romans « Étoiles perdues » et « Riposte », mais aussi les comics des « Ruines de l’Empire », ont considérable influencé les auteurs. Après avoir découvert l’angle d’approche choisi par les membres de la production de Battlefront 2, le «Story Group» de Lucasfilm ne tarda pas à donner son feu vert. Comme dans la simulation spatiale « TIE Fighter », 23 ans plus tôt, un jeu vidéo s’intéresse à la perspective impériale du conflit galactique. Iden est née sur la planète Vardos, une sorte d’utopie impériale où les citoyens partagent fermement l’idéologie de l’Empire. Son père est d’ailleurs un haut gradé de l’armée impériale. Pour eux, l’Alliance Rebelle n’est qu’un vulgaire regroupement de terroristes semant le chaos. «Dans Rogue One, nous avons découvert Saw Gerrera, leader d’un groupe de rebelles extrémistes», explique Douglas Reilly de Lucasfilm. «Ils représentent le côté gris, trouble, des gens luttant pour le bien de la galaxie. Quel serait leur équivalent, du “mauvais” côté ? À quoi ressemblent les personnes sous le casque des stormtroopers ? Pourquoi croient-ils dans les valeurs de l’Empire ? Nous voulions explorer ce que l’Empire représente pour un individu qui s’est sincèrement engagé dans cette organisation, qui a été élevé en son sein. Et qui y croit absolument. Pour l’Empire, Iden est une héroïne». Notons que d’autres œuvres récentes ont exploré cette thématique. Ciena Ree, du roman « Étoiles perdues », et Rae Sloane, de « Riposte », ont chacune leurs raisons d’épouser et de respecter l’idéologie de l’Empire. Mais le jeu ne va malheureusement pas au bout de ces idées…



L’expérience Battlefront en solitaire

Iden Versio est un modèle pour les jeunes de Vardos. Elle les inspire à rejoindre l’académie impériale. Après avoir pourchassé les membres du groupe de Saw Gerrera qui avaient échappé à la catastrophe de Jedha, dans Rogue One, son unité a lutté plusieurs années contre l’Alliance rebelle. Lorsqu’Iden assiste à la destruction de l’Étoile de la mort, sur la lune d’Endor, elle jure de venger son Empereur. Or ce dernier ne tarde pas à lui confier une mission – par l’intermédiaire d’un message posthume, transmis par un droïde arborant un hologramme du visage de Palpatine (qui avait été justement introduit dans les comics Les Ruines de l’Empire, en 2015). Peu après Le Retour du Jedi, elle va ainsi participer à l’opération Cendres, visant à rendre inhabitables un certain nombre de planètes. Aveuglée par la vengeance, Iden poursuivra la lutte… mais pour qui ? «Nous la verrons évoluer», précise Paolo Jouyaux du studio Motive. «Mais elle conservera ses convictions». Sur le terrain, Iden peut compter sur l’appui d’un petit droïde volant, qui lui offre un certain nombre d’options stratégiques sur les champs de bataille. L’escadron Inferno – dont Gideon Hask et Del Meeko sont les autres membres — dispose de son propre vaisseau, le Corvus (soit «corbeau», en latin.). Ce navire, dont la forme rappelle un mini-destroyer stellaire, n’a pas été spécifiquement créé pour Battlefront 2. Son apparition date de 2015, dans une extension du jeu de plateau « X-Wing Miniatures », produit par Fantasy Flight Games. C’est un membre du «Story Group» de Lucasfilm, Leland Chee, qui eut l’idée de recycler ce croiseur de taille moyenne. Si l’histoire d’Iden Versio possède un début, un milieu et une fin, l’ADN de Battlefront permet d’introduire d’autres points de vue sur le conflit. «Vous suivez l’aventure d’Iden, mais de temps en temps, vous changez de camp», précise Mark Thompson. «Vous jouez parfois un soldat, ou un pilote, et vous pouvez même maîtriser le sabre laser de Luke Skywalker !» C’est ainsi qu’un jeu vidéo, dans une série connue pour ses batailles rassemblant des dizaines de joueurs, lève une partie du voile sur les événements qui ont suivi la disparition de l’Empereur, et l’essor de la Nouvelle République. Notons qu’un roman, paru aux États-Unis cet été (et dont une traduction française n’est pas encore prévue), revient sur le passé de l’unité d’Iden Versio. Intitulé « Battlefont II : Inferno Squad », il fut écrit par Christie Golden, auteur de plusieurs ouvrages de l’univers «Légendes» de Star Wars. L’intrigue se déroule juste après Rogue One – l’escadron Inferno étant chargé de venger la destruction de la première Étoile de la mort. Qu’importe : les fans peuvent désormais explorer trois décennies de la galaxie lointaine, entre deux batailles homériques du mode multijoueur. De quoi satisfaire les appétits en attendant les longs-métrages suivants… et de nouvelles aventures vidéoludiques ! Empêtré dans une affaire de « loot boxes » sur laquelle nous reviendrons bientôt, Battlefront 2 n’a certainement pas encore atteint son plein potentiel. Des défauts qui pourraient ainsi être corrigés par les prochaines mises à jour. Mais les fans, eux, peuvent déjà s’amuser à explorer les décors tirés des trois trilogies - sur Xbox One, PlayStation 4 et PC ! Bookmark and Share


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