The Witcher sur Netflix : La nouvelle saga d’Heroic Fantasy. Entretien exclusif avec la showrunneuse Lauren Schmidt Hissrich, 1ère partie
Article TV du Samedi 08 Fevrier 2020

L’adaptation à grand spectacle des romans d’Andrej Sapkowski, plébiscitée par les fans, est un nouveau coup de maître pour Netflix.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

C’est sous le titre LE SORCELEUR que l’œuvre à succès de l’écrivain polonais Andrej Sapkowski - traduite en 34 langues et transposée en trois bestsellers mondiaux du jeu vidéo – a été publiée en France par les éditions Bragelonne. Le héros de cet univers est Geralt de Riv, un des chasseurs de monstres de la caste des Sorceleurs, engagés pour éliminer les créatures de toutes sortes qui menacent la population. Tolérés parce qu’utiles, mais craints et rejetés à cause de leurs pouvoirs surnaturels et de leur grande longévité, les Sorceleurs vivent en parias. Geralt – incarné dans la série par Henry Cavill (MAN OF STEEL, MISSION IMPOSSIBLE FALLOUT) - ne fait pas exception à la règle, mais son existence n’est pas solitaire pour autant : il protège une enfant, la princesse Ciri (Freya Allan) dont le royaume a été entièrement ravagé, et vit une histoire d’amour avec la belle sorcière Yennefer (Anya Chalotra). Dans ce monde en proie à de nombreux sortilèges, les pires monstres ne sont pas toujours ceux que l’on croit, comme Geralt le constate au cours de ses aventures…Nous nous sommes entretenus avec la productrice et scénariste principale de la série pour lui demander comment elle a entrepris le travail titanesque d’adaptation de cette saga.



THE WITCHER n’est pas votre première collaboration avec Netflix, puisque vous avez été la co-productrice exécutive de deux excellentes séries, DAREDEVIL et THE UMBRELLA ACADEMY, que nous avons suivies avec plaisir…

Merci ! DAREDEVIL et THE UMBRELLA ACADEMY ont été des entraînements très utiles. Si je n’avais pas travaillé sur ces deux séries, je ne serais pas là pour parler de THE WITCHER avec vous !

Comment le projet de transposer en série les romans de THE WITCHER a-t-il débuté ? Et comment avez-vous été impliquée dans ce processus ?

Netflix avait déjà entamé depuis un moment des discussions avec l’auteur des romans, Andrezj Sapkowski, afin de transposer ses livres en série. Je suis arrivée sept mois après le début de ces négociations, alors que Netflix cherchait le ou la scénariste qui pourrait travailler sur cette production. J’avais pris l’initiative de lire le recueil de nouvelles d’Andrej intitulé LE DERNIER VŒU, qui se déroule dans le monde de THE WITCHER, et je l’avais beaucoup aimé. Quand Netflix m’a contactée pour me parler du projet, j’ai pris le temps de bien réfléchir à la manière dont j’aimerais approcher l’adaptation de cet univers, car il est énorme, complexe, très détaillé, et je ne voulais en aucun cas le simplifier et risquer de nuire à l’expérience de sa découverte par les téléspectateurs. Je souhaitais aussi m’assurer que si je m’occupais du projet, je pourrais lui rendre justice en créant une transposition de grande qualité que Netflix aimerait et dont je serais fière. Ensuite, j’ai lu tous les romans de la saga pour en cerner les thèmes principaux, les grands enjeux dramatiques et émotionnels. Les éléments majeurs de ces histoires ne sont pas nécessairement la magie et les monstres, même s’ils y jouent un rôle important. Ce que l’on trouve au cœur de ces récits, c’est la notion de famille, et elle est également bien présente dans la série. C’est grâce à elle que nous incitons les spectateurs à s’attacher à ces personnages, et leur donnons envie de les suivre sur les chemins de leurs vies.

Qu’aimez-vous le plus dans les romans d’Andrezj Sapkowski ?

Deux caractéristiques de ses livres m’ont étonnée. La première, c’est la force des personnages féminins. J’en ai parlé dès le début avec Andrej. J’ai été frappée de constater que dans les romans d’Heroic Fantasy des années 90, les femmes sont puissantes et dotées d’une grande force de caractère. Quand je lui ai dit cela, Andrej m’a répondu en plaisantant que si cela m’étonnait, c’est parce que je n’avais jamais rencontré sa mère ! (rires) Il y a des raisons historiques qui permettent de comprendre pourquoi cette représentation des femmes est si forte. Andrej est polonais, et il faut se souvenir qu’une grande partie des hommes de son pays a péri pendant la deuxième guerre mondiale. De ce fait, les femmes ont dû occuper de nouvelles fonctions pour les remplacer, non seulement pour subvenir aux besoins de leurs foyers, mais aussi pour assurer les responsabilités administratives, politiques et décisionnaires de leurs communautés et des entreprises locales. Ces femmes sont devenues des dirigeantes fortes et indépendantes tout en assumant leurs rôles de mères et d’épouses. On retrouve cela dans les romans d’Andrej, où elles sont les égales des hommes à tous les points de vue. La seconde chose qui m’a surprise, c’est l’importance de l’humour dans ces histoires. Habituellement dans la Fantasy, les personnages sont aux prises avec des forces maléfiques terribles, et on décrit de grandes batailles au cours desquelles le bien s’oppose aux forces des ténèbres, dans une ambiance forcément très sombre. Ces mondes sont souvent conçus en « noir et blanc », avec des héros honnêtes, sincères et courageux d’un côté, et des méchants diaboliques de l’autre. Dans ses œuvres, Andrej fait vivre ses protagonistes comme de vraies personnes confrontées à des circonstances dramatiques, qui surmontent ces difficultés grâce à leur sens de l’humour. Rire est l’un des mécanismes de défense les plus puissants de l’esprit humain. Tant que l’on a encore la force de voir le côté ironique des événements, on peut supporter des choses pénibles. C’est l’autre caractéristique des romans d’Andrej que j’aime particulièrement.

Quelles ont été les premières étapes de la transposition des romans en épisodes de la série ?

J’ai d’abord lu tous les romans, afin de choisir quelle serait l’histoire qui nous permettrait de présenter au mieux cet univers aux téléspectateurs au cours de cette première saison. Je voulais présenter le monde de THE WITCHER au public de la manière la plus naturelle possible, sans faire passer trop d’informations dès le début, ni le noyer sous un flot de protagonistes ou d’événements complexes. Inversement, je ne souhaitais pas délayer ni trop simplifier les choses, notamment en ce qui concerne la situation politique et les luttes pour le pouvoir. Il fallait trouver la juste mesure pour concevoir un mode de narration intéressant, agréable à suivre, puis choisir l’histoire qui nous permettrait de construire les fondations de cet univers, et de présenter les personnages et les différentes facettes de leurs caractères. Pour rendre hommage à la richesse et à la complexité de la création d’Andrej, j’ai choisi le récit dans lequel on retrouvait tous les éléments clefs des romans : les conflits de personnalités, les véritables motivations des gens qui engagent notre héros Geralt de Riv, les créatures et les monstres les plus surprenants, tout en essayant de souligner ce qui constitue la grande originalité de ces récits, et ce qui va différencier la série des autres productions de Fantasy que l’on a vus ces dernières années.

La suite de notre dossier consacré à THE WITCHER apparaîtra bientôt comme par magie sur ESI.

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