LE FANTÔME DE L'OPÉRA, un roman fantastique
Article Cinéma du Jeudi 04 Octobre 2018

Aujourd'hui, ESI vous fait découvrir, à travers ce dossier, l'adaptation au cinéma du roman de Gaston Leroux, par les Studios Universal en 1925. Un roman dont les racines sont ancrées dans le réel, mais qui réussit à s'en échapper par sa singularité et son invention. Un roman français, qui Outre-Atlantique sera aussi connu que par chez nous !

par Nicolas Jonquères

Le Palais Garnier : 1 lieu propice aux légendes





La construction du Palais Garnier ne fut pas de tout repos. Charles Garnier, fut choisi sur concours par Napoléon III, pour la construction d'un nouvel Opéra. Ce fut le premier projet d'envergure de Charles Garnier. Le terrain, impropre à une construction de ce genre, est imposé par le baron Haussman. Le chantier doit s'arrêter assez vite : en creusant les ouvriers ont atteint la nappe phréatique, provoquant l'inondation du site. On doit former un cuvelage en béton, qui permettra au bâtiment de rester stable sur le terrain tout en récoltant les eaux de pluie ! Ce bassin en béton rempli d'eau existe toujours aujourd'hui dans les sous-sols du Palais.

Presque 15 ans furent nécessaire à sa construction ! De 1861 à l'inauguration par le Président Mac-Mahon en 1875, avec les interruptions de travaux dues à la guerre (guerre Franco-Allemande de 1970), aux augmentations de budget et au changement de régime politique ! L'Opéra de Paris, se devait d'intégrer les dernières technologies, dont l’électricité ! Cependant, à l'ouverture du théâtre, seuls les éclairages de scène sont électriques, le reste est encore éclairé au gaz. Le lustre qui trône au-dessus de la salle de spectacle mesure 8 mètres et pèse plus de 8 tonnes. Il comporte 320 ampoules électriques. En 1896, lors d'une représentation, un contrepoids du lustre chute, traverse le plafond de la salle et les planchers de loges inoccupées pour terminer sa course sur les places 11 et 13 des quatrièmes loges, faisant une victime : une dame d'origine modeste et passionnée d'Opéra, qui meurt sur le coup.

Tous les événements liés à la construction et aux débuts du Palais Garnier font les choux gras de la presse et un journaliste s'y intéresse particulièrement, un certain Gaston Leroux !



Le roman de Gaston Leroux : quand le Fantastique met son grain de sel



Gaston Leroux naît en 1868, mais grandit en Normandie. Il commence comme chroniqueur judiciaire au Matin. A partir de 1901, il est Grand Reporter et parcours la France et le monde. Parallèlement à sa carrière journalistique, il publie des nouvelles et des romans, sous forme de feuilleton dans différents journaux. Son second roman Le MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE est publié en feuilleton dans L'illustration et repris en volume chez Pierre Lafitte et Cie. C'est en 1910 que paraît dans Le Gaulois, un feuilleton intitulé Le FANTÔME DE L'OPÉRA.

Dans ce roman fantastique, les nouveaux directeurs de l'opéra se rendent compte qu'un mystérieux Fantôme hante le Palais Garnier. Une loge lui est réservée, et une somme doit lui être versée tous les mois ! Des événements étranges se produisent, comme la chute du lustre, un machiniste retrouvé pendu... Raoul de Chagny, Vicomte de son état, est amoureux de Christine Daaé, une jeune chanteuse orpheline de l'Opéra. Malheureusement, le fantôme l'est aussi et kidnappe la jeune femme ! Raoul, avec l'aide du Persan, partiront à sa recherche dans les dédales souterrains, repaire du Fantôme. Le Fantôme, justement, un homme bien-vivant, reclus du monde aux confins du lac souterrain sous le Palais, se nomme Érik. Son visage est hideux, il ne vit que pour la musique et compte bien composer une œuvre lyrique pour sa muse Christine Daaé. Ancien prestidigitateur, il use de tous les artifices pour convaincre Christine Daaé qu'il est l'ange de la musique, notamment en lui faisant entendre sa voix dans sa loge. Ou pour se débarrasser de ses ennemis, la chambre des supplices, où un jeu de miroir (dans le style du palais des mirages du musée Grévin) permet de donner différentes ambiances à la pièce et de torturer les invités, grâce à système de chauffage électrique qui réchauffe les murs, jusqu'à rendre l'ambiance pesante et étouffante !

Gaston Leroux reprend des éléments réels et les adapte dans son récit pour créer une ambiance qui sert son roman. Le lac souterrain, c'est le cuvelage en béton, dont nous avons parlé plus haut. Et la chute du chandelier est un échos de la chute du contrepoid.



Une adaptation par Universal



Le FANTÔME DE L'OPÉRA est traduit en Anglais en 1911 et édité par Bobs Merill Compagny aux USA. C'est à cet époque qu'Irving Grant Thalberg, alors âgé d'une dizaine d'années, lit le roman. A cette époque, le jeune garçon est alité, et nourrit une fascination pour les héros de roman qui arrivent à surmonter leur handicap ou sont mis au ban de la société, pour leur folie. Le cinéma muet est également attiré par cette histoire fantastique, et en 1915, une adaptation non-autorisée voit le jour : THE PHANTOM OF THE VIOLIN, déjà produit par les studios Universal.





C'est en 1922 que Thalberg, devenu le bras droit du fondateur des Studios Universal, engage un comédien talentueux pour interpréter le rôle de Quasimodo dans une adaptation de NOTRE-DAME DE PARIS, de Victor Hugo. Le film sort un an plus tard, et consacre son interprète : Lon Chaney ! Thalberg désire continuer à collaborer avec Chaney, et met sur les rails une adaptation du FANTÔME DE L'OPERA. Le premier traitement est prêt à peine 1 mois après la première de THE HUNCHBACK OF NOTRE DAME. Les films précédemment produits dans l'histoire du cinéma dont les auteurs peuvent s'inspirer sont NOSFERATU (1922) de Murnau et FRANKENSTEIN (1910) produit par les studios Édison. Malheureusement, ce traitement est jugé trop morbide par les responsables du studio et peu crédible pour des spectateurs modernes.



Pendant l'année qui suit, le projet est mit en sommeil. Universal est marqué par le départ de Thalberg. Carl Laemmle, le fondateur du studio, désire poursuivre la collaboration avec Chaney, mais jette son dévolu sur L'HOMME QUI RIT, de Victor Hugo. Cependant Universal échoue à sécuriser les droits d'adaptation du roman, et Carl Laemmle, met donc en chantier l'adaptation de LE FANTÔME DE L'OPÉRA. Film qui sera le premier (avec LE BOSSU DE NOTRE DAME) d'une longue lignée de film de monstres Universal.



Sources :
The Making of THE PHANTOM OF THE OPERA, par Philip J. Riley Magic Images Filmbooks (1999), Lon Chaney : A Thousand Faces par Kevin Brownlow Photoplay Productions Bookmark and Share


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