GODZILLA 2, ROI DES MONSTRES : Entretien exclusif avec le réalisateur Michael Dougherty – 2ème partie
Article Cinéma du Samedi 01 Juin 2019

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Mothra est la seule créature femelle du film. Comment avez-vous utilisé cette caractéristique ? Comment l’avez-vous rendue féminine ?

Mothra est l’une de mes créatures favorites et certainement la plus difficile à représenter et à mettre en scène justement parce qu’elle est une femelle. Mothra et Kong nous ont inspiré l’idée qu’à un certain moment de l’histoire de l’humanité, nous étions en contact avec ces créatures. L’une de mes plus grandes déceptions quand j’étais enfant a été d’apprendre que les hommes des cavernes et les dinosaures n’avaient jamais vécu au même moment. Cela m’a déprimé pendant des mois…(rires) J’ai grandi en regardant les films de Ray Harryhausen, et notamment UN MILLION D’ANNEES AVANT JC dans lequel les hommes préhistoriques combattent des reptiles géants, et je croyais vraiment que c’était ainsi que les choses s’étaient passées.

Aviez-vous cru aussi aux bikinis en fourrure joliment portés par Raquel Welch et les autres actrices du film ?

Oui ! (rires) Pour revenir à Mothra, elle était vénérée comme une déesse par de nombreux fidèles. Elle représente aussi la créature la plus intimement liée à la nature. Dans les films originaux, elle est plus protectrice de la terre et des humains que ne l’est Godzilla, qui apparaissait comme un méchant dans le premier opus. Par la suite, sa loyauté a varié de film en film, et le camp qu’il choisit de défendre varie selon les épisodes : il est soit une menace soit un défenseur des humains et de notre planète. D’ailleurs dans le tout dernier GODZILLA produit par la Toho au Japon, il est redevenu un ennemi terrifiant. Mothra a toujours été une protectrice loyale de l’humanité, et dans notre récit, elle tente de recréer ce lien avec nous. Quand nous avons travaillé sur son design, nous avons essayé de la rendre élégante, mais aussi de suggérer qu’elle peut être très dangereuse lorsqu’elle se défend. Son aspect est élancé, stylisé. Je ne pouvais pas me contenter de prendre la référence d’un vrai papillon de nuit et de l’agrandir pour en faire une créature de 92 mètres de hauteur ! J’ai donc fait des recherches et observé de nombreux insectes et différentes variétés de mites pour choisir les caractéristiques que je préférais. Cela m’a permis d’apprendre énormément de choses sur les mites, et notamment de me rendre compte que la plupart d’entre elles deviennent de superbes papillons. Bien sûr, on n’est jamais content de voir des petites mites brunes et poudreuses s’échapper d’un de nos placards, mais d’autres sortes de mites sont aussi jolies que les papillons les plus appréciés. Réussir à trouver un bon design pour Mothra n’a pas été une tâche aisée, mais je crois que nous y sommes parvenus.

Le choix du ton et de l’ambiance d’un film de ce genre est très important. Le premier GODZILLA produit par Legendary en 2014 était sérieux et assez sombre, tandis que KONG SKULL ISLAND jouait davantage sur le registre de l’humour. Comment le ton de GODZILLA 2, ROI DES MONSTRES se situe-t-il par rapport à ceux des deux films précédents de la saga ?

Vous avez raison, le choix du ton d’un film de Godzilla est très délicat, car chaque spectateur peut avoir des attentes différentes à ce sujet. Je crois que l’approche très sérieuse du premier volet de cette nouvelle série se rapprochait de celle du film original de 1954. Dans GODZILLA 2, les thèmes de notre histoire sont également traités très sérieusement. Notre récit est présenté au premier degré, sans ironie, mais cela ne nous empêche pas de profiter aussi de moments plus légers et plus amusants, car le spectacle de créatures géantes qui se battent est divertissant par nature. Et comme j’ai pu l’explorer déjà dans les films que j’ai réalisés ou écrits, l’effroi et le rire sont bien souvent les deux faces d’une même pièce. Veiller à répartir des moments amusants tout au long d’un drame ou d’un film d’épouvante aide énormément à faire progresser la narration car à chaque fois que le public s’amuse, cela replace sa perception émotionnelle dans une position neutre qui permet à la prochaine scène triste ou effrayante d’avoir encore plus d’impact. Cela peut aussi servir à désorienter les spectateurs si c’est ce dont vous avez besoin : vous pouvez les inciter à croire que tout va bien parce que l’atmosphère se détend, puis montrer immédiatement après une chose qui va leur faire bien plus peur parce qu’ils ne s’y attendront pas. Dans notre film, l’humour naît des situations et aussi de l’opposition des caractères des personnages. J’ai trouvé que le ton de KONG SKULL ISLAND était formidable. Je crois que l’ambiance de notre film est similaire, mais que nous n’avons pas peur d’être parfois très sérieux, à l’instar du film original de 1954, et de la version réalisée par Gareth Edwards.

Avez-vous utilisé la capture de mouvements pour animer les monstres ? Et représentez-vous Godzilla comme une force positive ou comme une menace ?

Oui, nous avons eu recours à la Mocapn, mais uniquement pour les besoins des séquences de prévisualisation. Cela nous a permis d’avancer plus vite dans la fabrication de ces storyboards animés. Nous avons décidé de filmer des cascadeurs jouant les rôles des créatures simplement pour utiliser ensuite ces références de mouvements humains pendant l’animation 3D des monstres. Ces petites touches de personnalité nous ont été utiles. Non pas pour recopier la gestuelle humaine, mais pour nous inspirer du comportement d’un être intelligent en train de se battre. En ce qui concerne l’attitude de Godzilla, nous jouons sur une certaine ambiguïté. Nos héros vont se demander s’ils doivent le craindre ou se réjouir de son arrivée pendant une bonne partie du film…Je ne vais donc pas ruiner ce suspense en vous répondant !

Avez-vous eu l’occasion de parler de votre film avec Gareth Edwards ?

Gareth est venu nous rendre visite pendant le tournage, mais il n’a pas participé à la création de ce film. Je l’avais contacté au moment où j’ai été choisi pour réaliser ce nouvel épisode, et nous avions passé un peu plus d’une heure à discuter agréablement au téléphone. Il m’a donné quelques conseils judicieux pour me préparer à ce qui m’attendait et je dois dire qu’ils ont été extrêmement utiles. Ensuite, pendant le tournage, je lui ai envoyé de temps en temps des SMS pour lui demander ‘Comment as-tu fait ceci dans ton film ?’ (rires) Et il me répondait très gentiment.

Justement, donnez-nous un exemple de ses conseils…

Oh, la plupart du temps, Gareth me remontait surtout le moral quand j’avais le sentiment d’être débordé par l’ampleur des tâches à accomplir chaque jour. Je me souviens lui avoir demandé des conseils sur la meilleure manière de diriger plusieurs équipes de tournage en même temps, car c’est un exercice extrêmement difficile. J’avais souvent l’équipe principale à suivre, plus une petite équipe en train de filmer des plans d’insert dans un petit décor, et aussi la seconde équipe au travail sur un autre plateau géant, tout en échangeant des SMS avec mon monteur qui travaillait à Los Angeles sur les séquences déjà filmées ! Cela fait beaucoup de choses à diriger en même temps, et Gareth m’a fait part de ses suggestions sur la meilleure manière de m’organiser.

En ce qui concerne Mothra, montrez-vous comme dans les films japonais qu’il existe un lien très fort, quasi télépathique, entre elle et une enfant ?

Oui ! Et j’espère que cela plaira aux fans. Bookmark and Share


.