Les effets visuels de Je suis une Légende
Article Cinéma du Mardi 08 Novembre 2016

Entretien avec Jim Berney, superviseur des effets visuels de Je suis une légende(2008)

Jim Berney a contribué aux effets visuels les plus marquants des dernières années. Il est intervenu sur Godzilla, Starship Trooper, et Anaconda en tant que superviseur des effets d’éclairages 3D, puis a supervisé les effets numériques de L’homme sans ombre, Le seigneur des anneaux : les deux tours, Matrix Reloaded, Matrix revolutions et le premier opus de la saga Harry Potter. Depuis qu’il a rejoint le studio Sony Imageworks en 1996, Jim Berney a exercé les fonctions de superviseur des effets visuels et superviseur des effets 3D sur de nombreux projets, tels Stuart Little et Le pôle express (dont il a dirigé la conversion en relief, au format Imax 3D)...

Il a supervisé récemment la création de plus de 500 plans des Chroniques de Narnia et notamment les scènes où l’on pouvait voir le couple de castors, le renard et le loup lieutenant qui mène l’armée de la sorcière blanche. Je suis une Légende, sur lequel il travaillait encore au moment où cet entretien a eu lieu, constituait un défi technique et artistique majeur. En plus des décors hallucinants d’un New York désert, envahi peu à peu par la vie sauvage, Jim Berney et son équipe devaient aussi créer les mutants carnivores qui ont juré la perte de Neville, le seul homme qui ait échappé à l’infection.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Quels sont les procédés que vous avez employés pour créer ces vues stupéfiantes des rues désertes de New York ?

La plupart de ces scènes ont été filmées sur place, à l’exception de quelques-unes sur lesquelles je reviendrai plus tard. Nous avons tourné à Manhattan, en pleine journée, et en bloquant des rues les unes après les autres. Nous nous sommes débrouillés pour ne filmer personne, mais cela n’a pas toujours été possible. Chacun de ces plans a été retouché par la suite pour effacer les « signes de vie » que l’on pouvait voir : des passants au loin, la circulation, et tous les éclairages, qu’il s’agisse des feux de circulation, des enseignes de magasins, etc. Ces retouches-là étaient relativement faciles à faire. En revanche, effacer les éclairages des bureaux des gratte-ciels et des magasins a été un vrai casse-tête. Les tubes néons éclairent fortement ces espaces intérieurs. Nous ne pouvions pas nous contenter de gommer les sources d’éclairage, car ces bureaux et ces magasins seraient apparus bien trop lumineux. Il a donc fallu recréer en 3D l’intérieur de tous les décors éclairés qui se trouvaient au premier plan et les intégrer dans les façades.

Avez-vous réutilisé certaines des « boîtes » 3D qui représentaient des intérieurs des bureaux et d’habitations qui avaient été créées pour détailler les immeubles de Spider-Man 2 et 3 ?

Non, malheureusement, parce que ces décors ne correspondaient pas à l’atmosphère post-apocalyptique de I am legend. Selon les cas, nous avons employé soit des décors 3D, soit des peintures 2D qui ont été déformées selon les perspectives des plans pour correspondre à l’axe de la caméra.

Etiez-vous présent pendant toute la durée du tournage de ces scènes à New York ?

Oui. Je suis resté pendant sept mois à Manhattan.

Savez-vous combien de rues ont été bloquées pour les besoins de ce tournage ?

Oh... énormément. Je ne peux pas vous citer un chiffre précis, mais de mémoire, je dirais plus d’une centaine. Nous nous sommes déplacés un peu partout dans Manhattan. Nous avons tourné aussi certaines scènes en studio, mais le tournage dans les rues a duré plus de cinquante jours à lui seul.

Le plan où l’on voit Will Smith avancer parmi les hautes herbes qui ont envahi Time Square a-t’il été créé en studio ?

Oui. Il fait partie de ces rares scènes que nous n’avons pas pu tourner sur place. Time square est une artère trop importante de Manhattan pour que la municipalité accepte de la bloquer. De plus, ses perspectives s’étendent sur plusieurs kilomètres. Et il y a aussi tous ces énormes panneaux publicitaires avec des néons animés, que nous aurions dû effacer. Pour toutes ces raisons, il était impossible de tourner là. Nous avons donc créé un petit décor de hautes herbes devant un écran bleu, en studio, dans lequel Will Smith pouvait évoluer. Nous avions placé aussi quelques carcasses de voitures au premier plan. Pour créer le décor virtuel autour de lui, nous avons pris des photos haute définition de Time Square, fait des relevés télémétriques de cet endroit, recréé les volumes des immeubles en 3D, puis appliqué les photos des façades sur ces volumes. Nous avons supprimé tous les éléments qui posaient problème – éclairages, enseignes au néon, drapeaux, affiches – pour obtenir l’image finale de cette version délabrée et inerte de Time Square.

J’imagine que vous avez dû employer différentes méthodes pour créer ces décors vides. Pourriez-vous nous décrire les autres ?

Volontiers. Dans certains cas, quand le plan était fixe, nous avons simplement retravaillé les décors autour de Will Smith en 2D, en effaçant ce qui devait l’être et en peignant de nouveaux éléments par-dessus. Ces plans-là devenaient des matte painting numériques. Quand la caméra faisait un petit mouvement panoramique, nous pouvions encore intervenir seulement en 2D, en modifiant le décor tout au long du mouvement latéral. En revanche, si le mouvement était plus important, s’il s’agissait par exemple d’un travelling latéral ou avant, nous étions obligés de reconstruire approximativement la géométrie des immeubles en 3D, de les réinsérer dans l’image, puis de projeter de nouvelles façades vieillies et retouchées dessus. Nous avons utilisé le logiciel Cinema 4D pour faire cela. Pour récapituler nos interventions, globalement, nous commençons toujours par effacer les signes de vie, puis nous vieillissons un peu les façades des immeubles pour tenir compte des trois années qui se sont écoulées dans l’histoire depuis le début de l’épidémie. Nous ajoutons ensuite une couche de poussière sur les fenêtres des immeubles, ce qui retire les brillances des surfaces propres, nous dessinons des traces de saleté sur les façades. Nous retirons aussi tous les drapeaux et les remplaçons par des versions sales et déchirées, et nous faisons de même avec les auvents en tissu qui sont placés à l’entrée de certains immeubles ou au-dessus des vitrines des magasins.

Avez-vous ajouté aussi des détails pour répondre aux besoins du script ?

Oui. Au début du film, on assiste à l’évacuation de la population, qui a lieu pendant les fêtes de Noël. Comme vous le savez certainement, on voit énormément de décorations pendant les fêtes de fin d’années à New York. Nous avons donc ajouté ces ornements dans les décors, ainsi que des traces de pillages de magasins, des étalages de marchandises renversés, des vitrines cassées, etc.

Est-ce que cela signifie que certaines femmes contaminées se promènent avec des rivières de diamants de chez Tiffany autour du cou ?

(rires) Non, car les pillages ont lieu pendant une période très courte, alors que les gens essaient de s’enfuir. Mais peu après, ils meurent ou sont contaminés, et se désintéressent de ces objets-là !

Pouvez-vous nous expliquer en détail comment vous avez reconstitué en 3D certains décors grâce à la télémétrie dont vous parliez auparavant ?

Oui. Nous utilisons des télémètres laser comme ceux qui sont employés pour la préparation des travaux dans les lieux publics. Je pense que beaucoup de gens ont déjà eu l’occasion de voir des équipes de construction en utiliser dans les rues. Ce sont généralement des appareils que l’on pose sur un trépied, avec un objectif dans lequel l’opérateur regarde. Il « vise » un endroit au loin – le bord d’un trottoir, une façade d’immeuble, le milieu d’une route – et lorsqu’il appuie sur un bouton, l’appareil projette un rayon laser et mesure instantanément la distance parcourue par ce rayon. Donc à chaque fois que l’on prend une mesure à partir d’un endroit fixe, on obtient aussi la position d’un point dans un espace en trois dimension. Si vous prenez des centaines de mesures sans bouger l’appareil, en quadrillant tout le paysage urbain, vous pouvez recréer une image 3D grossière des architectures qui vous environnent. L’intérêt de cette méthode , c’est que vous pouvez lisser cette image 3D grossière et corriger ses détails pour qu’ils correspondent mieux au décor que vous avez « scanné » pour obtenir un support en trois dimensions sur lequel pour pourrez ensuite plaquer les photos haute résolution des vraies façades, photographiées de face. Il faut retoucher un peu ces photos pour les encastrer dans les volumes 3D, mais l’intérêt, c’est que vous réinjectez ainsi dans les décors virtuels les vraies couleurs et les vraies textures des rues de New York. Ensuite, le décor 3D que vous obtenez peut être intégré dans plusieurs plans, sous différents axes, et on peut même se déplacer dans ces environnements.

Dans certaines scènes du film, on évolue donc dans des décors qui sont en fait des photographies 2D déformées, sans que l’on puisse s’en rendre compte ?

Exactement. Mais nous sommes aussi intervenus sur les sols. Nous avons créé des revêtements de route fendillés et craquelés, avec des herbes qui se mettent à pousser dans ces interstices. Un des décors représente une canalisation d’eau qui a explosé en créant un cratère. L’eau qui s’est déversée là a eu pour effet d’accélérer la croissance des mauvaises herbes, et aussi de créer des flaques, des petits étangs qui attirent la faune sauvage.

Vous avez créé tous ces éléments en 3D ?

Oui, c’était une obligation, car dans certaines scènes, le héros traverse New York en voiture, et il fallait montrer les interactions entre les pneus de son automobile, les flaques d’eau, et les mauvaises herbes. Nous avons animé des éclaboussures et les herbes qui s’aplatissent sur le passage du véhicule.

J’ai remarqué un plan de la bande-annonce où l’on peut voir la voiture de Will Smith foncer dans les rues désertes. Il s’agit d’un plan en plongée, vu presque à la verticale, à plusieurs centaines de mètres du sol, comme depuis un hélicoptère. A-t’il été réalisé en 3D ?

Ah oui... J’avais presque oublié ce plan. Figurez-vous qu’il n’est plus dans le film ! Il faisait partie des tout premiers plans que nous avions livrés et il était effectivement réalisé en 3D. Comme nous avons dû le faire très rapidement, je crois que nous avons recyclé un ou deux immeubles de Spider-Man pour créer ce paysage vu du ciel.

Savez-vous pourquoi ce plan a été coupé ?

Pas vraiment. Je crois que le réalisateur a préféré utiliser un autre plan, tout simplement.
Vous disiez que la faune sauvage était présente dans ce New York désert. Quels animaux voit-on dans le film ?

Nous avons ajouté beaucoup de créatures volantes : des oiseaux, des chauves souris, des insectes. Leur présence est très importante, car elle permet d’ajouter un peu de mouvement dans ces grands décors vides. Plutôt que d’utiliser de la musique, le réalisateur a choisi d’utiliser les bruits de ces animaux dans toutes les scènes où l’on voit Will Smith se promener dans les rues avec son chien. L’effet produit est saisissant, car au lieu des bruits de voitures, des klaxons et des sirènes de police que l’on entend constamment à New York, on se retrouve dans un environnement sonore composé du bruit du vent et des cris de cette faune sauvage. En se promenant en voiture, Will Smith croise la route d’un groupe de rennes, qu’il se met à poursuivre pour les chasser, et s’en nourrir. On peut voir ce troupeau dévaler dans les rues de Manhattan et bondir par-dessus les épaves de voitures. Ces animaux ont été entièrement créés en 3D.

Leur animation est remarquable. On jurerait voir de vrais rennes.

Merci ! Un peu plus tard, lorsqu’il arrive à Time Square, il croise une lionne et son lionceau, qui chassent aussi, et qui sont également faits en 3D. A l’intérieur du Metropolitan museum, Will Smith utilise un bassin pour faire de la pisciculture. Il vient s’y approvisionner régulièrement en poissons. Nous avons remplacé l’eau du véritable bassin et l’avons remplacée par un eau 3D grouillante de poissons.

Une autre partie de la faune est contaminée...

Oui. Les premiers animaux infectés que l’on voit dans le film sont des rats. Neville, le personnage qu’incarne Will Smith, les utilise pour mener des expériences. Il essaie de trouver un remède à cette maladie qui frappe les animaux et les humains, et à laquelle il est le seul à être naturellement immunisé. Nous avons créé et animé ces rats, ainsi qu’une meute de chiens infectés qui poursuit Neville. L’un d’entre eux arrive à le rattraper et le renverse. On voit alors Neville lutter avec lui et le tenir à distance avec ses bras.

Comment cette scène de lutte avec le chien a-t’elle été réalisée ?

Elle a été tournée dans la gare de Grand Central Station de New York. Nous avons été obligé de bloquer le passage sur une des rampes d’accès pendant une semaine. La scène a été tournée de manière assez simple, en fait. Will faisait semblant d’être poursuivi par les chiens, puis au moment où l’un d’entre eux est sensé le plaquer à terre et sauter sur sa poitrine, il y avait un gars avec une marionnette de tête de chien qui jouait le rôle de l’animal. C’était assez amusant à voir ! Ensuite, l’image de la marionnette a été effacée et remplacée par le chien animé en 3D. Il y a aussi un autre chien qui court à toute allure et bondit vers Neville, qui tire plusieurs fois sur lui. Le chien retombe, déjà mort, et Neville dévie sa chute de la main pour éviter que le cadavre du chien ne tombe sur lui. Nous avons simulé très simplement le contact entre le chien et Will en lançant un petit sac de sable sur sa main. Par la suite, le sac a été effacé et le chien 3D ajouté à sa place.

Patrick Tatopoulos nous a expliqué qu’il avait créé des statuettes et des bustes des personnages infectés. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez transposé son travail en 3D ?

Le réalisateur avait choisi un acteur et une actrice pour jouer les deux principales créatures infectées, et il y avait aussi huit autres acteurs qui jouaient les créatures secondaires. Nous les avons scannés en 3D afin que Patrick puisse commencer à travailler sur des proportions qui correspondaient vraiment à celles des acteurs. Il fallait que les articulations restent positionnées aux mêmes endroits, car nous savions déjà que nous allions utiliser au moins en partie la technique de la capture de mouvements pour animer ces personnages. Il fallait donc que les enregistrements ultérieurs des acteurs puissent être « insérés » dans les images de synthèse des personnages dont Patrick allait imaginer le design. Il est donc parti de ces proportions obtenues par scanning et a créé plusieurs sculptures. Il a sculpté notamment un corps entier, qui mesurait à peu près 80 cm de hauteur et que nous avons scanné, ainsi que deux bustes grandeur nature du mâle Alpha et de la femelle Alpha, qui sont les chefs des créatures infectées. Nous avons scanné et remodelisés ces deux bustes en 3D. Cette procédure nous a permis d’obtenir la topologie extérieure de la peau des personnages. Nous avons modélisé ensuite tout ce qui se trouve à l’intérieur des corps des personnages, en différentes couches superposées qui intéragissent les unes par rapport aux autres : les os, les masses musculaires et les tendons, le réseau des veines, puis la peau à l’intérieur de laquelle nous avons intégré les veines plus fines. Lorsqu’elles sont éclairées, ces créatures ont une peau légèrement translucide. On peut voir les veines capillaires, les muscles et les tendons. Et quand un éclairage très violent les traverse, on peut voir aussi les organes internes et les os du corps. Le résultat final est très réaliste. Je pense que les spectateurs vont être surpris quand ils vont découvrir ces créatures. Je crois que le travail qui a été accompli par Patrick et par nous d’après les souhaits du réalisateur a permis de créer des personnages qui sont étonnants, mais qui restent crédibles. Il ne s’agit pas de créations délirantes comme on peut en voir dans certains films d’horreur. On comprend bien qu’il s’agit d’êtres malades, mais ils paraissent réels.



Créer des personnages humains en 3D est certainement le défi le plus difficile à relever dans le registre des effets visuels...

Oui. Je crois que l’industrie des effets visuels n’en est pas encore arrivée au point où il lui est possible de créer un être humain animé et parlant indiscernable d’un vrai comédien. Mais je crois que les créatures que nous avons mises au point constituent certainement une des étapes qui vont dans cette direction. Nous sommes arrivés à créer des détails de peau et de veines qui sont vraiment troublants, et les regards des personnages sont crédibles. Quand vous les voyez, aucun détail ne vous amène à penser qu’ils ne sont pas vrais. Je pense vraiment qu’ils constituent un pas de plus vers la création d’un homme digital.

Diriez-vous que pour arriver à cette étape ultime, il faut encore attendre que les ordinateurs soient plus puissants, et soient capables de gérer des modélisations de personnages qui reproduisent exactement tous les muscles et toutes les parties de l’anatomie humaine ?

Oui. Pour vous donner un exemple concret, les créatures que nous avons développées pour I am legend n’auraient pas pu être réalisées ainsi, avec une telle profusion de détails, il y a un an seulement ! Les capacités de mémoire des ordinateurs sont toujours insuffisantes quand on s’attaque à des personnages humains hyperréalistes.

Quels sont les points qui restent à perfectionner ?

Les créatures infectées du film sont dans la plupart des cas des personnages muets, aux visages hargneux. Il y a très peu de scènes où on les voit parler. Faire parler un personnage hyperréaliste est extrêmement difficile, car il y a énormément de muscles dans un visage humain. Et on ne peut pas les reproduire tous pour animer un personnage 3D, car ce serait beaucoup trop complexe à gérer. Pour le reste, je dirais que la simulation de la peau est au point, tout comme l’animation des yeux. Ce sont les animations corporelles subtiles et les interactions, les contacts entre les personnages qui restent à améliorer.

Combien de créatures humaines apparaissent-elles dans le film ?

Environ 43. Le mâle et la femelle Alpha, les leaders des mutants, sont entourés par 8 « gardes du corps ». Les trente autres personnages infectés qui restent ont chacun des visages et des costumes différents.

Avez vous utilisé seulement de la capture de mouvement, où avez-vous utilisé de la performance capture pour enregistrer aussi les expressions faciales des acteurs ?

Seulement de la capture de mouvements. Les animations de visages ont été faites à la main. Comment nous ne disposions pas de délais énormes pour réaliser les effets visuels de ce film, nous ne pouvions pas nous encombrer de trop de technologie dans certains cas. C’est ce qui nous a poussé à animer les visages « à la main ». L’essentiel de nos essais de recherche et de développement ont porté sur les différentes strates d’éléments visibles au travers de la peau translucide.

L’approche semble similaire à celle de la création des effets de Spider-man. Ces créatures étant presque surhumaines, et il fallait amplifier aussi leurs mouvements en ayant recours à l’animation...

La différence avec Spider-man, c’est que ces créatures ne sont pas non plus des super-héroes. Le métabolisme des mutants fonctionne de manière accélérée, ils ont constamment des décharges d’adrénaline, mais leur capacités physiques ne dépassent pas celles des humains. La vraie différence, c’est qu’ils se moquent complètement d’être blessées ou pas. Ils agissent comme les humains pourraient le faire s’ils se fichaient de leur propre sécurité. Si vous demandez à des cascadeurs de porter des costumes de captures de mouvements rembourrés, et que vous enregistrez des actions où ils bondissent contre un mur ou se jettent à terre, les cascadeurs feront toujours des gestes pour amortir leur chute ou se protéger le visage, ce qui est un réflexe naturel. Grâce à l’animation, nous avons pu montrer les mutants agir comme aucun être humain ne le ferait !

Avez-vous utilisé ces techniques de capture de mouvements dans des décors extérieurs ?

Non, la plupart de ces scènes ont été tournées en studio. Il y a des scènes où les personnages ont été entièrement animés à la main, par exemple quand certains d’entre eux sautent sur la voiture de Neville pour tenter de la stopper. La capture de mouvement a été utilisée énormément pour les scènes de la fin du film, où les créatures réussissent à encercler Neville dans son laboratoire et s’approchent lentement du héros. La scène a été tournée directement dans le décor du labo, avec neuf cascadeurs, et avec Will Smith et les deux autres acteurs principaux. Nous avons utilisé de la capture de mouvement basique pour repérer les gestes des personnages, mais les accessoires et les meubles du décor masquaient souvent des parties de leurs corps. Il a donc fallu les reconstituer presque entièrement dans certains cas, puis les animer à la main. Comme les créatures infectées ont un métabolisme très rapide, elles respirent très vite, ce qui déforme leurs cages thoraciques, et anime leurs épaules. Ces mouvements de respiration rapide influent sur tout le reste de la gestuelle, ce qui rendait l’animation à la main quasiment incontournable.

Quand vous crééz un personnage 3D, vous simplifiez les masses musculaires, le squelette, et certaines parties de l’anatomie. Pourriez-vous nous expliquer les « trucs » que vous utilisez pour obtenir un résultat réaliste tout en simplifiant les structures internes de ces personnages ?

La partie du corps qui est la plus simplifiée est la tête. Nous supprimons beaucoup de muscles et de tendons. Tout simplement parce qu’il est plus simple d’obtenir ces expressions par une animation manuelle.

Est-ce que cela signifie qu’au lieu d’activer des muscles faciaux pour déformer la peau 3D, les animateurs déforment seulement la surface du visage pour créer des expressions ?

Oui. Nous avions peu de temps pour réaliser tous les effets visuels du film. Dans l’idéal, il aurait fallu que nous disposions d’un an et demi pour créer de tels personnages et construire leur anatomie. Mais comme ça n’a pas été le cas, il a fallu s’appuyer surtout sur le talent des animateurs.

Les animateurs pouvaient-ils utiliser aussi des expressions préprogrammées des personnages et les combiner pour en obtenir d’autres ?

Cela faisait partie des options dont ils disposaient, mais dans la plupart des cas, ils animaient les expressions subtiles à la main, car il s’agissait de très gros plans extrêmement précis. Disons que comme nous avons manqué de temps pour développer certaines technologies, nous avons surtout misé sur le talent de nos artistes pour créer les animations plan par plan. Le procédé a été le même pour l’éclairage des scènes avec des éléments 3D. De nos jours, les gens utilisent beaucoup la technique appelée « image based lighting » qui consiste à filmer une sphère chromée sur le plateau de tournage afin d’avoir un repère qui permet de situer la position de chaque projecteur et de mesurer l’intensité et la couleur de la lumière qu’il émet. Ensuite, ces repères permettent de dupliquer cet éclairage réel pour fabriquer un éclairage 3D quasi-identique, qui permet de projeter des sources lumineuses équivalentes sur les personnages et les éléments de décor 3D. Le problème avec les créatures du film, c’est qu’elles n’existent pas. Nous pouvions récupérer les données de l’éclairage du tournage des prises de vues réelles, mais il fallait aussi que nous les éclairions « à la main », plan par plan, pour gérer les effets de transparence de peau que nous voulions obtenir, et pour leur donner l’aspect le plus réaliste possible.

Avez-vous utilisé de la capture de mouvements pour animer les chiens infectés ?

Non. Nous avons simplement filmé des chiens en train de courir afin de donner ces références visuelles aux animateurs.

Y-a-t’il d’autres effets dont vous pourriez nous parler à propos des personnages infectés ?

Oui. Nous avons passé du temps à soigner les petits détails comme la salive et le filets de bave que l’on peut voir sur leurs bouches quand ils parlent. On peut également voir des gouttelettes de transpiration apparaître sur leur peau.

Il y a une scène impressionnante au début du film : la destruction du pont de Brooklyn.
Elle a été réalisée aussi en 3D, avec le logiciel Houdini. L’impact des missiles, les explosions et l’écroulement du pont ont été animés à la main. Nous avons ajoutés des flammes 3D, de la fumée, de la poussière et des débris qui volent et tombent dans l’eau. Par conséquent, l’eau en dessous du pont a été également réalisée en 3D, ainsi que les éclaboussures provoquées par les chutes de débris.

Avez-vous créé un double 3D de Will Smith pour certaines séquences ?

Non. Nous avions anticipé cette possibilité, et nous étions prêts à créer un clone 3D de Will, mais en fin de compte, nous n’avons pas eu à employer cette méthode. Nous nous sommes bornés à coller son visage sur celui d’un cascadeur pour une scène où il tombe en heurtant un élément de décor avec sa tête.

Dans une scène du film, on peut voir des mutants pousser Will Smith au travers d’une baie vitrée. Comme cette interaction entre l’acteur et les personnages 3D a-t’elle été réalisée ?

Cette scène a été découpée en six plans. On voit six mutants courir vers Neville et se jeter sur lui, mais au moment du tournage, il n’y avait en fait qu’un seul cascadeur qui se jetait sur Will Smith, puis le même cascadeur et la doublure cascade de Will Smith qui passaient au travers de la fenêtre pour atterrir sur un matelas. Ensuite, le cascadeur a été effacé et remplacé par un mutant réalisé en 3D.

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