Relief : Le grand mystère des lunettes 3-D au cinéma
Article 3-D Relief du Mercredi 19 Novembre 2008

Par Sylvain Grain

Mais quelle est donc cette foule de créatures étranges affublées de lunettes pour le moins singulières ? Les spectateurs d’un film 3-D relief dites-vous ? Petit tour d’horizon des techniques de projection cinéma 3-D afin de mieux comprendre le rituel de la troisième dimension dans les salles obscures...

Fabriquer une image 3-D (entendons 3-D Relief), c’est avant tout capturer un sujet depuis deux points de vue différents, afin de reproduire le mécanisme de la vision humaine, dite vision binoculaire (grâce à nos deux yeux). Bien que les problématiques de prise de vue stéréoscopique (c’est-à-dire avec deux caméras) soient primordiales dans le processus de création d’un film 3-D, et nous reviendrons dessus dans de prochains sujets, ce sont les moyens de restitution de la 3-D au spectateur qui nous intéressent ici. Notons qu’une projection 3-D repose sur un enjeu simple : faire en sorte que chacun des yeux du spectateur ne perçoive que l’image qui lui est destinée (image gauche pour l’œil gauche et vice versa). En réponse à cet enjeu, de nombreux procédés ont été mis au point depuis plus d’un siècle, et tous ceux dont nous allons parler ici ont un point commun : l’utilisation de paires de lunettes 3-D.

Quel est donc le rôle de ces lunettes ? Depuis la petite paire en carton jetable jusqu’au dispositif le plus élaboré avec tout plein de cristaux liquides dedans, faisons le point sur cet accessoire incontournable et emblématique du cinéma 3-D.

Pour commencer, et avant d’aborder les solutions actuellement utilisées, un petit saut dans le temps s’impose, aux débuts du cinéma 3-D, pour tenter de mieux en cerner les enjeux.

Dans les années 1900, les Frères Lumières qui viennent de mettre au point le cinématographe, expérimentent rapidement la prise de vue stéréoscopique (avec deux caméras). A l’époque, le seul dispositif permettant de restituer le relief au spectateur est le stéréoscope, jusqu’alors utilisé pour visionner des photographies stéréoscopiques. Ce système limitant le visionnage à une seule personne à la fois, le défi majeur que le cinéma stéréoscopique doit alors relever pour s’ouvrir au grand public et ainsi passer du stade artisanal à celui d’une véritable industrie est celui de la projection sur écran. De nombreuses recherches y sont donc consacrées dans la première moitié du 20e siècle.

La première solution mise au point pour projeter un contenu stéréoscopique est celle de l’anaglyphe et de ses mythiques lunettes bleu et rouge. La première projection publique et payante d’un court métrage stéréoscopique par le procédé d’anaglyphe est réalisée en juin 1915 à l’Astor Theatre de New York avec le film Jim The Penman de la Paramount Pictures Corporation. D’autres projets lui succèdent, exploitant à leur tour l’anaglyphe, mais l’impossibilité de produire des films en couleur et la mauvaise qualité des projections sont un véritable frein au développement de cette industrie naissante.


3D
envoyé par MickeyKuyo


Il faut attendre les années 1930 pour voir émerger une nouvelle solution : la projection à lumière polarisée. Basé sur une technique brevetée en 1893 par l’anglais John Anderton, le procédé permet enfin de montrer des films 3-D en couleurs et va offrir au cinéma 3-D ses premières heures de gloire. Dans les années 1950 aux Etats-Unis, la grande vague de films 3-D, aujourd’hui qualifiée de premier âge d’or de l’histoire du cinéma 3-D, exploite cette technique de projection. L’image surréaliste de salles remplies de spectateurs affublés de lunettes en carton rentre alors dans les mœurs.

Malgré leurs nombreuses différences, les procédés d’anaglyphe et de lumière polarisée restent tous deux la déclinaison d’un même grand principe de dissociation des deux images d’un film 3-D. Ce principe consiste à filtrer une première fois le flux lumineux à la sortie du projecteur puis une deuxième fois avant réception par nos yeux. Dans le cas de l’anaglyphe, les filtres agissent sur le spectre de couleur de la lumière et dans le cas de la polarisation sur sa longueur d’onde.

Dans les années 1980, un deuxième grand principe fait son apparition avec le développement du système IMAX© 3D : l’obturation par alternance . Derrière ce terme un peu technique se cache un procédé dont les bases furent énoncées pour la première en fois 1896 par Paul Mortier et qui aura mis près d’un siècle à se concrétiser. En pratique, le spectateur se voit remettre une paire de lunettes à cristaux liquides dont les verres ont la propriété de s’obscurcir lorsqu’ils reçoivent le signal adéquat. En occultant un œil puis l’autre de façon synchronisée avec le système de projection qui alterne image gauche et image droite 48 fois par seconde, chaque œil ne perçoit que l’image qui est destinée. La synchronisation se fait alors grâce à un signal infrarouge entre les lunettes et le projecteur.

Depuis peu, le cinéma 3D Relief fait son grand retour en s’appuyant notamment sur le développement des technologies numériques. Ces technologies concernent bien sûr l’industrie de l’image (studios d’animation, sociétés d’effets spéciaux, etc.) mais aussi les systèmes de projection.

Avant l’arrivée des projecteurs numériques, un cinéma voulant projeter un film en relief devait s’équiper de deux projecteurs, y placer deux bobines du film (une pour chaque œil) et installer un écran métallisé (essentiel pour la projection par polarisation). Sans parler des problématiques de synchronisation des deux pellicules et des calages sur l’écran, une telle installation représentait un coût non négligeable pour les cinémas. Aujourd’hui, une salle de cinéma équipée d’un projecteur numérique de type DLP (technologie Texas Instrument) peut potentiellement projeter des films 3D Relief sans changer de matériel (si ce n’est tout de même l’installation d’un écran métallisé pour certaines solutions que nous allons voir un peu plus bas). Ces nouveaux projecteurs étant capables de diffuser 144 images par secondes, ils peuvent alterner très rapidement une image gauche et une image droite, quelque soit de système de dissociation des images utilisé par la suite.



Tirant profit de cette nouvelle configuration, trois solutions se partagent aujourd’hui la majorité du marché : Real D, Dolby – Infitec etXpand – Nuvision.

En quelques mots, la solution Real D repose sur :
- Le principe de polarisation circulaire de la lumière (version améliorée de la polarisation linéaire offrant plus de liberté de mouvement au spectateur) ;
- Des lunettes passives jetables (et qui deviennent parfois des produits dérivés à part entière lorsqu’elles sont décorées aux couleurs d’un film) ;
- L’utilisation d’un écran métallisé.

La solution Dolby – Infitec repose quant à elle sur :
- Un principe de décomposition spectrale de la lumière (une version très améliorée des filtres colorés);
- Des lunettes passives réutilisables mais très chères à fabriquer (près de cinquante couches de traitement par verre) ;
- L’utilisation d’un >B>écran mat classique tel qu’installé dans les salles de cinéma.

Et enfin, la solution Xpand – Nuvision repose sur :
- Le principe d’obturation de chaque œil en synchronisation avec le projecteur par infrarouges (tel qu’expliqué pour le système IMAX©) ;
- Des lunettes actives réutilisables ;
- L’utilisation d’un écran mat.

Si la solution Real D est aujourd’hui largement leader dans le monde avec environ 85% du marché, un système tel que Xpand-Nuvision s’avère assez attractif pour des salles déjà équipées en numériques et désireuses de s’équiper facilement pour la 3D Relief. En France, la société Volfoni s’est ainsi spécialisée dans l’équipement des salles et propose des solutions de location-vente « tout compris » (module infrarouge, lunettes, lingettes, etc.).

Terminé donc les bonnes vieilles lunettes rouge et bleu ! Le cinéma 3D Relief a fait peau neuve et les mythiques lunettes qui nous donnent l’air d’une assemblée d’illuminés sont à présent à la pointe de la technologie.

On peut néanmoins se demander si le cinéma 3D Relief de demain ne sera-t-il pas le cinéma sans lunettes ? Mais alors, où sera passé le charme de ces séances peuplées d’une foule d’inconnus acceptant d‘enfiler le même déguisement afin d’entrer ensemble dans la 3e troisième dimension ? Car qui ne s’est jamais retourné pendant un film relief juste pour voir la tête de ces spectateurs à lunettes venus d’un autre monde ?

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