Furiosa : Une saga Mad Max  : Entretien avec Chris Hemsworth (Dementus)
Article Cinéma du Vendredi 21 Juin 2024

Pour l’interprète de Thor, cette aventure a commencé sur un tournage, à Londres. « Je suis allé au cinéma où j’ai vu FURY ROAD et j’ai aussitôt appelé mon agent pour lui dire que c’était le meilleur film que j’aie vu depuis longtemps », se souvient Chris Hemsworth. « Je crois que c’était la première fois, depuis le début de ma carrière d’acteur, que je ne m’attachais pas à la fabrication du film. Car ce qui est un peu dommage, c’est que dès qu’on commence à travailler dans le cinéma, on en connaît tous les secrets, tous les rouages – et pourtant, en voyant FURY ROAD, j’étais tellement absorbé par l’histoire, par l’expérience cinématographique, que j’ai totalement oublié les questions habituelles que je me pose : Comment ont-ils tourné ce plan ? Comment ont-ils filmé cette scène ? À quoi pensait cet acteur ou cette actrice ? Etc. J’étais tout simplement plongé dans le film comme n’importe quel spectateur. Et j’ai donc appelé mon agent et je lui ai dit ‘Il faut que je travaille avec ce réalisateur’. C’était deux ou trois ans avant que je sois contacté pour ce rôle. Et comme si tout était lié, me voilà aujourd’hui ! »

Une expérience nouvelle

FURY ROAD se résumait à une seule et longue course- poursuite, où il y avait certes des personnages, une intrigue et de l’émotion, mais qui se déroulait sur fond d’une incroyable poursuite. « Alors que ce film se déroule sur une quinzaine d’années », explique Chris Hemsworth. « Il y a plus de dialogues, et l’écriture de George [Miller] et de Nico [Lathouris] possède une dimension shakespearienne. Je crois d’ailleurs qu’il y a un peu plus de dialogues que dans tous les autres chapitres de la saga MAD MAX. Il a fallu que j’apprenne des discours, que je les comprenne, que j’en apprenne le rythme, et cela se démarquait donc des autres opus. En général, George réussit formidablement à nous dire qui sont les personnages à travers un regard, un mot, une phrase. Ici, le film se sert beaucoup plus de la langue et des dialogues pour fouiller les personnages, et cela me réjouissait. J’en ai parlé à George et il m’a dit ‘On ne peut pas refaire la même chose. Même si le précédent film était très réussi, le spectateur veut découvrir quelque chose de différent. Il mérite quelque chose de nouveau.’ Et c’est ce qu’il a fait. C’est une autre manière singulière d’évoluer dans l’univers de MAD MAX ».

Dementus

CHRIS HEMSWORTH : « Dementus est un personnage complexe. C’est un pur produit de cet univers – de la réalité violente et âpre de la Désolation. Il a été manipulé et forgé par son parcours, et je crois que sa vie a été une longue tragédie, marquée par la souffrance, la peur, le deuil. C’est ce qui définit la Désolation où tout est aride et désespéré. On survit au jour le jour. On ne se projette pas à six mois de distance, ou même à deux semaines… On ne pense qu’à ses chances de passer la journée, ou la nuit, car tout ce qui vous entoure est susceptible de vous tuer. Dementus est donc un être violent. Comme la plupart des gens qui ont une mentalité de dictateur, il a tendance à exhiber sa violence pour susciter la peur et exercer son emprise sur les autres. Il se comporte de cette façon avec ceux qu’il dirige, mais aussi avec les tribus de la région qui s’affrontent. C’est une bête de scène et il se considère comme une sorte de sage, de porte-parole avisé de la Désolation. Les membres de son gang lui sont loyaux et lui vouent une forme de culte, et il règne d’une main de fer. Mais j’espère que les spectateurs percevront sa profondeur – non pas que je cherche à justifier ses décisions – afin de mieux comprendre pourquoi il se comporte comme ça et pourquoi il commet des actes en apparence aussi terribles, aussi violents. À ses yeux, il s’agit de survivre. Grâce à lui, Furiosa s’endurcit. Il lui explique que c’est dans son intérêt. C’est sans doute dur et tragique, mais elle sera désormais en mesure de surmonter toutes les épreuves qui l’attendent ».

« Ensuite, leurs rapports se tendent de plus en plus. Au départ, il voit chez elle une forme d’innocence et de pureté et elle incarne, à ce titre, ce qu’il a perdu. Il trouve qu’il y a quelque chose de mystique chez elle parce qu’elle vient de la Terre Verte, et je crois que cela éveille un soupçon d’humanité chez lui. Il se dit peut-être qu’elle lui rappelle une autre époque de sa vie, son enfance, sa jeunesse, avant qu’il ne soit lui-même victime de violence. Il est très intrigué par elle – fasciné, épris – et puis il a quasiment une relation paternelle avec elle. Je ne sais pas ce que Furiosa éprouve pour lui, mais je crois que, à ses yeux, il se dit que c’est son devoir, en tant que figure paternelle, de prendre soin d’elle et de la préparer à ce qui les attend. À ses yeux, il agit de manière juste. Le danger quand on joue un méchant, c’est de l’envisager uniquement sous un angle malveillant. Ce type a un côté flamboyant, ce qui m’a amusé. Avec George, on a beaucoup discuté – on s’est parlé pendant des mois avant le tournage – du passé de ce personnage et de la complexité de sa personnalité. Au bout du compte, aux yeux du personnage, chaque acte violent qu’il commet part en réalité d’une bonne intention ».

Comment s’approprier le personnage

CHRIS HEMSWORTH :
« On cerne un personnage de manière progressive. Dans certains cas, je le cerne dès que je lis le scénario, et puis, dans d’autres cas, ils mettent du temps à prendre forme dans mon esprit. On découvre certains détails et on se dit ‘voilà qui pourrait être intéressant, ou différent, ou nouveau et fidèle au personnage’. J’ai consacré beaucoup de temps à m’imprégner du scénario avant le tournage, beaucoup plus que sur la plupart de mes films précédents. Et pendant un bon moment, je ne comprenais pas du tout le personnage. Dans les mois qui précédaient le tournage, j’ai commencé à être stressé. Je n’avais toujours pas cerné sa nature. À chaque fois que je lisais mon texte, il me rappelait Thor ou d’autres personnages que j’ai interprétés. Je souhaitais que le personnage soit agressif, vif, belliqueux, odieux. Et puis un jour, j’étais dans un parc avec mes enfants en train de regarder des mouettes se battre pour quelques chips et la nourriture que les gamins leur lançaient. Et les oiseaux se sont mis à pousser des cris en s’affrontant et cette scène m’a trotté dans la tête. Je ne dirais pas que je me suis entièrement inspiré d’une mouette pour interpréter le personnage, mais ça a joué ».

« Et puis, un autre jour, j’écoutais des courses de chevaux [il s’exprime en imitant le phrasé d’un commentateur] ‘La casaque bleue est en tête !’ Le côté nasal de la voix du commentateur m’a frappé et j’ai continué à l’entendre par la suite, et cela a nourri le personnage. Je me souviens que mon grand-père avait ce côté perché dans la voix, mais il vivait en Australie il y a quarante ans. J’ai donc regardé de vieux films australiens, j’ai écouté de vieilles interviews et je me suis nourri de choses et d’autres. Et puis, deux semaines environ avant le début du tournage, j’ai identifié le timbre de voix et j’ai dû travailler très dur pour le conserver. J’avais le sentiment qu’il s’agissait d’un type nerveux, tendu. Je tenais à m’éloigner le plus possible de la voix que j’avais mise au point pour Thor avec Kenneth Branagh, qui était une voix plus apaisante, plus discrète. Je voulais que la voix soit troublante, dérangeante, qu’elle se situe quelques décibels au-dessus des autres, comme s’il n’entendait pas bien parfois. C’est le genre de voix qui a un côté odieux et agressif. Comme une mouette ».

Les qualités qui distinguent George Miller

CHRIS HEMSWORTH :
« L’humilité et la grâce le caractérisent en toute occasion. Chacun a de l’importance à ses yeux, chacun compte, chacun peut s’exprimer, chacun a l’occasion de faire des propositions et il a une véritable curiosité pour les autres. Il arrive qu’on discute avec lui et qu’il se rende compte qu’il y a quelqu’un d’autre dans la pièce. Il lui demande alors comment il s’appelle et d’où il est originaire. Je pense que c’est grâce à cette curiosité qu’il réussit à raconter des histoires avec autant de force et d’émotion. Il y a tout un tas de détails que la plupart d’entre nous ne remarquons pas et qui en disent long sur lui – et c’est le genre de chose qu’il explore. On croit comprendre quelque chose et puis il vous en donne un autre point de vue et vous vous dites ‘Incroyable ! Je ne l’avais jamais envisagé sous cet angle !’ On se rendait compte qu’il existait une centaine de manières de raconter cette histoire et qu’il était important de rester ouvert à ce vaste champ des possibles. C’était tellement merveilleux de voir cet homme si bienveillant que chacun, sur le plateau, avait envie d’être présent et de se donner à fond. Il possède ces qualités singulières. La plupart des gens qui sont dans une position de leadership cherchent à intimider les autres et à être dans la domination, alors qu’il a une approche résolument inverse – bienveillance, ouverture, esprit d’équipe ».

CHRIS HEMSWORTH : « J’ai joué des méchants dans des environnements plus modestes, et je n’ai jamais interprété un personnage, comme Dementus, qui a un tel impact sur la narration du film dans son ensemble. C’était un vrai bonheur. Avoir la possibilité de cerner un méchant du début à la fin – connaître son histoire, son passé, tous les détails auxquels j’avais accès – était inédit pour moi. Je ne sais pas si j’aspirais réellement à camper un personnage pareil, mais on est toujours à l’affût d’un projet qui puisse réveiller sa passion. En tout état de cause, la première fois que j’ai découvert le scénario, il a ravivé quelque chose en moi que je n’avais pas ressenti depuis très, très longtemps. C’est un sentiment que j’ai éprouvé depuis ma lecture jusqu’à la fin du tournage et qui ne m’a pas lâché – et je suis sûr qu’il restera en moi pendant quelques années encore ». Bookmark and Share


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