GODZILLA SUPERSTAR
Article Cinéma du Jeudi 18 Avril 2019

Après GODZILLA et KONG : SKULL ISLAND, les gigantesques Kaijus seront bientôt de retour dans GODZILLA II, ROI DES MONSTRES (sortie France le 29 Mai). Mais connaissez-vous les liens qui existent entre ces monstres colossaux et l’histoire récente, la culture et les religions du Japon ? ESI vous le raconte.

Par Pascal Pinteau



Les origines des Kaijus

Dans la culture populaire, un Kaiju est un monstre géant. Il peut être bon ou méchant, protèger le Japon ou tout détruire sur son passage comme un tremblement de terre. Les Kaijus (« bêtes étranges » en japonais) apparaissaient déjà dans les anciennes légendes du pays, et dans la religion shinto qui considère que des forces de la nature, des animaux ou des hommes célèbres peuvent être des dieux. Ces divinités s'appellent " kami" et le Japon, surnommé, "le pays des divinités" abriterait 800 millions de kami. Les Kaijus sont des kami modernes, mais de taille XXXXL !

Leurs débuts au cinéma

Le premier film de Kaiju, GODZILLA est sorti en 1954, et n’est pas un hasard : les bombardements atomiques américains sur Hiroshima et Nagasaki n’ont eu lieu que 9 ans plus tôt, les 6 et 9 août 1945, et les conséquences de ce cauchemar hantent tous les japonais. Quand Godzilla apparaît dans le film, il symbolise l’apocalypse nucléaire en détruisant les grandes villes, mais aussi la nature qui se venge des hommes. Il permet au public japonais de frissonner en toute sécurité au cinéma pour surmonter grâce à la fiction un traumatisme bien réel.

Godzilla, le personnage japonais le plus célèbre depuis 65 ans

Pourquoi Godzilla est-il aussi populaire dans son pays d’origine, et célèbre aussi dans le monde entier ? Soyons bref : Godzilla, c’est le Japon ! Et une fierté nationale. Après avoir été un vilain destructeur dans le premier film, il est devenu le défenseur suprême du pays contre les monstres, les extraterrestres belliqueux et les savants fous, et a fasciné ensuite toute la planète. D’ailleurs, chez les anciens guerriers samouraïs, le dragon symbolisait déjà l’énergie, le pouvoir de lutte contre le mal ainsi que la volonté de protéger les personnes. Quand Godzilla le Kaiju-samourai a fini de se battre, les spectateurs sont ravis de le voir regagner l’île qui a été mise à sa disposition pour qu’il y vive en paix. Dans le premier film, on raconte justement que ce descendant des tyrannosaures vivait caché sur une île. Au lieu de le tuer, les radiations atomiques l’ont transformé en dino mutant quasi-invincible. C’est une autre ressemblance avec le destin du Japon : comme lui Godzilla a survécu aux explosions nucléaires de 1945, s’est développé et en est ressorti plus fort.

Une nouvelle mythologie issue de l’atome

Godzilla est un dragon atomique. Parce qu’il est issu de la radioactivité, il ne crache pas des flammes, mais projette le « feu nucléaire » qui continue à brûler dans sa poitrine incandescente. La culture japonaise est fortement liée aux dragons, mais alors que dans nos légendes d’Europe ces monstres sont décrits comme d’horribles dévoreurs de princesses, les familles nippones, elles, racontent à leurs enfants des récits de dragons bienveillants et intelligents, ayant pris forme humaine pour fonder les familles de la noblesse. Au Japon, être un dragon, c’est chic et bien vu.



Des histoires inspirées des problèmes contemporains

Comme les films de Kaijus plaisent aux spectateurs de tous âges, les scénaristes et les réalisateurs choisissent des thèmes qui incitent à réfléchir, comme celui de la pollution industrielle, dont le Japon souffre souvent. Dans les années 60, des enfants sont nés difformes dans le village de pêcheurs de Minamata. Leurs parents avaient mangé des poissons contaminés par le mercure rejeté en mer par une usine chimique. Dans le film GODZILLA CONTRE HEDORAH (1971), une forme de vie arrive sur terre et se nourrit de la pollution. Elle se transforme en un monstre marin géant, Hedorah, qui secrète de l’acide et empoisonne tout ce qu’il touche. Heureusement, Godzilla aide les humains à s’en débarrasser. Le réalisateur a fait de son film un message anti-pollution après avoir été frappé par le drame de Minamata et par la visite d’une plage polluée jonchée de déchets. Quand Godzilla anéantit Hedorah, c’est la nature qui se bat pour sa survie ! Autre exemple : dans GODZILLA CONTRE BIOLLANTE (1989) notre mega-héros se bat contre une plante OGM, et tenez-vous bien, c’est une rose colossale issue de manipulations génétiques, avec des épines et une tête de dinosaure ! Plus récemment, dans le premier GODZILLA de cette nouvelle série américaine, réalisé par Gareth Edwards en 2014, on est revenu aux origines nucléaires de la créature en évoquant aussi la catastrophe qui a eu lieu en 2011 dans la centrale nucléaire de Fukushima, ravagée par un tsunami.

Godzilla ambassadeur de l’imaginaire japonais

Dès les années 60, Godzilla a été un formidable ambassadeur de son pays. Grâce au succès planétaire de ses aventures (32 films produits par les studios Toho depuis 1954 !) des millions de spectateurs qui n’avaient jamais vu un film japonais avant ont découvert un pays qui avait su se moderniser et miser sur la science. D’ailleurs, il y a toujours un brillant savant japonais parmi les héros de ces films. Un Kaiju surgit, et hop, le génie scientifique de garde ce jour-là invente une nouvelle arme incroyable pour le combattre ! Dans la réalité aussi les japonais ont fait fort en vendant leurs inventions high tech dans le monde entier : les petites radios à transistors dans les années 50, les calculatrices électroniques de poche dans les années 70, les magnétoscopes VHS, le Walkman et le CD dans le années 80, le DVD dans les années 90, puis le Blu-Ray, etc.

Les robots, personnages récurrents des aventures de Godzilla

Depuis longtemps, le gouvernement japonais aide financièrement l’industrie et les grands laboratoires de recherches à développer les robots de demain. Le Japon veut devenir le premier fabricant au monde de robots domestiques qui pourront assister les personnes âgées, les malades, et effectuer des tâches pénibles ou dangereuses. Les robots interviennent donc aussi dans les films de Kaijus. Pour combattre ces monstres de chair et d’os, des savants bien intentionnés - ou fous, selon les cas – en construisent des répliques mécaniques : dans Godzilla Contre Mechagodzilla , le dragon de métal a des missiles en guise de doigts, et une série de gadgets qui font passer un mauvais quart d’heure à Godzilla, tout comme le dragon cyborg à trois têtes qu’il affronte dans Godzilla Contre King Ghidorah !



Des experts en démolition

Le point commun à tous les films de Kaijus, c’est le spectacle des villes dont des centaines de bâtiments sont ratatinés ! Godzilla et ses semblables piétinent les mégalopoles, pulvérisant des quartiers entiers d’habitations traditionnelles ou d’immeubles récents. Dans le Japon réel aussi, on détruit beaucoup de maisons ou de petits immeubles avec des monstres de métal comme les pelleteuses et les bulldozers. Pourquoi ? Parce qu’il faut faire de la place et construire des immeubles plus grands et plus hauts pour loger plus de monde. C’est obligatoire à cause de la très forte densité de la population : au Japon, comme la surface du territoire est relativement petite, il y a 338 habitants au kilomètre carré au lieu de 94 en France.

Deux époques de l’histoire des effets spéciaux

Dans les films japonais produits par le studio Toho, les trucages étaient réalisés en « Suitmation », autrement dit avec des figurants portant les costumes de Kaijus, et avec des maquettes très soignées. Ces scènes étaient conçues par le grand spécialiste japonais des effets spéciaux Eiji Tsuburaya. Ces monstres animés par des acteurs sont LA caractéristique de ces films made in Japan, et elle leur donne un charme naïf très souvent imité par la suite dans les publicités et les vidéoclips. Et c’est aussi une tradition japonaise, car depuis le 17ème siècle, on présente dans les théâtres de Bunraku des spectacles de marionnettes géantes aux têtes équipées de mécanismes. Dès le premier GODZILLA de 1954, on s’est inspiré de ces techniques : c’est un colosse ceinture noire de judo qui portait le costume de caoutchouc du Kaiju, qui pesait 91 kilos et dont les yeux et la mâchoire bougeaient grâce des câbles métalliques, comme des freins de vélo ! Filmé en accéléré, le judoka détruisait des bâtiments de plâtre et de balsa, conçus pour s’écrouler de manière réaliste. A la projection, grâce à ses gestes ralentis, Godzilla semblait être immense, et ses colères apocalyptiques sidéraient les spectateurs de l’époque ! Précisions que ces techniques se sont perfectionnées avec le temps et que les effets des films de Godzilla tournés en « Suitmation » dans les années 80 et 90 étaient bien plus réalistes. Aujourd’hui, bien sûr, Godzilla est réalisé et animé en images de synthèse, mais les créateurs des reboots américains ont malgré tout eu recours à des séances de prises de vues avec des cascadeurs mimant les gestes des monstres, afin de garder un lien avec l’esthétique des mouvements des Kaijus dans les films japonais. Bref, même si Godzilla, Ghidorah, Mothra et Rodan sont représentés en 3D dans GODZILLA II, ROI DES MONSTRES, il y a encore quelques caractéristiques humaines dans leurs gestuelles.

Les autres Kaijus de la saga GODZILLA

Si Godzilla, Ghidorah, Mothra et Rodan sont à l’affiche de ce nouveau film, cela ne signifie pas que ce MonsterVerse n’a plus de monstres vedettes en stock. Le prochain épisode sera d’ailleurs un autre combat au sommet, puisqu’il sera intitulé GODZILLA VS KONG. Mais si nous nous penchons sur le vivier des créatures vues dans les films de la saga japonaise, il reste quelques belles bêtes. Citons par exemple Anguirus, tortue à la carapace hérissée de pointes que Godzilla affrontait dès sa deuxième aventure, Baragon le giga-dinosaure, Meganulon la méga fourmi préhistorique, Yog le calmar qui se balade sur ses tentacules, ou Ebirah le crabe aussi grand qu’un terrain de foot. A quand le match retour dans le MonsterVerse américain ? Bookmark and Share


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