A l'occasion de la sortie en DVD, Blu-ray et Blu-ray 4K de Furiosa, nous vous proposons de redécouvrir cet entretien avec Anya Taylor-Joy. Le Blu-ray propose deux bonus, "Sur la route du Valhalla : à la poursuite de Furiosa" & "voyage clandestin vers l’inconnu", tandis que le coffret 4K UHD contient trois documentaires supplémentaires : "Bêtes de métal et moteurs sacrés", "L’ange des ténèbres : Anya Taylor-Joy dans le rôle de Furiosa" et "Le messie de la moto : Chris Hemsworth dans le rôle de Dementus".



Tout a commencé pendant le confinement...

ANYA TAYLOR-JOY : « J’ai reçu un SMS d’un réalisateur avec qui j’avais travaillé, Edgar Wright, qui me disait ‘George Miller aimerait te parler’, et j’ai tout de suite senti comme un courant électrique me traverser le corps ! On a commencé par se parler via FaceTime, uniquement pour apprendre à se connaître. Il me posait toutes sortes de questions énigmatiques : Est-ce que j’étais à l’aise sur une moto ? Est-ce que j’étais prête à faire mes propres cascades ? Et il a ajouté ‘Je vais tourner le prologue de FURY ROAD, où on raconte l’histoire de Furiosa, et j’aimerais te faire passer une audition pour le rôle. J’aimerais que tu prononces un discours issu du film NETWORK, MAIN BASSE SUR LA TÉLÉVISION’. J’étais folle de joie, d’abord parce que j’adore cette saga, si bien que la perspective de participer à cet univers m’enthousiasmait ! Et puis, quand j’ai lu le scénario de NETWORK, j’ai compris pourquoi George m’avait confié ce projet. Dans la scène qu’il voulait que je joue, un présentateur encourage les téléspectateurs à se battre pour des causes justes car le monde où ils évoluent est diabolique. Je crois que je lui ai envoyé deux ou trois prises, et ensuite George m’a appelée pour me faire de toutes petites remarques. En fonction de ses commentaires, je refaisais la scène et on rectifiait le tir en temps réel. Je n’oublierai jamais le moment où j’ai appris que j’avais décroché le rôle ! C’était irréel. Je me souviens du jour où l’info a été postée sur Internet. J’étais dans mon appartement, toute seule, à Belfast où je tournais THE NORTHMAN, et je me suis mis à tourner en rond en criant. J’étais folle de joie ! »

S’approprier le personnage

ANYA TAYLOR-JOY : « Je crois qu’il faut s’approprier le personnage. On peut rester fidèle aux fondements d’un personnage, tout en y injectant sa propre personnalité. Dès que j’ai lu le scénario, je me suis dit que j’avais beaucoup de chance. Je n’ai eu ce sentiment que trois fois. La première fois, c’était pour mon tout premier film, THE WITCH, mais je ne me suis rendu compte que le personnage de Thomasin me correspondait totalement qu’à la fin du tournage. Ensuite, pour Beth, dans Le Jeu de la dame, j’étais consciente que c’était le genre d’histoire que je pouvais raconter parce que j’avais l’impression d’être en avance sur le récit et que je pouvais le raconter avec du recul. Dès que j’ai lu FURIOSA, je me suis tout de suite dit que c’était l’un de ces projets où j’aurais du mal à me dissocier du personnage, que j’aurais le sentiment d’être moi-même plongée dans cet univers, et que l’univers de la Désolation allait me sembler palpable. Je crois donc que je n’ai pas beaucoup réfléchi à la manière de m’approprier le personnage : Furiosa m’a tout simplement semblé tangible, réelle ».

« Je me souviens qu’au tout début, on avait de très longues conversations avec George pendant quatre ou cinq heures, et un jour, il m’a demandé de justifier la raison pour laquelle on s’engageait dans ce projet. ‘Tu dois me dire, en quelques mots, pourquoi on tourne ce film’. Pour moi, il s’agit d’un conte moral. Il se déroule dans un univers fascinant, d’une beauté hors du commun, auquel chacun a contribué sur le plan artistique. Mais la réalité de cet univers n’est pas si éloignée du nôtre, et c’est ce qui m’a poussée à vouloir raconter cette histoire et qui m’a permis de comprendre le fait que Furiosa soit légitimement obsédée à l’idée de revenir à la Terre Verte. Je crois que c’est un enjeu dont les gens ne vont pas tarder à prendre conscience, si ce n’est déjà fait : l’impératif de protéger notre planète. En matière de travail d’acteur, j’ai tellement d’affection et d’admiration pour Furiosa – et elle me tient tellement à cœur – que je voulais seulement que mon jeu soit le plus juste possible. J’étais sous l’emprise de Furiosa et c’était donc difficile de m’en affranchir. J’espère que cela signifie que mon interprétation était convaincante parce que tout ce qui m’importait, c’était de raconter l’histoire de ce personnage avec authenticité ».

Un long entraînement

ANYA TAYLOR-JOY : « À ce jour, je n’ai toujours pas le permis de conduire. Je sais faire un freinage à 180° [consistant à foncer à toute vitesse, puis à actionner le frein à main pour que le véhicule s’immobilise en effectuant un demi-tour, NdT], mais je ne sais pas faire de créneau ou conduire sur l’autoroute. Mon apprentissage de la conduite a été très différent de celui de la plupart des gens. J’étais très séduite par la dimension physique du rôle. Je voulais réaliser autant de cascades que possible et George m’y a beaucoup encouragée. Du coup, j’ai commencé à m’entraîner un an avant le début du tournage aux côtés de ma formidable doublure cascades, Hayley Wright. On a suivi exactement le même entrainement. Je n’ai jamais été très à l’aise sur un vélo, si bien que me retrouver du jour au lendemain sur une moto était un vrai saut dans l’inconnu. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir m’initier avec les meilleurs experts, et je fais désormais partie d’une formidable communauté de cascadeurs, car tous ces gens ont été extrêmement bienveillants et généreux de leur temps avec moi. Il fallait que j’apprenne à piloter une moto, que je sache évoluer d’une 150 cm 3 à une 450 cm 3 , que j’apprenne à me sentir totalement à l’aise au volant, parce qu’au fond, il s’agissait d’atteindre mes objectifs. Et puis, j’ai fait une incroyable remise en forme. Le plus fou, c’est que j’ai fait plus d’exercices physiques au cours de l’année qui a précédé le tournage que pendant le tournage à proprement parler. Et pourtant, j’étais plus en forme que jamais, et c’était d’autant plus important que piloter un Porte-Guerre mobilise ses moindres muscles. Le trajet que j’avais à faire pour aller sur le plateau et le tournage de mes scènes ont fait office d’entraînement physique, et je suis assez fière de ma condition physique à ce moment-là ».

« En tant qu’actrice, en tant qu’artiste, j’essaie toujours de me dépasser moi-même, et c’est ce qui me permet d’être capable de jouer, d’être à la hauteur. Le fait que Furiosa ne parle pas beaucoup ne m’a jamais gênée parce que j’avais le sentiment que cela faisait partie du personnage. C’était très légitime qu’elle soit taiseuse. Concrètement, pour moi, il s’agissait de m’appuyer sur ma gestuelle, sur mes regards, sur mes respirations, pour exprimer des choses. Cela m’a ouvert tout un nouvel univers de jeu d’acteur car je devais rester dans un certain périmètre. Il fallait que je sois inventive dans ma manière de raconter cette histoire. C’est ce qui rendait les grandes scènes d’autant plus libératrices, et cela correspondait très bien au personnage. Quand on y réfléchit, elle a très peu de marge de manœuvre pendant la plus grande partie du film. Elle est patiente et accepte le moindre petit changement dans sa situation pendant très longtemps. Quand elle a enfin plus de pouvoir, j’ai, moi aussi, ressenti cette émancipation. Il fallait que j’explose dans les premières prises et c’était dément ».

La détermination de Furiosa

ANYA TAYLOR-JOY : « Je la trouve totalement déterminée. Quand elle se met en tête de faire quelque chose, elle met tout en œuvre pour y parvenir. Cela commence très tôt… Parfois, je me demandais ce qui se serait passé si elle n’avait pas été enlevée dans la Terre Verte. Elle aurait sans doute mené une vie heureuse et aurait été tranquille. Mais ce n’est pas ce qui l’attendait. Elle a été kidnappée. Et dès l’instant où elle comprend que dans la Désolation, on ne pardonne pas la bienveillance, elle fait une promesse à sa mère. C’est la seule chose qui compte : ‘Peu importe le temps que ça te prendra, peu importe ce que tu dois faire, reviens en Terre Verte’. Ce qui me fascine dans l’histoire que George a imaginée, c’est qu’à partir du moment où elle comprend que c’est de moins en moins probable, ça ouvre la boîte de Pandore : elle ne sait plus comment canaliser sa détermination et son énergie. Dès lors, tout cela excite Dementus. Elle projette toute sa souffrance, toute sa détresse – tout – sur ce seul homme ».

« Au cours de mes premières discussions avec George, certaines expressions revenaient constamment. Par exemple, ‘la survie dans des conditions extrêmes révèle la vraie nature d’une personne’, et cela nous a servi de boussole. Quelle est la véritable nature de chacun de ces personnages… étant donné que la survie dans des conditions extrêmes permettra de la révéler ? Une autre expression qu’il répétait était ‘Furiosa apprend tout du premier coup’. Elle apprend vite car autrement, dans la Désolation, on ne survit pas : on n’a pas de deuxième chance. Elle est extrêmement douée et observatrice et trouve toujours le moyen de se rendre utile, et c’est que lui donne une véritable opportunité, par la suite, quand elle prend rapidement conscience de la hiérarchie qui règne dans la Citadelle. Elle comprend qu’elle a toute sa place dans ces extraordinaires machines, à l’exemple du Porte- Guerre. George voulait que je comprenne le fonctionnement de ces machines – et comme je dis toujours, à chaque fois que je vois le Porte-Guerre, sachant tout ce que j’ai appris, je suis époustouflée ».

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