En attendant TERMINATOR : DARK FATE, retour sur le précédent opus, TERMINATOR GENISYS - 3ème partie
Article Cinéma du Mardi 01 Octobre 2019

Par Pascal Pinteau

Entretien avec le réalisateur ALAN TAYLOR

Propos recueillis par Nancy Borgue

Ayant débuté au cinéma dans les années 90, Alan Taylor a forgé son expérience sur le petit écran en tournant des épisodes de séries aussi diverses que SIX FEET UNDER , SEX AND THE CITY , DEADWOOD , ROME , LES SOPRANO , MAD MEN et surtout GAME OF THRONES. C'est grâce à THOR : LE MONDE DES TENEBRES, produit par les studios Marvel, qu'il a enfin accédé aux blockbusters.

Le projet TERMINATOR GENISYS est passé entre les mains de nombreuses personnes : comment tout cela a-t-il fini par se mettre en place pour vous ?


Le mieux placé pour raconter cela est David Ellison [producteur du film et des ses deux suites annoncées. Ndlr], parce qu'il a été impliqué durant un long moment, de même que sa sœur, Megan, qui a fait partie des premiers à se battre pour les droits du film. Puis David l'a rejointe, et il a été question de points de droit que je ne comprends pas avant que je fasse mon arrivée. Cela devait être juste après THOR : LE MONDE DES TENEBRES, dont David avait eu un montage de travail. Justin Lin avait abandonné le projet, et j'ai rencontré les responsables de Skydance où l'on m'a parlé de TERMINATOR. Nous avons décidé de nous lancer lors de la deuxième réunion, mais il leur avait fallu des années de négociations pour arriver à ce point-là !

Selon vous, GENISYS est-il une suite ou un reboot ?

C'est amusant. Je n'ai jamais pensé que tout cela serait si compliqué, et que ces termes auraient tant d'importance. On parle plus de "reset" actuellement, car nous sommes à la frontière entre un reboot et une suite. Une fois que l'on intègre le voyage dans le temps, on dispose d'options qui sont difficiles à décrire. Ceux qui connaissent un peu le film à travers les images révélées ont compris de quoi il s'agissait, avec une histoire identique à laquelle nous avons ajouté des éléments inédits, notamment la guerre dans le futur et le voyage vers 1984. Ensuite, on entre dans un nouvel univers, et c'est ce qui crée la confusion, entre reboot et suite.

Arnold Schwarzenegger est très attaché au respect de la nature du Terminator : que vous en a-t-il dit ?

Il a été génial. La plus grande surprise sur ce film a été le plaisir que j'ai éprouvé à travailler avec lui. Je ne m'attendais pas à cela. D'un côté, il est le gardien de ce personnage, et il est capable de donner ce que l'on attend de lui en une seule prise. D'un autre côté, il m'a parfois fallu le diriger, notamment lorsqu'il était question du degré d'humanité à apporter par rapport à l'aspect robotique du Terminator. Il est très ouvert, mais la plupart du temps, c'était un vrai soulagement de voir à quel point il maîtrise son personnage, non seulement dans les scènes d'action ou de drame, mais également lorsqu'il s'agit d'ajouter une pointe d'humour. J'avais parfois des doutes quant à certaines scènes, mais en le voyant jouer, je savais que ça fonctionnerait. Nous avons tous bénéficié de sa connaissance du rôle et de sa gentillesse.

Quel plaisir avez-vous éprouvé à détruire tant de choses durant le tournage ?

On ne s'en lasse jamais. Il y a toujours une longue préparation, mais lorsque l'explosion retentit, tout le monde est heureux et a passé un excellent moment. C'est toujours un plaisir. Il y a comme de l'électricité dans l'air lorsque l'on tourne de telles scènes, qu'il s'agisse d'explosions ou de cascades. Par exemple, une scène, on voit un car scolaire faire une sorte de pirouette, et ce n'est pas un effet visuel, nous l'avons vraiment filmé. Ça fait partie de la saga TERMINATOR, tant la barre a été placée haut dans les précédents opus en termes d'action et de cascades.

Le fait que John Connor soit un Terminator a surpris beaucoup de monde…

Nous avons beaucoup discuté de ce point, comme vous pouvez l'imaginer, et les avis étaient parfois opposés. L'idée était que nous avions été suffisamment clairs quant aux références à TERMINATOR 1 et 2, avec les scènes qui les évoquaient. Nous avons alors pensé qu'il était temps que le public comprenne que nous allions explorer des territoires inconnus dans celui-ci, non pas en nous éloignant complètement de cet univers, mais en creusant au contraire plus profondément certains personnages. Personnellement, je pense qu'une telle inversion des rôles fait partie de la dynamique que Cameron a appliquée à ses films. Il n'y a qu'à voir le T-800 dans le deuxième opus. Le fait que nous ayons choisi de faire de même avec John Connor est au cœur de la mythologie, c'est ce qui la rend si passionnante. Révéler ce point étant nécessaire, pour montrer que le film ne serait pas seulement nostalgique et que les fans seraient heureux de découvrir ce que ces changements impliquent. Mais ne vous y trompez pas, nous sommes sur un territoire qu'aucun autre film de la franchise n'a foulé. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons dû faire appel à un acteur comme Jason Clarke, qui soit capable d'interpréter un personnage avec autant de facettes différentes. Il incarne le messie, mais aussi l'ami que l'on aimerait avoir, son père ou son fils… Puis il devient un méchant terrifiant, tout cela à tour de rôle. L'une des choses qui me plaisent dans sa façon de jouer est que l'histoire n'est pas finie pour lui, et l'on ignore où cela va nous mener. C'est un personnage unique. Et Kyle a énormément de mal à lui tourner le dos. Il y a donc beaucoup de retournements de situation possibles.

D'un point de vue visuel, de quels films de la saga vous êtes-vous inspiré ?

Il y a des scènes spécifiques qui rappellent TERMINATOR, et le directeur photo et moi avons beaucoup parlé d'éclairage et de grain de l'image, de façon à évoquer l'année 1984 et le premier film. De manière générale, je pense que TERMINATOR 2 a été notre influence principale, tant ce film est magnifique et se laisse revoir encore et encore. Comme nous allions montrer la guerre dans le futur, certains éléments font écho aux deux derniers films, on retrouve les Hunter-Killer et les Spider-Tanks, choses que l'on voit moins dans les deux premiers.

GENISYS est censé relancer une nouvelle trilogie et remettre TERMINATOR au cœur de la culture pop, bien qu'il ne l'ait jamais vraiment quitté, et servir de base à une ligne de produits dérivés et de jeux vidéos : cela vous a-t-il fait ressentir une certaine pression ?

C'est amusant, car tout ce que vous dites est vrai, et occupe beaucoup l'esprit des autres, alors que pour ma part, je ne cherche qu'à faire le film. Parfois, je me sentais submergé, parce que je devais non seulement me rappeler que ce n'était qu'un film, mais que ce blockbuster parlait avant tout d'une famille. Soit deux amants et leur étrange figure paternelle. Parfois, cela aide à se recentrer sur ce qui est important. Et je repensais aussi de temps en temps à GAME OF THRONES, au fait que nous avions décapité Ned Stark, ce qui était une scène avec plus de figurants que je n'en avais jamais vus. Et je devais me rappeler qu'il s'agissait avant tout de l'histoire d'un père et de ses deux filles, ce qui m'a aidé à rester concentré et à oublier ce qui était superficiel.

Vous avez déclaré que GAME OF THRONES vous avait aidé à préparer THOR : LE MONDE DES TENEBRES. En quoi ce dernier vous a-t-il été utile ici ?

LE MONDE DES TENEBRES était ma première rencontre avec le monde des blockbusters. C'était énorme. Et une grande part de ce film tient aux effets visuels, au fait que la réalisation est alors divisée entre différents départements, avec des centaines de personnes, et qu'il faut savoir tirer parti de cette force-là et coordonner tout cela. J'ai donc eu beaucoup de chance de pouvoir bénéficier de cette expérience avant de me lancer dans GENISYS. Il me fallait par exemple tenir compte du fait que les films de la saga TERMINATOR sont plus ancrés dans la réalité que ceux de super-héros, ce qui est aussi l'une des choses qui m'ont séduit dans ce projet après THOR. On parle d'émotions entre un jeune homme et une jeune femme, entre des jeunes et leur père. Cela évoque quelque chose chez chacun d'entre nous. C'est l'une des forces de TERMINATOR que d'introduire dans notre quotidien un robot surpuissant venu du futur. Ce réalisme m'attire beaucoup. Si THOR m'a aidé d'un point de vue pratique, je me sentais par ailleurs tout à fait à l'aise avec les personnages et l'histoire du film.

Vous sembliez vouloir retrouver des projets moins lourds après THOR : qu'en est-il aujourd'hui et pensez-vous travailler à nouveau pour la télévision ?

De plus en plus de réalisateurs passent d'un univers à l'autre, et c'est ce que je compte faire. Ce n'est pas comme si l'on ne ressentait aucun stress lorsque l'on travaille pour la télévision. Sur GAME OF THRONES, nous manquions parfois de figurants ou de temps, et cela créait une autre forme de pression. Cela dit, j'aimerais renouer avec cette série, et j'espère que cela se produira prochainement. Je serais également heureux de réaliser un nouveau film à gros budget. J'essaie aussi de développer des projets plus personnels et moins ambitieux. Certains réalisateurs que j'admire parviennent à concilier tout cela, comme Steven Soderbergh, qui travaille actuellement pour la télévision [sur la série THE KNICK , notamment. Ndlr]. La barrière qui séparait cinéma et télé est tombée, et je pense que c'est une bonne chose.

Comme nous le disions, GENISYS est censé être le premier volet d'une trilogie : seriez-vous intéressé par le fait de réaliser les deux suivants ?

J'aime les gens impliqués, que ce soit les acteurs ou les techniciens, et je pense que cette mythologie peut être explorée à l'infini. Je connais la scène de fin du film, je la trouve très bonne, et j'aimerais être autorisé à vous en dire plus. Cela dit, la tâche s'annonce ardue, car il est prévu de tourner les deux autres films simultanément, ce qui en ferait un projet énorme. Nous verrons ce qu'il adviendra. Mais je pense qu'il faut poursuivre l'exploitation de cette franchise. Les acteurs qu'ils ont réunis sont vraiment très agréables et je serai jaloux si je ne suis pas là pour faire la dernière scène. En tout état de cause, je serai là devant l'écran pour la voir.

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