ALITA : BATTLE ANGEL - Entretien avec Christoph Waltz (Le Docteur Ido) - 1ère partie
Article Cinéma du Vendredi 15 Fevrier 2019
Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet de film et dans la perspective d’incarner le Docteur Ido ? Quelles opportunités y avez-vous trouvées en tant qu’acteur ?
Je ne suis pas un expert en techniques digitales et jusqu’à présent, je n’avais jamais eu l’occasion de jouer dans un film qui utilise des effets visuels aussi sophistiqués pour raconter une histoire. C’était le premier point qui m’intéressait. Je voulais faire l’expérience de ces nouvelles méthodes narratives et de ces technologies très avancées. Mais d’abord et avant tout, j’ai été séduit par ALITA parce qu’il s’agit d’une histoire formidable. Et comme tous les grands récits, on peut l’aborder sous beaucoup d’angles différents en découvrant à chaque fois de nouveaux éléments de réflexion et d’autres thèmes passionnants et bien traités dans le script. Le récit avance constamment, de manière toujours fluide, rapide et captivante. Quand je vous disais précédemment que l’on peut considérer l’histoire d’ALITA de différentes manières, je veux dire que l’on peut la recevoir comme une oeuvre de science-fiction qui vous incite à réfléchir, comme une critique sociale, comme un regard politique sur notre société actuelle, comme un divertissement qui vous permettra de passer une bonne soirée au cinéma avec votre compagne, comme un drame psychologique, ou comme un film à grand spectacle reposant sur des effets visuels absolument incroyables… Bref, ALITA contient tout ce que vous pourriez souhaiter y trouver en tant que spectateur. Maintenant, pour revenir à votre question concernant mon point de vue personnel en tant qu’acteur, je dois dire que je n’ai pas eu l’occasion de jouer beaucoup de rôles de mentors jusqu’à présent, et que les différents niveaux de complexité et de subtilités de ce projet le rendaient vraiment très attirant à mes yeux. J’ai eu le sentiment que je pourrais y contribuer de manière intéressante dès ma première lecture du scénario, et cette impression s’est renforcée par la suite lors de mes conversations avec Robert Rodriguez, Jon Landau et James Cameron. Toute l’organisation et la conception du film s’est effectuée d’une manière remarquablement fluide et cohérente. Je dois vous avouer que je n’ai pas vécu souvent une telle expérience au cours de ma carrière ! Qu’aurais-je pu attendre de plus d’une offre de travail que toutes ces conditions réunies autour de la création d’un seul projet ? Ma réponse ne pouvait être que oui.
Alita va découvrir des aspects obscurs et dangereux de son passé au cours de ses recherches, et bien entendu, Ido veut la protéger afin de lui éviter d’être blessée ou tuée. Vous êtes-vous servi de votre propre expérience de père de deux filles quand vous avez eu à interpréter ces scènes qui traitent des sentiments contradictoires que l’on éprouve quand on doit laisser sa progéniture vivre librement ses propres expériences, et prendre ses propres risques ?
Oui bien sûr. Quand on aborde ces thèmes dans un rôle, il est inévitable que l’on soit inspiré, ou plutôt influencé, formaté, par ses propres expériences émotionnelles. C’est ainsi qu’un système nerveux humain fonctionne : on se sert d’exemples particuliers similaires pour appréhender une situation générale. Votre vécu est probablement la meilleure base, le meilleur point de départ pour aborder ces scènes avant de les jouer. Vous vous inspirez de ce que vous faites en tant que père dans le monde réel, afin de le reproduire de manière plus condensée en tant qu’acteur sur un plateau de cinéma.
Pouvez-vous parler de l’entraînement physique que vous avez dû suivre pour vous préparer à tourner les scènes où l’on voit Ido agir en tant que chasseur de primes ? Apprendre à manipuler cet énorme marteau pointu a dû être une tâche passablement compliquée…
Oui, il faut en passer par là pour arriver à faire ce qui est nécessaire pour interpréter un personnage. Il faut apprendre à bouger ainsi, à manipuler cet accessoire très particulier, et il faut répéter longtemps et souvent. Mais c’est la même chose que pour tous les autres rôles : apprendre à manipuler cet énorme marteau pointu n’est pas fondamentalement différent d’autres choses que j’ai dû faire pour me préparer à un tournage, comme apprendre à jouer du violon, par exemple.
Vous êtes-vous entraîné avec le coordinateur des cascades ?
Oui, car c’est la procédure habituelle. Je me suis familiarisé avec la manipulation du marteau, puis avec la gestuelle des scènes. La suite est simple : vous obéissez scrupuleusement aux indications que vous donne une personne qui connaît ce sujet infiniment mieux que vous ! Après, tout ce qu’il vous reste à faire, c’est de vous entraîner jusqu’au point où ce que vous parvenez à accomplir devant les caméras semble être utilisable dans la continuité de la narration visuelle du film.
A quel point jouer dans ALITA était-il différent de vos expériences habituelles de tournage ? Le procédé de capture de performance qui était utilisé sur Rosa Salazar vous posait-il parfois des petits problèmes quand vous étiez en train de jouer face à elle ?
Non, pas vraiment des problèmes, mais je dirais que cela détournait parfois un peu mon attention entre deux prises parce que je suis curieux de nature et que j’avais envie d’en apprendre plus sur ce sujet que je connaissais très mal. J’allais souvent voir les techniciens pour leur demander de m’expliquer ce qu’ils étaient en train de faire, comment ils y parvenaient, et aussi de me montrer comment cela fonctionnait concrètement. Mais à part cela, j’ai pu jouer comme je le souhaitais. En termes d’éthique de travail, et de ce que j’ai à faire pour arriver à un niveau de performance dont je peux être satisfait, je parviens toujours à rester suffisamment concentré et fixé sur mes propres objectifs pour réussir à les atteindre. Cela ne signifie pas pour autant que je suis difficile à diriger, ni que je ne suis pas réceptif à ce que l’on peut m’indiquer pour m’inspirer pendant que je joue, mais je veux dire qu’en fin de compte, c’est toujours moi qui fait le choix final. En pur termes de jeu, je crois pouvoir affirmer que je suis plutôt résistant à tout ce qui pourrait nuire à ma concentration.
Était-ce parfois difficile de visualiser dans votre esprit ce qu’une scène donnerait, une fois finalisée avec les extensions de décors et les personnages 3D ? Aviez-vous quelquefois besoin de visionner des animatiques ou les storyboards d’une séquence complexe avant de la jouer ?
Non, je n’ai pas besoin de cela. Je fais entièrement confiance au réalisateur quand je me retrouve dans ce genre de situations, parce qu’il sait exactement ce qu’il fait, et qu’il a passé des mois à se préparer et à concevoir son film. Parfois, si j’ai l’impression qu’un réalisateur hésite, et qu’il ne me donne pas des indications suffisamment précises, il peut m’arriver d’avoir recours à des éléments techniques comme ceux dont vous parlez afin que ma performance soit la plus utile possible dans le contexte de ce film. Dans d’autres occasions, on peut aussi avoir envie de mieux comprendre comment l’intégralité d’une séquence a été conçue, afin de contribuer par son jeu à rendre les transitions d’un plan à l’autre plus fluides… Mais cela n’a jamais été le cas pendant le tournage d’ALITA car Robert savait parfaitement comment faire toutes ces choses. Nous n’avions qu’à jouer les scènes et il s’occupait merveilleusement bien du reste, exactement comme cela devrait toujours se passer pendant un tournage.
La seconde moitié de notre dossier sera bientôt assemblée à la première sur ESI.