TOMB RAIDER : Entretien avec le réalisateur Roar Uthaug – 2ème partie
Article Cinéma du Jeudi 05 Juillet 2018

Comment l’icône des jeux vidéo est revenue au cinéma dans un reboot musclé, au traitement plus réaliste, à découvrir ou redécouvrir en vidéo le 18 Juillet….

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment avez-vous trouvé un équilibre entre votre volonté d’ancrer le film dans la réalité, et l’obligation de rester fidèle à l’univers de Tomb Raider qui repose en grande partie sur des lieux mythiques gigantesques, des artefacts magiques dotés de grands pouvoirs et de nombreux monstres ?

Je pense que si le public croit aux personnages, à la quête qu’ils entreprennent ensemble, et au déroulement des événements, vous pouvez emmener les spectateurs et les héros à peu près partout où vous le souhaitez. Ce qui est important, c’est de franchir ce premier cap du rapport qui doit se nouer entre les spectateurs et les héros. Une fois que cette connexion est établie, on reste mentalement à leurs côtés, on croit à tout ce que l’on découvre par leurs yeux et on partage leurs réactions. Tant que la plupart des choses sont ancrées dans le réel, le reste fonctionne aussi. Mais je ne peux strictement rien vous dire de plus sur la présence ou pas d’éléments surnaturels dans le film ! (rires)

Quand on a découvert les premières images d’Angelina Jolie portant une tenue très ajustée pour incarner Lara Croft, il y a une quinzaine d’années, on a beaucoup parlé du fait qu’elle incarnait un fantasme sexuel masculin. Avez-vous songé aussi à cet aspect du personnage dans votre version ?

Pas vraiment, parce que nous avons surtout voulu représenter une jeune femme forte, indépendante, pleine de ressources, et très intelligente dans ce film, afin qu’elle soit aussi appréciée par les hommes que par les femmes. Il ne faut pas oublier que les deux premiers films étaient inspirés de l’aspect original du personnage, et du traitement graphique assez caricatural des premiers jeux. Ce n’est qu’à partir du reboot de 2013 que Lara Croft a été représentée de manière vraiment réaliste.

Connaissant la grande popularité du personnage de Lara Croft et de la saga des jeux Tomb Raider, avez-vous senti une certaine pression peser sur vos épaules en songeant aux futures réactions des fans ?

J’ai essayé de ne pas trop penser à cela et de me concentrer uniquement sur la manière de faire ce qui me semblerait être le meilleur film d’aventures possible. Je pense qu’en fin de compte, c’est certainement la sincérité de cette démarche qui aura le plus de chances de séduire les fans de Tomb Raider et de les surprendre agréablement.

Selon vous, qu’est-ce qui explique la longévité de la popularité de Lara Croft ? Le premier jeu est sorti en 1996, il y a 22 ans déjà !

Je crois qu’elle est due au fait que le personnage de Lara a créé une rupture rafraîchissante avec les clichés des héros masculins de jeux d’action qui se ressemblaient tous. Lara était l’opposé de la « demoiselle en détresse », et je pense que cela a beaucoup plu au public masculin, tout en étant bien accueilli par une nouvelle génération de filles qui se sont mises à jouer aux jeux vidéo parce qu’elles ont été intriguées par l’arrivée de cette héroïne. Lara était à la fois courageuse, athlétique, et capable de résoudre – avec l’aide du joueur bien sûr – des énigmes complexes en trois dimensions avec des passages secrets à ouvrir, des labyrinthes à franchir, des pièges à éviter, etc. Je crois que tout le monde aime voir une jeune femme intelligente et forte se tirer de situations périlleuses, et c’est aussi vrai aujourd’hui qu’en 1996.

Diriez-vous que cette version de Lara est plus moderne que la précédente ?

Je pense qu’elle est plus en phase avec notre sensibilité contemporaine, oui. Notamment grâce à ce que Alicia apporte au rôle.

Comment avez-vous préparé les principales scènes d’action ? Avez-vous commencé par les écrire en détail avec les deux scénaristes ?

Oui, j’avais commencé à les imaginer et à les décrire dans les grandes lignes dans le scénario, puis je les ai vraiment mises en forme et définies plus précisément en collaborant avec les superviseurs des effets spéciaux de plateau et les coordinateurs des cascades. Une fois que tout cela a été fait, je suis passé au travail avec des artistes storyboardeurs pour préparer les cadrages, les angles de prises de vues et les mouvements de caméra.

Avez-vous conçu chaque séquence d’action comme un mini-film en trois actes, afin d’injecter du suspense et des rebondissements ?

C’était l’idée, car quand on veut donner aux spectateurs l’impression d’être embarqués dans une montagne russe, il faut planifier des hauts et des bas ! (rires) Et il faut aussi que l’histoire continue à avancer pendant ces scènes d’action et qu’on découvre les obstacles au travers des yeux de Lara, en ayant peur pour elle.

Quel est le regard que vous portez sur les effets visuels d’aujourd’hui ? Pensez-vous que l’on a un peu trop tendance à recourir systématiquement aux trucages numériques et à la 3D ? Est-ce pour cela que vous avez tenu à utiliser le plus de trucages en direct possible dans ce film ?

Je crois que cela dépend vraiment du type de film que vous faites. Dans le cas de Tomb Raider, nous voulions obtenir des images d’action réalistes jusque dans les moindres détails des textures de rouille, de poussière et de boue, afin de convaincre les spectateurs que tout ce qu’ils voient se dérouler sur l’écran a réellement eu lieu. Et c’est la raison pour laquelle j’ai tenu a filmer un maximum de choses directement pendant les prises de vues, ce qui a contraint Alicia à faire beaucoup d’efforts physiques, et qui a compliqué le travail des équipes des effets spéciaux et des coordinateurs de cascades. Mais le résultat est là, et les images sont convaincantes grâce à cela.

Une séquence du premier film avec Angelina Jolie avait été tournée dans le temple d’Angkor Vat, et avait eu un gros impact sur l’augmentation du tourisme au Cambodge. Pensez-vous que certaines scènes de votre film produiront le même effet ?

Ce sera différent dans notre cas, puisqu’une bonne partie de l’action se déroule sur une île imaginaire…Les touristes auront du mal à se rendre sur place ! (rires)

A titre personnel, éprouvez-vous autant de plaisir à créer des personnages originaux qu’à mettre en scène un personnage célèbre et déjà établi comme Lara Croft ?

Je crois que nous avons créé une nouvelle Lara Croft dans ce film, qui surprendra beaucoup de gens, de bien des manières !

Comment le tournage en Afrique du Sud s’est-il déroulé ? A-t-il été compliqué pour vous ?

Pas autant que pour les acteurs ! J’avais le privilège de rester sec pendant le tournage, alors qu’ils devaient jouer dans l’eau froide, ou être arrosés régulièrement par des lances à incendie ! (rires) Pour revenir à l’Afrique du Sud, je tiens à dire qu’ils ont d’excellentes ressources sur place pour accueillir des tournages : des infrastructures bien équipées, de magnifiques paysages ainsi que d’excellentes équipes techniques et artistiques. Mais il y fait parfois très froid. Nous avons été obligés de construire un réservoir d’eau près de la plage où l’on voit Lara Croft être poussée par les vagues jusqu’au rivage. Nous devions tourner cette scène de nuit, et comme le vent a tendance à souffler fort le soir, Alicia était à la fois trempée et glacée par ces rafales très violentes. Elle a fait preuve de beaucoup de courage et d’endurance dans cette scène, et dans bien d’autres aussi.

Et pour vous en tant que réalisateur, quelles ont été les scènes les plus difficiles à diriger pendant ce tournage en Afrique du Sud ?

Je dirais qu’il s’agit de celles que nous avons filmées avec le bateau qui était placé sur un gimbal géant, une plateforme hydraulique qui le faisait bouger comme s’il était pris dans une tempête. Comme il y avait des ventilateurs géants tout autour, des réservoirs d’eau pour projeter des paquets d’eau sur le pont, et que tout était en mouvement, je pense que vous pouvez aisément imaginer pourquoi diriger les déplacements des acteurs, le déroulement de la scène et les cadrages de l’action en même temps était extrêmement compliqué. A chaque fois que la caméra devait se déplacer autour de ces dispositifs, il fallait d’abord s’assurer que rien ne risquerait de provoquer un accident, et ces mesures de sécurité indispensables ralentissaient le rythme du tournage. Comme je suis assez impatient sur un plateau, c’était parfois difficile d’attendre que tout soit prêt pour avancer et tourner la prise suivante.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans les manières américaines de produire et de tourner un film ? Quelles sont les plus grandes différences avec ce que vous avez connu en Norvège ?

Ce n’est pas totalement différent, car beaucoup de choses restent les mêmes : créer les performances entre les personnages, mettre en scène des moments intéressants, dialoguer avec les acteurs, etc. Ce qui change, par contre, ce sont les ressources techniques que l’on met à votre disposition en tant que réalisateur. Vous pouvez demander tous les « jouets » que vous voulez – les grues téléscopiques, les caméras accrochées sur câbles, les vues aériennes, les techniques les plus sophistiquées – et les appliquer à des prises de vues de très grande ampleur.

Vous avez parlé du réalisme que vous avez donné au traitement du film, mais on imagine que vous y avez injecté aussi de l’humour ?

Oui, nous y avons veillé pendant l’écriture. Et comme Nick Frost, qui a formé un formidable duo comique avec son ami Simon Pegg dans des films comme Shawn of the Dead, Hot Fuzz et Paul, fait partie de notre distribution, il a ajouté lui aussi des réparties amusantes. Il détendait beaucoup l’ambiance sur le plateau et c’était très agréable de travailler avec lui. De la même manière que l’on avait besoin de hauts et de bas dans ce « trajet en rollercoaster », il fallait aussi alterner les scènes sérieuses ou dramatiques avec des moments plus légers.

La suite de cet entretien sera publiée prochainement sur ESI ! Bookmark and Share


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