Dave Filoni : la Force est avec lui. Entretien avec l’un des talents majeurs de Lucasfilm et du MANDALORIEN – 3ème Partie
Article TV du Samedi 31 Octobre 2020
Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau
Quelle sensation éprouvez-vous quand vous repensez au jeune fan de STAR WARS que vous étiez, et que vous vous retrouvez sur le plateau de tournage du MANDALORIEN ?
C’est absolument sensationnel. Quand j’étais enfant et que je voyais STAR WARS, j’aimais tellement cela que je me disais ‘Je regarderais ça chaque semaine si on en faisait une série télé !’ Et au fil des ans, alors que la télévision s’impliquait de plus en plus dans les registres du fantastique et de la science-fiction, cette idée semblait se rapprocher de la réalité, de ce qui allait être possible un jour.
Vous faites référence à l’évolution des techniques des effets visuels ?
Oui, et à ce sujet, je me souviens que quand STAR TREK : LA NOUVELLE GENERATION a commencé à être diffusé en 1987, cela a marqué un tournant, la promesse que l’on verrait désormais des effets visuels de meilleure qualité sur le petit écran. Ce qu’ils ont fait à cette époque était extrêmement ambitieux et tranchait avec ce que l’on avait l’habitude de voir.
C’est ILM qui avait conçu toute l’approche des effets visuels de la série, en se servant d’éléments tournés sur pellicule 35mm avec des maquettes du vaisseau Enterprise, et en les mélangeant en vidéo pour s’adapter au budget d’une série. Ils avaient organisé tout cela de manière extrêmement astucieuse. Encore un lien avec George Lucas et STAR WARS…
J’ai toujours aimé la science-fiction teintée de fantasy, et je pense que beaucoup de fans comme moi attendaient avec impatience qu’on en arrive à cette étape où les images des séries de télévision seraient enfin de la même qualité que celles des productions que l’on va voir en salles, sur le grand écran. Quand j’étais gamin, il y avait encore un gouffre, de grandes différences esthétiques et qualitatives entre les deux : les téléviseurs étaient en basse définition, avec un écran « carré » au format 4/3 qui restituait mal les images des films… Maintenant cet écart s’estompe presque totalement grâce à tous les progrès accomplis : la HD, la 4K, les effets numériques devenus plus abordables...C’est une vraie joie de pouvoir travailler sur une production STAR WARS destinée à la télévision en s’appuyant sur ces avancées technologiques si impressionnantes.
George Lucas l’avait prévu le premier. Il l’évoquait déjà il y a une trentaine d’années, quand on lui demandait comment il imaginait le futur du divertissement, et l’évolution de l’offre du cinéma et de la télévision.
Je me rappelle que c’était l’un des rêves dont George me parlait quand je travaillais avec lui sur THE CLONE WARS. Il me disait que le futur de STAR WARS passerait par des séries télé, avec une narration en épisodes. C’était ce qui influençait ses décisions, sa stratégie à long terme pour ILM, Lucasfilm et toutes ses créations. Je dois dire que je n’en suis que plus heureux d’avoir contribué à créer LE MANDALORIEN.
Vous nous avez parlé précédemment de l’exaltation que vous avez ressentie pendant votre première journée de tournage du MANDALORIEN, mais vous deviez également avoir le trac, puisque vous veniez de l’animation, et que vous découvriez la réalisation en prises de vues réelles…
Forcément, car c’était la toute première fois que j’allais diriger des acteurs, donner des indications à un chef opérateur, aux responsables des décors, des effets spéciaux, etc. Il se trouve que la transition s’est faite en douceur, car je me suis d’abord retrouvé à diriger un homme masqué, Pedro Pascal, dissimulé sous le casque du Mandalorien, et qu’il devait parler à une marionnette. Il s’est passé plusieurs jours avant que je ne dirige un acteur au visage apparent, dans des conditions plus habituelles, et il se trouve que la première personne que j’ai vue au travers du viseur de la caméra était Werner Herzog, qui incarne « le client ». J’étais très impressionné de devoir diriger un si grand cinéaste, mais Werner a été charmant. Il était fasciné par notre dispositif technique. C’était une expérience passionnante, car en dépit de ma familiarité avec l’univers de STAR WARS et les personnages issus de ces différents environnements, je ne m’étais encore jamais retrouvé physiquement devant eux, et je ne les avais jamais entendu me répondre après leur avoir donné mes instructions !
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris pendant cette première journée de tournage, et que vous n’aviez pas pu imaginer ni anticiper techniquement ?
J’ai beaucoup appris, mais ce qui m’a frappé tout particulièrement, c’est ma conversation avec Greig Fraser, notre excellent directeur de la photographie. Comme nous allions tourner dans le décor des rues de Mos Eisley, construit en extérieurs, nous nous étions donné rendez-vous très tôt, ce matin-là, pour discuter de certains détails avant l’aube. Vers 5h30, alors que le soleil commençait à se lever, Greig m’a dit ‘Bon, on ferait bien de s’y mettre.’ J’étais surpris, car j’avais prévu d’aborder encore d’autres sujets pour bien nous préparer. Je lui ai demandé ‘Qu’est-ce que tu veux dire ?’ Il m’a répondu ‘Le compte à rebours a commencé, parce que quand ce soleil commencera à décliner, nous devrons nous arrêter de filmer.’ Là, je lui ai dit ‘Oh, bien sûr, le soleil…Ça va sérieusement limiter ce que je vais pouvoir tourner dans ce décor aujourd’hui.’ (rires) Je venais de découvrir l’une des premières grosses différences entre l’animation et un tournage de prises de vues réelles en extérieurs. Quand on travaille dans un studio d’animation, ce problème ne se pose pas. On peut continuer à faire ce que l’on a à faire, quelle que soit la position du soleil dans le ciel !
Oui, il faut simplement préciser à nos lecteurs que c’est d’autant plus important que la nuit tombe tôt en Californie, pendant l’hiver. De novembre à février : le soleil est déjà couché à 17h…Mais revenons à votre expérience du tournage de la première saison. Qu’avez-vous appris d’autre sur le plateau du MANDALORIEN ?
Comme je suis l’un des producteurs exécutifs de la série, j’étais présent tous les jours sur le plateau. J’ai donc beaucoup appris en observant chacun de nos réalisateurs pendant qu’ils travaillaient. Je me suis nourri aussi de la créativité et du talent de nos acteurs et de nos équipes techniques. J’assimilais des quantités phénoménales de choses chaque jour. J’ai abordé cette expérience comme une sorte de « camp d’entraînement intensif à la réalisation de séries de science-fiction » ! Et de mon côté, j’essayais de transmettre à mes collègues les connaissances que George Lucas m’avait apprises.
La suite de cette discussion avec Dave Filoni arrivera sur ESI en vitesse lumière !