LA REINE DES NEIGES 2 : Entretien exclusif avec Peter Del Vecho, producteur – 1ère partie
Article Animation du Vendredi 22 Novembre 2019

Le secret des dons d’Elsa

L’équipe gagnante de LA REINE DES NEIGES revient avec une histoire pleine d’action, de gags et de chansons imparables. Dans cette nouvelle aventure, Anna, Olaf, Kristof et son rène Sven accompagnent Elsa dans une contrée mystérieuse afin de l’aider à découvrir l’origine de ses pouvoirs… ESI a rencontré le producteur Peter Del Vecho pour évoquer le succès phénoménal du premier opus et la création de cette deuxième aventure très attendue.

Entretien avec Peter Del Vecho

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

LA REINE DES NEIGES est l’un des plus grands succès de l’histoire des longs métrages animés de Disney. Avez-vous été surpris que le film ait plu autant aux adultes qu’aux enfants, et qu’il ait également gagné un Golden Globe et deux Oscars (Meilleur film d’animation et meilleure chanson originale, NDLR) ?

Pendant que nous étions en train d’y travailler, je me souviens avoir eu le sentiment que le film prenait vie et se développait presque de lui-même, comme si l’histoire nous indiquait ce qu’elle devait être. Pour notre équipe, c’était la confirmation que nous étions sur la bonne voie. Nous pensions que le film était réussi, mais nous n’avions absolument pas anticipé le succès phénoménal qu’il a eu dans le monde entier. Pour des conteurs comme nous, c’est une récompense formidable !

Quand les gens vous parlent du film, que vous disent-ils ?

Quel que soit leur âge, les adultes et les enfants me disent que cette histoire leur rappelle des aspects de leur propre vie, et bien souvent, ils s’identifient à ces personnages. Ils en parlent d’ailleurs comme s’ils existaient vraiment. Cela nous a surpris, car c’est aussi ce que nous faisons pendant nos réunions de travail consacrées au développement de l’histoire : nous parlons d’Anna, d’Elsa ou de Kristof comme s’il s’agissait d’êtres de chair et d’os, car nous les connaissons depuis de longues années. Les spectateurs se sont appropriés le film, et rien ne pourrait nous faire plus plaisir.

Quelles sont les autres idées d’histoires que vous avez envisagées avant d’explorer les origines des pouvoirs d’Elsa ?

Nous nous sommes d’abord demandés comme Anna et Elsa avaient surmonté le décès de leurs parents, et quelles étaient les séquelles de ce traumatisme. Ensuite, nous nous sommes posés des questions très logiques sur leur cheminement dans la vie. Je vais vous en donner un exemple : même si Elsa est devenue la Reine d’Arendelle, et que ses pouvoirs ont été acceptés par la population, comment gère-t-elle ses nouvelles responsabilités ? A l’époque du premier film, elle n’avait que 21 ans et Anna 18. Il s’est écoulé trois ans depuis, et les deux soeurs ont mûri chacune à leur manière. Nous avons pensé qu’il fallait décrire leur évolution et se demander pour quelles raisons et dans quelles circonstances Elsa avait été dotée de ses pouvoirs magiques basés sur la glace et la neige. Ils ne sont certainement pas seulement destinés à créer de jolies décorations de Noël en quelques gestes ! (rires) Il devait exister une raison bien plus importante. Nous étions certains que Elsa devait se poser cette question depuis des années, et se demander quel usage faire de ses dons. Par conséquent, il fallait apporter des réponses dans cette deuxième histoire, et c’est ce que nous avons fait.

Quand nous nous étions rencontrés en 2013 à l’occasion de la sortie du premier film, vous m’aviez expliqué qu’avant de le concevoir visuellement, votre équipe s’était rendue en Norvège pour y étudier sa lumière naturelle, ses couleurs, ses paysages, ses costumes traditionnels et ses architectures. De quelles références visuelles réelles vous êtes-vous servies dans cette nouvelle aventure, par exemple pour créer la forêt enchantée ?

Cette fois-ci, nous savions que ce film allait raconter un voyage dans des contrées inconnues, bien au-delà du royaume d’Arendelle. Nous avons donc exploré des parties différentes de la Norvège et de la Finlande pour y puiser de nouvelles idées visuelles. Nous avons étudié plus en détail les origines du folklore et de la mythologie nordique, qui sont profondément enracinées dans la nature et dans ses grands environnements glacés. Nous nous sommes rendus aussi en Islande, dont les paysages volcaniques sont très différents. Et tout cela se retrouve dans les textures et les détails du film, comme ces mousses rougeoyantes qui tapissent les sols de certaines forêts. Il y a des particularités que l’on ne peut pas imaginer sans se rendre sur place, comme ces énormes rochers qui se trouvent au beau milieu d’une forêt au sol tout plat et qui semblent avoir été déposés par magie. Ils sont à l’origine du mythe des géants, car on dit qu’ils les ont jetés là pour éloigner les humains trop curieux. Dans la réalité, la géologie nous apprend que ce sont les fontes de glaciers qui les ont répartis dans ce paysage il y a un peu plus de 100 000 ans, mais les récits mythologiques sont plus intéressants ! D’ailleurs, on pourrait dire que ce que caractérise cette deuxième aventure, c’est la confrontation, le choc de la mythologie avec les contes de fées. C’est aussi grâce à cela que nous pouvons bien différencier les points de vues d’Elsa et d’Anna, car la première est plus proche du monde des mythes nordiques, et la seconde de celui des contes de fées.

Walt Disney incitait ses artistes et ses animateurs à étudier de vrais animaux, quitte à en faire venir au studio, et il avait organisé lui aussi des voyages dans les pays où allaient se dérouler ses prochains dessins animés. Vous vous inscrivez donc dans cette tradition. Mais pourquoi est-il si important de confronter les idées préconçues que nous avons tous de lieux lointains, grâce aux documentaires vus à la télé, avec la réalité d’un voyage sur place ?

Parce que nous tenons à ce que nos films, même s’il s’agit d’histoires fantastiques, soient ancrés dans une réalité crédible et intéressante. Tout est important pour y parvenir, particulièrement les plus petits détails, car ils évoquent des souvenirs aux spectateurs et sont à l’origine des émotions que le film fait surgir. C’est toute la différence entre le réalisme, qui n’est pas notre but, et la crédibilité, dont nous avons besoin pour que le public apprécie l’histoire que nous lui racontons, et les mondes que nous lui présentons. Les textures des écorces de bouleaux dans la forêt enchantée, ou les détails des broderies des costumes nordiques font partie de tout cela, et nous permettent de vous entraîner dans ce voyage.

Avez-vous utilisé de nouveaux progrès techniques pour rendre les personnages encore plus expressifs ?

Le département de recherches et de développement du studio fait constamment des progrès dans ces domaines. Nous avions collaboré avec eux il y a six ans, et nous avons pu découvrir toutes les améliorations qu’ils ont conçues depuis lorsque nous avons retravaillé ensemble. Aujourd’hui, les animateurs disposent de plus de moyens de contrôle des expressions faciales des personnages, et comme ils ont aussi progressés en tant qu’artistes, les résultats sont de plus en plus subtils. A présent, nous pouvons facilement faire comprendre grâce à des mimiques discrètes qu’un personnage pense le contraire de ce qu’il dit, ou qu’il se pose des questions, même s’il ne veut pas le laisser paraître à ses proches.

C’est particulièrement efficace quand Elsa chante « Dans un autre monde » en disant qu’elle veut repousser cette force étrange qui l’attire, alors que sur son visage, on lit qu’elle brûle d’aller découvrir la source de cet appel mystérieux…

Exactement. Elle sent que ce sera probablement dangereux, mais elle ne peut pas y résister.

Dans la même séquence musicale, quand tout le décor s’assombrit autour d’elle, et qu’il ne reste que les projections de cristaux de glace et les flocons étoilés, on a l’impression que vous avez été inspiré par les fées de l’hiver que l’on voit projeter du givre dans le segment de FANTASIA dédié à la musique de Casse-Noisette…

Je n’y avais pas pensé, mais nous avons peut-être été inspirés inconsciemment par cette scène. Cela dit, il y a une raison pour laquelle tout devient sombre autour d’Elsa : dès qu’elle traverse ce brouillard mystérieux, c’est son imagination qui prend le dessus. Nous sommes transportés dans son monde intérieur, et elle cesse alors de voir le paysage d’Arendelle qui l’entoure.

La suite de notre dossier consacré à LA REINE DES NEIGES 2 apparaîtra bientôt comme par magie sur ESI. Bookmark and Share


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