Jurassic Park : A la recherche des dessins animés perdus
Article TV du Lundi 03 Aout 2020

A l'approche de la diffusion du premier dessin animé tiré de la licence Jurassic Park, Camp Cretaceous, sur Netflix en septembre, nous vous proposons de revenir sur les deux projets envisagés dans les années 1990. Retour sur des aventures qui furent fossilisées avant même de voir le jour…

Pierre-Eric Salard

Il aura fallu attendre 23 ans après la sortie du film original, et un an après celle de Jurassic World, pour découvrir les tout premiers dessins animés Jurassic Park. Les deux courts-métrages LEGO Jurassic World, dévoilés fin 2016, faisaient partie d’une opération marketing menée par les sociétés Lego, Universal Partnerships et Amblin Entertainment. Depuis une vingtaine d’années, le fabricant de jouets danois décline les franchises les plus illustres sous forme de jouets, jeux vidéo et dessins animés (voire des longs-métrages) destinés aux fans de 7 à 77 ans. Star Wars eut droit à ce traitement, ainsi que Batman, parmi tant d’autres. Des figurines Lego et un jeu vidéo (développé par Traveller’s Tales) accompagnent ainsi l’exploitation en salle du quatrième opus de la saga. En octobre 2016, cinq courts épisodes d’une minisérie, Lego Jurassic World : The Indominus Escape, sont successivement dévoilés sur YouTube, avant d’être regroupés dans un film d’animation de 24 minutes (proposé en bonus dans certaines éditions DVD de Jurassic World). The Indominus Escape étant une préquelle au film, ce court-métrage raconte une aventure vécue par les protagonistes du film (auxquels plusieurs acteurs du film prêtent leur voix) avant l’incident qui ruinera le parc d’attractions. L’humour de l’univers Lego étant de mise, le monstrueux dinosaure hybride, l’Indominus Rex, est ici particulièrement amateur de hot-dogs. Ultérieurement, un court-métrage du même acabit, Lego Jurassic World : Employee Safety video, fut proposé aux aficionados les plus endurcis. Majoritairement conspués, ces courts-métrages sont pourtant les uniques œuvres d’animation tirées de la franchise. Une situation qui aurait pu être différente, puisque bien avant la sortie du Monde perdu : Jurassic Park en 1997, une suite directe au film original fut envisagée sous forme de dessin animé…



Retour sur le front

Au début du mois de juin 1993, Jurassic Park obtient un succès phénoménal auprès du grand public. Ce qui devait être une «simple» adaptation du roman de Michael crichton devient un phénomène de société. Un tel triomphe ne pouvait pas être laissé à l’abandon. Or avant même la sortie du film, les dirigeants d’Universal Pictures et d’Amblin Entertainment avaient déjà commencé à envisager la suite… mais pas – pour l’instant — sous forme de long-métrage ! Mi-juin, dans les colonnes du San Bernardino County Sun, Jeff Segal, Président des Universal Cartoon Studios, s’épanche sur un projet de série d’animation annoncée comme étant la plus coûteuse de l’histoire. L’ambition n’ayant aucune limite, le cadre ajoute que ce dessin animé «très sophistiqué» sera produit en images de synthèse. Remettons cette annonce dans son contexte : les dinosaures de Jurassic Park sont les premières créatures photoréalistes réalisées en images de synthèse. Le premier court-métrage d’animation 3D, The Adventures of André & Wally B, produit par une équipe du Lucasfilm Computer Division qui formera Pixar, n’a que neuf ans. Toy Story ne sortira que deux ans plus tard, et le studio français Fantôme ne proposera la première série d’animation 3D de l’histoire, Insektors, que l’année suivante. Autant dire qu’Universal se lance dans un projet en avance sur son temps. Encore faut-il obtenir l’approbation de Steven Spielberg, particulièrement occupé par le montage et la postproduction de La Liste de Schindler. En juin 1993, le cinéaste n’a pas encore pris le temps de juger les premiers travaux de préproduction de la série. Jeff Segal, lui, envisage une série à succès, qui viserait «le même public que celui du film. Pas spécifiquement les jeunes enfants, même si nous espérons qu’ils seront séduits, mais un public bien plus large». Une diffusion en prime time, sur le défunt réseau Fox Children’s Network, est même évoquée. Amblin et Steven Spielberg partagent alors une relation privilégiée avec la chaîne de télévision, qui diffusait plusieurs séries d’animation produites par le réalisateur et Warner Bros Animation. Dont les Tiny Toons (Steven Spielberg Presents Tiny toons Adventures) et les Animaniacs (Steven Spielberg Presents Animaniacs). La première fut exploitée de 1990 à 1992 ; la seconde de 1993 à 1998 (sans compter un film destiné au marché de la vidéo et faisant office de conclusion aux 99 épisodes, en 1999). Notons d’ailleurs que de nouvelles saisons seront diffusées sur Hulu (aux États-Unis) à partir de 2020. Mais le dessin animé Jurassic Park s’avère bien plus ambitieux. Même si, en réalité, l’idée consistait vraisemblablement à intégrer des dinosaures 3D dans une série majoritaire dessinée et animée «traditionnellement», en 2D. Universal Cartoon Studios confie le développement du design de la série à l’illustrateur William Stout, spécialisé dans l’art paléontologique. L’un des ouvrages qu’il a illustrés a ainsi inspiré le long-métrage d’animation Le Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles, réalisé par Don Bluth en 1988. Il a également œuvré sur la série «Buck Rogers» (1979), Les Aventuriers de l’Arche perdue, Conan le Barbare ou encore Les Maîtres de l’univers (puis Men in Black et Le Labyrinthe de Pan). Ses dessins auraient même inspiré Michael Crichton lors de l’écriture de Jurassic Park. William Stout désire respecter la direction artistique du film de Steven Spielberg. «Ils voulaient que cette série, diffusée à une heure de grande écoute, adopte un ton adulte, avec la collaboration des meilleurs scénaristes», ajoutait-il. «Nous aurions disposé d’une animation à la pointe de la technologie, et augmentée par un peu d’images de synthèse. Universal Cartoon Studios souhaitait un look de roman graphique. Je suis entré, j’ai montré mon portfolio et j’ai été embauché».

Comme un avant-goût des suites

Un premier traitement pour une saison en 23 épisodes est écrit. «Le récit débuterait essentiellement là où le film se termine, et poursuivrait l’histoire d’une manière particulièrement dramatique», précisait le Président des Universal Cartoon Studios. «L’intention est de continuer avec les principaux protagonistes, et d’introduire de nouveaux personnages». Si chaque épisode était censé raconter une histoire complète, des arcs narratifs auraient parcouru plusieurs aventures, afin de présenter des récits relativement longs. Un procédé devenu courant en cet âge d’or de la série télévisée, mais relativement rare il y a un quart de siècle – et plus particulièrement sous forme de série d’animation. L’intrigue aurait effectivement débuté là où le film s’est terminé : dans l’hélicoptère transportant les rescapés. Une fois que les principaux personnages se sont remis de la tragédie, John Hammond les convainc de retourner sur Isla Nublar afin de – soi-disant – sauver les animaux préhistoriques abandonnés sur l’île. Une douzaine d’épisodes, émaillés de diverses mésaventures, seront nécessaires pour réussir à ramener les dinosaures dans leurs enclos respectifs. Mais la société Biosyn, qui avait précédemment soudoyé l’informaticien Dennis Nedry, n’en a pas terminé avec InGen. Ses agents s’emparent de quelques spécimens dans l’objectif d’ouvrir un parc d’attractions concurrent, Dinoworld, au Brésil. Évidemment, la situation dérape. Les dinosaures s’échappent avant d’attaquer les populations locales, qui les prennent pour des «monstres». Pour la première fois de l’Histoire, les dinosaures se retrouvent donc en liberté dans la jungle, au milieu de la civilisation humaine. Et si rien n’est fait, ils s’adapteront à cet écosystème. Et ne tarderont pas à repeupler l’ensemble du globe, ce qui engendrerait le chaos et la fin du règne des Hommes ! Alarmées, les autorités brésiliennes demandent l’aide de l’équipe de Jurassic Park. Afin d’éviter une réponse militaire de l’ONU, Alan Grant et ses amis récupèrent les créatures une à une, avant de les renvoyer sur Isla Nublar. Or les rumeurs attirent en Amérique du Sud des curieux : journalistes, aventuriers et chasseurs désirant accumuler des trophées. Sans oublier les contrebandiers, qui enlèvent des dinosaures pour mieux les revendre à travers le monde. Une fois que la situation est stabilisée, John Hammond invite, dans l’ultime épisode de cette saison, les médias pour une annonce spectaculaire : l’ouverture de Jurassic Park ! L’humanité apprend ainsi que les dinosaures ont été ressuscités. Indignés, Alan Grant, Ellie Sattler et Ian Malcolm ne décolèrent pas d’avoir été trompé par le vieil homme d’affaires. Qui, lui, a l’impression d’offrir un cadeau à l’humanité. «Bienvenue à Jurassic Park !», proclame-t-il ainsi dans les ultimes secondes de la saison. Si aucun épisode ne fut produit, une bande-annonce fut toutefois réalisée pour «communiquer le look et l’ambiance de la série», se souvient William Stout. Il s’agissait aussi de montrer comment les images de synthèse pouvaient se marier avec l’animation traditionnelle. Selon l’illustrateur, Steven Spielberg n’aurait jamais visionné ce travail de préproduction. «À ce que j’ai compris, il était ennuyé par tout le merchandising et la promotion autour du film». Il est également possible que la perspective de produire une suite au cinéma, quelques années plus tard, ait pris le pas sur ce projet. «Nous en avons effectivement discuté de cette série», déclarait la présidente de Fox Children’s Network, Margaret Loesch, auprès de The Indiana Star en juillet 1993. «Pour l’instant, et pour au moins un certain temps, il n’y aura pas de Jurassic Park en animation. C’est une décision de Spielberg, et nous la respectons». Ainsi disparut la première véritable suite à Jurassic Park, dont une bande-annonce repose quelque part dans les archives d’un studio.

Les maux de la fin

En 1997, à l’occasion de la sortie du Monde perdu, la préproduction d’un second dessin animé, Jurassic Park : Chaos Effect, est initiée. Cette fois-ci, l’objectif est d’accompagner l’exploitation commerciale d’une gamme de jouets produite par Kenner et distribuée par Hasbro. L’intrigue se serait déroulée quelques années après l’incident de San Diego, présenté dans le dernier acte du film. Des scientifiques seraient retournés sur Isla Nublar afin de recréer des dinosaures. Mais plutôt que de mêler l’ADN des dinosaures à celui d’une grenouille, ils décident de le mixer avec le génome d’une pléthore d’animaux (contemporains comme préhistoriques). Ce qui provoque l’apparition de créatures hybrides, monstrueuses et agressives. Soit l’indominus Rex de Jurassic world avec dix-huit ans d’avance. Une partie de la gamme de jouets (arborant des couleurs généralement hideuses) sera distribuée durant l’été 1998, mais le dessin animé – pourtant annoncé pour mars 1998 — n’a jamais vu le jour. Le concept s’avérant particulièrement impopulaire, toutes les figurines prévues ne seront pas non plus commercialisées. Pour finir, évoquons une rumeur tenace faisant état d’un projet de dessin animé tiré de Jurassic World, en 2015. Une idée qui aurait été rapidement balayée lorsque la production de Fallen Kingdom obtint le feu vert. Il aura ainsi fallu attendre le 18 septembre 2020 pour que cette licence épouse l'animation (3D)...



Sources : : Willamstout.com/JurassicOutpost.com/Jptoys.com Bookmark and Share


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