GODZILLA 2, ROI DES MONSTRES : Entretien exclusif avec le réalisateur Michael Dougherty – 1ère partie
Article Cinéma du Mardi 28 Mai 2019

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Le réveil des Kaijus

Le « MonsterVerse » américain inspiré des films japonais de la Toho et développé conjointement par les studios Legendary et Warner se porte bien. Après le GODZILLA contemporain de 2014 réalisé par Gareth Edwards, puis KONG : SKULL ISLAND qui se déroulait dans les années 70 - afin de laisser quelques décennies à King Kong pour grandir et atteindre la taille de son futur adversaire reptilien ! - ce troisième volet confronte Godzilla au réveil de trois autres colosses issus d’un lointain passé : Mothra le papillon de nuit géant, Rodan le ptérodactyle titanesque, et l’impressionnant King Ghidorah, dragon tricéphale. Les designs des Kaijus ont été revisités avec talent par Shane Mahan et l’équipe de Legacy Effects, et par Tom Woodruff Jr pour Amalgamated Dynamics, afin de donner un réalisme contemporain aux créatures de cet opus. Du côté des personnages humains, c’est la « Eleven » de la fameuse série de Netflix STRANGERS THINGS, la jeune Millie Bobby Brown, qui hérite du rôle principal pour ses débuts au cinéma, aux côtés de Vera Farmiga (La mère de Norman dans BATES MOTEL) et de Kyle Chandler (Le shérif de SUPER 8, de JJ Abrams), qui incarnent ses parents - une scientifique de l’organisation Monarch passionnée par les titans et un homme qui mène une existence plus normale – et qui ont divorcé depuis quelques années. Notons que Millie Bobby Brown sera également l’héroïne de GODZILLA VS KONG en 2020, qui se tourne actuellement en Australie et qui s’annonce comme une suite directe de GODZILLA 2. Dans le camp des méchants, on retrouve avec plaisir Charles Dance, qui fut l’inoubliable et ô combien cruel patriarche Tywin Lannister de GAMES OF THRONES. Du côté de l’organisation Monarch, fil rouge de la saga, Sally Hawkins (LA FORME DE L’EAU) et Ken Watanabe (LE DERNIER SAMOURAI) reprennent les rôles des Docteurs Vivienne Graham et Ishiro Serizawa qu’ils tenaient dans le précédent GODZILLA. En coulisses, l’équipe technique et artistique était composée du Directeur de la photographie Lawrence Sher (WAR DOGS, et les prises de vues additionnelles de GODZILLA), du chef décorateur Scott Chambliss, familier des univers fantastiques (LES GARDIENS DE LA GALAXIE VOL 2, STAR TREK INTO DARKNESS, À LA POURSUITE DE DEMAIN), du chef monteur Roger Barton (PIRATES DES CARAÏBES : LA VENGEANCE DE SALAZAR, la saga TRANSFORMERS), de la chef costumière Louise Mingenbach (La série des X-MEN) et de notre compatriote superviseur des effets visuels Guillaume Rocheron (GODZILLA, GHOST IN THE SHELL, MAN OF STEEL), qui avait reçu un Oscar conjointement avec Bill Westenhofer, Erik-Jan de Boer et Donald R. Elliott pour les remarquables trucages de L’ODYSSEE DE PI. Signalons aussi que GODZILLA 2, ROI DES MONSTRES est exploité en 2D et en 3-D Relief, et qu’une version en format large a été créée spécialement pour les salles Imax.



ESI s’est entretenu avec le réalisateur du film, Michael Dougherty (KRAMPUS), qui en a également co-écrit le scénario avec Zach Shields.

A quand remontent vos premiers souvenirs de Godzilla ?


Oh, probablement à l’époque où j’étais un bambin qui ne savait pas encore marcher, vers la fin des années 70 ! J’ai grandi en regardant à la fois la série animée GODZILLA produite par Hanna Barbera, dans laquelle il était accompagné par son « neveu peureux » Godzooky (rires) et les films de la Toho, car la station locale de télévision proposait un programme qui combinait trois épisodes de la série animée, un film de la saga japonaise et un des classiques de l’horreur des studios Universal, comme DRACULA ou FRANKENSTEIN. Pendant des années, j’ai passé pratiquement tous mes samedis après-midi devant la télé, à regarder les aventures de Godzilla et les grands films de monstres produits par Universal ! J’ai donc grandi avec tous ces personnages, et puis j’ai vu le GODZILLA de 1995 au cinéma. Ma toute première ébauche de film, je l’ai réalisée enfant avec la caméra vidéo de mes parents branchée sur notre magnétoscope Bétamax, en filmant ma tortue pendant qu’elle « ravageait » les décors miniatures de la gamme des figurines STAR WARS, et marchait sur mes voitures Hot Wheels! (rires)

Comment vous êtes-vous retrouvé sur la liste des réalisateurs envisagés par le studio pour diriger ce film ?

Je venais de terminer le film d’horreur KRAMPUS pour Legendary et j’étais en train de prendre des vacances quand Gareth Edwards a décidé de ne pas se charger de la suite de son GODZILLA de 2014. J’ai dîné avec le producteur Alex Garcia et il m’a demandé si je serai partant pour reprendre le projet et le réaliser. Je crois que je lui ai répondu oui avant même qu’il ait eu le temps de finir sa phrase. (rires) Cela a été un oui lancé à très grande vitesse !

Selon vous, pourquoi Godzilla reste-t-il une icône de l’imaginaire populaire 65 ans après la sortie du film original ?

Je crois que son impact joue sur différents niveaux de perception. Il y a d’abord son aspect « en surface », évident, celui du monstre géant qui ravage les villes et fascine les enfants. Tous les gosses adorent les dinosaures et l’on pourrait dire que Godzilla est presque un prolongement de cet engouement pour les vrais animaux préhistoriques. Mais sa particularité tient au fait qu’il agit sur l’inconscient parce qu’il est aussi une allégorie. Il représente tous nos cauchemars collectifs, toutes nos culpabilités dues aux multiples manières dont nous maltraitons la nature. Les japonais n’ont pas seulement créé un « film de monstre géant », un récit d’animal colossal détruisant les villes sur son passage : ils ont conçu une histoire qui raconterait par le biais de l’imaginaire ce qu’ils ont ressenti après que deux bombes nucléaires aient explosé sur leur territoire. Il y a une signification profonde dans le premier film, un symbole presque poétique. Quand on revoit le film original, on est même frappé par le sentiment de deuil qui imprègne toute l’histoire. Ce n’est qu’au fil des années que le ton de la série est devenu plus léger, et que la Toho a introduit toutes les autres créatures. Mais il me semble que le cœur du personnage et son esprit appartiennent au registre de la mythologie contemporaine. Il fait appel à notre inconscient collectif. Je dirais donc qu’à un niveau purement viscéral, nous aimons voir le spectacle des destructions que Godzilla provoque, et ses combats contre d’autres créatures colossales, mais que nous aimons le retrouver d’aventure en aventure parce que ce personnage exprime quelque chose de profond, et qu’il a quelque chose à dire. Quelque chose à nous enseigner.

Pouvez-vous nous expliquer votre vision de cette énorme bataille de monstres, comment vous avez tenté de la rendre originale et surprenante afin de satisfaire le public d’aujourd’hui ? Et nous dire aussi de quelle manière vous avez lié les personnages humains à ce combat de titans ?

Avec plaisir. Le plus grand défi de ce projet était de réussir à créer un film sur Godzilla avec des personnages humains pour lesquels on éprouverait vraiment de l’empathie. Mon objectif a été que le contexte dramatique et les relations entre les humains soient aussi importants et aussi intéressants que les scènes avec les monstres. Quand on regarde les films de la Toho, il n’y a guère que les personnages du premier opus dont on se souvient vraiment bien. Notre première priorité était que cette histoire soit racontée du point de vue des humains, et que ce récit reste intéressant même si nous avions entièrement retiré les séquences avec les monstres. On pourrait dire que concevoir un film de monstres géants est une tâche relativement aisée, mais une fois que le plaisir du spectacle purement viscéral du combat des créatures est passé, s’il n’y a aucun enjeu émotionnel humain pour retenir l’intérêt des spectateurs, cela devient un divertissement creux, des images vaines et sans aucune signification. Nous avons donc beaucoup travaillé pour instaurer un équilibre satisfaisant au sein de notre script entre les personnages de monstres et nos protagonistes humains. Je parle bien de personnages quand je me réfère à Mothra, Rodan, King Ghidorah et Godzilla, car chacun de ces titans ont une personnalité et même un caractère bien précis. Certes, ils n’ont pas de dialogues à dire, mais nous avons tout fait pour que leurs passés respectifs, leurs parcours et leurs motivations soient bien racontés dans notre histoire, et que l’on comprenne que ces créatures sont extrêmement intelligentes. Notre approche a consisté aussi à les décrire non pas comme des animaux géants, mais comme des dieux. Des titans qui sont la source de toutes les légendes évoquant les dragons, les géants comme le léviathan, ou les créatures de la Bible ou des mythes grecs. Dans notre univers, ce ne sont pas des êtres de contes fantastiques, de fiction, mais des éléments bien réels de notre histoire, que nous avons fini par oublier au fil des millénaires, en dépit de nos liens fondateurs et très anciens avec eux. L’organisation Monarch a étudié tous ces récits mythiques avec une grande rigueur scientifique, dans le but d’en tirer des indices permettant de retrouver la trace de ces créatures plongées dans un profond sommeil, où qu’elles se trouvent. C’est ainsi que les équipes de Monarch suivent leurs pistes dans les profondeurs abyssales, sous les montagnes, ou en effectuant des forages dans l’épais manteau de glace de l’Arctique. Les histoires issues des mythologies du monde entier leur permettent d’établir les cartes de leurs expéditions. Leur devise est d’ailleurs « Les mythes nous servent de boussoles », car ils leur donnent les moyens de localiser les titans. Toutes les créatures du film sont décrites comme les sources réelles de ces récits anciens que nous connaissons tous.

La colossale suite de notre dossier apparaîtra bientôt sur ESI en écrasant tout sur son passage. Bookmark and Share


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