LE PETIT VAMPIRE : Entretien avec Joann Sfar, co-scénariste et réalisateur – 6ème partie
Article Animation du Vendredi 30 Octobre 2020

Propos recueillis par Pascal Pinteau

Où l’animation a-t-elle été réalisée ? Ou étiez-vous basé vous-même ?

Nous avons une toute petite équipe, mais qui a travaillé pendant longtemps. Tout le monde est basé à Paris, chez Aton, et comme tout est informatisé, dès qu’un dessin est fini, on me l’envoie. Je vois cela sur ma table à dessin chez moi et je réponds dans la foulée. La très grande majorité du film a été fabriquée en France. Nous faisons juste appel à un studio étranger pour nous aider à finir nos plans dans les délais.

Pourriez-vous nous parler de la musique originale du film et de votre collaboration avec Olivier Daviaud ?

J’ai rencontré Olivier il y a une dizaine d’années, quand je tournais GAINSBOURG (VIE HEROÏQUE). C’est Mathias Malzieu, mon camarade du groupe Dionysos, qui nous a présentés l’un à l’autre. Olivier vient de la musique live, des concerts, du contact réel avec le public. C’est une encyclopédique musicale vivante. Et pour notre première collaboration, Olivier a du réinventer et réorchestrer 70 morceaux de Gainsbourg, et il a fallu les faire interpréter par des comédiens, ce qui n’est pas la chose la plus facile au monde. Cette première expérience nous a liés pour la vie, et ensuite Olivier a travaillé sur tous mes films. Pour PETIT VAMPIRE, je lui ai dit que je souhaitais que nous fassions quelque chose de très différent de ce que compose Danny Elfman pour les films de Tim Burton. Nous avons décidé de nous rapprocher de musiques méditerranéennes, napolitaines, et des airs niçois – je lui ai d’ailleurs chanté quelques chansons traditionnelles de Nice – et il s’est lancé dans une première série d’essais. Au début, je lui ai dit ‘Non, c’est trop enfantin’, ce à quoi il m’a répondu ‘Tu devrais me faire confiance’. Il a tenu bon pendant cinq ans, et une fois que tout a été enregistré, je me suis rendu compte que j’avais été le roi des imbéciles, et qu’il avait eu raison parce que sa musique est extraordinaire.

Vous remerciez Guillermo Del Toro, le virtuose des monstres au cinéma, dans le générique de fin…

Oui, nous sommes très proches depuis l’époque de GAINSBOURG (VIE HEROÏQUE). C’est lui qui m’a présenté David Marti et Montse Ribé, du studio DDT, qui se sont occupés des maquillages spéciaux du film. Guillermo parraine gentiment mon parcours cinématographique, et nous nous voyons quand il vient à Paris. C’est un des plus grands fans de BDs que l’on puisse imaginer : il connaît tout, y compris les moindres BDs underground qui paraissent partout dans le monde. Je ne travaille jamais sans lui demander des conseils. Je me souviens qu’à propos des films fantastiques, il avait dit d’une manière merveilleusement imagée ‘La caméra doit être à la hauteur du regard d’un enfant peureux de 4 ans, proche du sol. Elle s’avance vers le décor, puis elle recule un peu, parce qu’elle est effrayée.’ Je n’ai jamais entendu un autre réalisateur parler comme cela.

Quelles ont été vos principales difficultés pendant la réalisation du film, et les aspects les plus gratifiants de ce travail ?

Il m’a fallu être patient, car fabriquer un film d’animation est presque un exercice sadomasochiste ! On doit attendre six longues années en imaginant le plaisir que l’on aura quand ce sera fini. Il n’y a jamais les explosions de joie que l’on vit pendant un tournage en prises de vues réelles, quand un acteur vient de vous offrir une performance extraordinaire. En animation, toute l’équipe est tendue vers le résultat final, et pendant ce très long chemin, on reste en grande partie dans l’abstraction. Du côté des satisfactions, je dirais qu’il s’agit des moments où l’on sent que tout le monde est totalement en phase, et partage la même vision.

Qu’aimeriez-vous que les fans de PETIT VAMPIRE ressentent en voyant le film ?

Eh bien avec le privilège de l’âge, et les trente ans qui se sont écoulés depuis sa création, je commence à avoir des grands-parents parmi mes différentes générations de lecteurs. Alors j’espère que nous allons réussir ce que j’aimais tellement chez Goscinny, c’est-à-dire présenter un spectacle familial qui réussira à émouvoir et à faire rire les spectateurs de tous les âges. Bookmark and Share


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