Die Hard 4 : Entretien avec Cyril Rafaelli, acteur et cascadeur
Article Cinéma du Jeudi 27 Novembre 2008

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Né en 1974, Cyril Rafaelli a été cascadeur dans Jeanne d'Arc, Taxi 2, le Pacte des Loups et les films Transporteur 1 & 2. Parallèlement, il a débuté une carrière d'acteur dans Taxi 2, puis Le Baiser Mortel du Dragon, Astérix & Obélix 2 et les Rivières Pourpres 2. Il se fait remarquer ensuite dans Banlieue 13, dans lequel il joue l'un des deux héros principaux, ce qui lui vaut un rôle dans le très attendu Die Hard 4. Son expérience de cascadeur n'y est pas étrangère...

Vous avez suivi dès l’âge de 6 ans une formation aux arts martiaux. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous y intéresser si jeune ?

J’ai vu mes grands frères évoluer dans les arts martiaux, et forcément, j’ai voulu faire comme eux. Par la suite, je me suis rendu compte que j’avais besoin de cette discipline, de la formation spirituelle qu’elle vous apporte, autant que de l’entraînement physique. Mes frères étaient de grands fans de Bruce Lee, dont les films m’intriguaient, et m’ont poussé aussi à continuer dans cette direction.

Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir quand vous pratiquez les différentes disciplines des arts martiaux, par exemple quand vous utilisez un Nunchaku ou quand vous affrontez quelqu’un au Karaté ?

En fait, ce qui est le plus fort, c’est le sentiment que l’on éprouve après. On ressent un calme, une sérénité très agréable. On a vraiment l’impression que le corps est en osmose avec l’esprit.

Vous avez suivi les cours de l’école du cirque d’Annie Fratellini. Comment avez-vous utilisé ce que vous y avez appris pour concevoir des cascades pour le cinéma ?

En fait, j’ai mélangé ce que j’ai appris à l’école du cirque avec les arts martiaux que je pratiquais déjà, et j’y ai ajouté mes propres techniques de cascades. C’est l’acrobatie qui m’a donné le sens du déplacement dans l’espace. C’est très important car c’est ce qui vous permet de savoir précisément où vous vous trouvez, ce qui est vital quand vous faites une cascade. Pour vous donner un exemple, certains cascadeurs auxquels on demande de faire semblant d’être percutés par une voiture se lancent sans savoir vraiment où ils vont, et atterrissent comme ils le peuvent, ce qui peut être dangereux. En ce qui me concerne, mon apprentissage de l’acrobatie m’a permis d’être à l’aise dans ces situations. Je pouvais même me permettre de retomber sur mes deux pieds si j’en avais envie.

Quels sont les souvenirs que vous gardez de votre passage dans la comédie musicale Starmania ?

C’était la période la plus folle de ma vie! C’était la première fois que j’avais l’occasion de voyager dans toute l’Europe, et de séjourner huit mois au Canada. Starmania a surtout été ma première grande expérience professionnelle. Ce rôle m’a permis de devenir indépendant et de mener ma vie d’adulte. J’interprétais une des « étoiles noires », c’est à dire un membre d’un groupe terroriste. On arrivait sur scène au-dessus du public, en descendant en rappel au bout d’une corde, la tête à l’envers, et en freinant au dernier moment. Il y avait aussi des bagarres, des cascades. Notre groupe de sept personnes était responsable de toute la partie « action » du spectacle. Nous avons fait 1300 spectacles en tout !

Quels sont les « trucs » que vous utilisez pour rendre vos cascades plus spectaculaires ?

En fait, il n’y en a pas. Tout dépend de ce que veut le réalisateur, s’il préfère des actions réalistes ou pas. S’il ne tient pas au réalisme, on peut faire un peu ce que l’on veut. Par contre, s’il nous demande de créer une bagarre qui paraît vraie, je vais me creuser la tête pour trouver des choses sobres mais efficaces. Pour un film policier comme 36, quai des orfèvres, il est évident qu’on ne va pas se lancer dans des combats de style Kung-Fu ! On va utiliser un style plus « GIGN », plus épuré et efficace.



Vous est-il arrivé d’approcher les gens du GIGN (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale) pour voir comment ils étaient entraînés ?

Bien sûr. J’estime que c’est très important d’avoir ces références. Je procède de la même manière si on me demande d’intervenir sur un film dont l’action se déroule au 17ème siècle. Je fais des recherches, je consulte des livres, je surfe sur le web pour trouver les informations qui me permettront de concevoir les chorégraphies du personnage. Quand un réalisateur me demande de préparer une scène où l’on voit une prise d’otage, je contacte immédiatement trois potes qui font partie du GIGN, et je leur poser des questions qui vont m’aider à concevoir l’action de cette scène. Mais j’ajoute aussi des effets purement « cinéma », pour ajouter des choses qui relève le goût du plat, comme en cuisine !

Est-ce qu’il y a certains clichés des cascades que vous préférez éviter ?

Oui. Dans tous les films américains, quand un cascadeur est jeté sur une table, elle s’effondre et il passe toujours au travers. Pourtant, je vous promets que si je vous jette sur une table de cuisine, ça ne se passera pas comme ça ! C’est solide, une table !(rires) Dans Banlieue 13, j’ai réglé une scène de bagarre au cours de laquelle un gars heurte le bas de son dos au coin d’une table, et tombe ensuite par terre. Eh bien, on s’est rendu compte que les spectateurs réagissaient beaucoup plus à cette scène-là, en se disant que ça devait faire très mal, que si le cascadeur avait détruit une table truquée. Voilà le genre de détails que j’aime utiliser pour coller au scénario. J’essaie de rendre les choses plus spectaculaires en les rendant plus réalistes. Je ne veux jamais faire quelque chose qui a déjà été fait dans un film, même s’il faut que je me creuse la tête pendant des nuits entières. D’ailleurs, c’est plutôt l’inverse qui est arrivé...



Vous voulez dire qu’on a copié vos idées ?

Dans Banlieue 13, David Belle courait, attrapait une barre et passait au travers d’une lucarne. La même séquence, filmée exactement de la même manière, a été reprise dans le dernier James Bond, Casino Royale…Au début, ça m’a un peu énervé, mais ensuite, je me suis dit que si on avait repris cette action, ça prouvait que c’était une bonne idée. Mais quand même, pourquoi copier ? En ce qui me concerne, les films de Jackie Chan m’ont donné beaucoup d’idées, mais jamais je ne me serais permis de copier directement ce qu’il a fait.

Est-ce que comme Jackie Chan, vous essayez de trouver des idées de cascades ailleurs que dans les films d’action ? Jackie Chan a souvent dit qu’il s’est inspiré des grands comiques du cinéma muet comme Buster Keaton, Harold Lloyd, Charlie Chaplin...

J’ai eu la chance de connaître les films de Buster Keaton avant ceux de Jackie Chan, grâce à l’école du cirque d’Annie Fratellini. Dans ses cours d’art clownesque, Annie nous parlait beaucoup de lui. Je me suis rendu compte que c’était quelqu’un qui était incroyablement en avance sur son temps. Il y a d’ailleurs des petites références à son travail dans certaines des cascades que j’ai conçues récemment. Je me suis inspiré à la fois du cinéma de Buster Keaton, de celui de Chaplin, des films asiatiques, du cinéma français et du cinéma américain pour créer ensuite mes propres idées, mes propres recettes.

Qu’est-ce qui fait la différence entre une bonne et une mauvaise cascade ?

Il y a deux choses que je n’aime pas du tout : la première, c’est quand un cascadeur mal préparé prend un coup, puis se retourne pour voir ce qu’il y a derrière lui avant de tomber. C’est quelque chose qu’on ne ferait pas dans la vie. Ensuite, ce qui me déplait beaucoup, même si la scène est belle, c’est de voir un cascadeur qui ne se relève pas, parce que la sécurité ou l’entraînement n’ont pas été à la hauteur. Les chinois sont des spécialistes de ce genre de choses...

Vous voulez dire que beaucoup de leurs cascadeurs partent à l’hôpital ?

Oui. C’est leur méthode de travail. Ils considèrent que sur le groupe, il est normal qu’il y ait des dégâts quand les cascades sont compliquées. Mais moi, je ne peux pas accepter ça.

Quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez de vos collaborations avec Luc Besson ?

J’ai un bon souvenir du tournage de Angel-A. Nous avons tourné des trucs assez marrants, comme Jamel Debbouze suspendu la tête en bas depuis le haut de la tour Eiffel, et aussi des séquences d’action en piscine, toujours avec lui. A la fin d’une scène de piscine, Jamel me dit « Aide-moi Cyril. » Je le prends par la main, et là, il attrape ma veste, et me fait basculer dans l’eau ! J’avais mon portable sur moi, ma clé USB, et tout a été flingué ! (rires) Ce sont des petits moments sympas, où on sort du cadre du travail, et où on découvre le caractère des gens.



Comment vous êtes-vous retrouvé sur le tournage de Die hard 4 ?

Grâce à Luc Besson. Il m’avait demandé de régler les cascades du Baiser mortel du dragon, qui a eu un bon impact aux USA, et ensuite, il m’a dit « Je vais écrire un film pour toi. ». Bon, quand Luc Besson vous dit ça, on l’écoute, et on se dit aussi, avec tout le travail qu’il a… Bref, j’avais un peu oublié ça quand il m’a recontacté pour me demander de lire les dix premières pages de Banlieue 13, et m’a dit « Si ça te plaît, on continue le projet ». J’ai été emballé, on a fait le film, et on a eu la chance qu’il sorte aux USA, et que le DVD circule beaucoup là-bas. Len Wiseman, le réalisateur de Die Hard 4, est tombé sur le DVD. Il a aimé le film, a vu le making of dans lequel on parle de mon travail, et a eu envie de bosser avec moi. Avant de m’appeler, il a montré le DVD à Bruce Willis, et ils ont tous les deux convenu de me donner un rôle dans le film.

Comment s’est passé votre première rencontre avec eux ?

Très bien. J’étais un peu stressé, même si j’ai une cinquantaine de films derrière moi, parce que j’avais le sentiment d’entrer dans la cour des grands. Je suis un petit français qui vient de Fauville, un village de 300 habitants qui se trouve en Normandie, et tout d’un coup, je me suis retrouvé à Hollywood, dans les studios Universal, sur une production de la 20th Century Fox, avec Bruce Willis ! Forcément, c’est impressionnant ! C’est Len Wiseman que j’ai rencontré en premier. C’est un garçon très calme, très cool, qui me racontait les scènes de manière précise et logique. Et tout d’un coup, je me suis retrouvé le soir même, avec Bruce, sur le tournage.

Ça s’est passé aussi rapidement ?

Oui, j’ai été appelé assez tardivement sur le casting, parce que j’étais pris avant par une publicité que je tournais en Corée. Donc, le lendemain de mon arrivée aux USA, je tournais une scène où je me retrouvais sur le capot de la voiture de John McLaine. Mais je ne savais pas que Bruce Willis serait présent ce soir-là. Je pensais que ce serait une doublure. Len m’a simplement dit : « Bon tu es sur le capot, et tu essaies de viser le conducteur qui est à l’intérieur, qui va donner un coup de volant pour te faire bouger. C’est tout ce que l’on tourne ce soir. » Je me mets sur la voiture, j’entends « Moteur ! », puis je vois un type qui arrive en courant, qui se met au volant, et c’était Bruce Willis. Ce qui était bizarre, c’est que j’étais collé au pare-brise, lui était juste derrière, et il jouait le type qui a peur de se faire flinguer uniquement pour moi, car la caméra était dirigée de mon côté et pas du sien ! J’étais aux premières loges et c’était moi qui avais l’impression de lui faire peur avec mon pistolet ! (rires) C’était magique ! Je ne l’avais jamais vu ailleurs que sur un grand écran, et j’étais donc un peu dans un autre monde…Mais le professionnalisme a vite repris le dessus et nous avons travaillé tout à fait normalement.

Comment est Bruce Willis sur un tournage ?

J’avoue que j’avais un peu peur au début. On m’avait dit « Tu vas voir, il est un peu froid, un peu dur ». Personnellement, je n’ai rien vu de tout ça. Bruce, à chaque fois, qu’il me voyait, me disait toujours un petit mot en français, du genre « Comment tu vas ? » ou « Qu’est-ce que tu as fait hier soir ? », toujours un petit truc sympa. Après une scène d’action, il me demandait « C’est bien, ce que j’ai fait ? », et moi, je lui disais oui. En dehors de ça, on apprend beaucoup avec lui. Il a une expérience incroyable des films d’action. Il y est chez lui ! On le mettrait en chaussons avec son pyjama, il serait quand même crédible dans n’importe quelle scène !

Je crois que vous vous battez avec lui dans la dernière scène du film. Comment vous êtes-vous entraîné avec lui ? Est-ce que les gens de la production étaient un peu inquiets que vous abîmiez leur précieuse vedette ?

Pour les choses les plus dangereuses, comme ce moment où je dois lui donner deux coups de pieds en me tenant à une barre, Bruce était remplacé par une doublure. On a souvent tourné ensemble, mais quand j’allais au contact avec lui, c’était la doublure qui se battait avec moi. En tout, le tournage de cette scène s’est étalé sur quatre jours. Bruce s’investit énormément dans le film, et il est vraiment intéressé par ce qui se passe. Il parle avec tous les techniciens, va voir le cadreur pour lui demander s’il veut qu’il bouge un peu pour que ce soit mieux pour lui, etc.

Est-ce qu’il lui arrive aussi de plaisanter ?

Tout le temps ! A un moment donné, Bruce se trouvait dans un camion qui bougeait dans tous les sens pendant qu’on lui tirait dessus. Il disait son texte, en ajoutant sans cesse des « Fuck » dans ses répliques. A ce moment-là, Len a crié « Coupez », et est venu dire à Bruce « On refait la même prise, mais sans le « Fuck » ». Bruce l’a regardé en fronçant les sourcils et lui a dit « Mais de quel « Fuck » tu parles ? Je dis « Fuck » tout le temps ! ». (rires)

Quels sont vos dessins animés Disney préféres ?

J’ai adoré Alladin, et Monstres et compagnie.

Vos films d’action préférés ?
Tout la saga Piège de cristal, Predator, et le cinéma d’action des années 80.

Vos jeux vidéo préférés ?

La saga Burnout sur X-Box 360, et les jeux de plateforme, comme les Mario en 3D, qui sont géniaux. Je joue aussi beaucoup sur ma playstation 2.

Vos BD préférées ?

Sans hésiter, tous les Astérix !

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