La musique du MANDALORIEN : Entretien avec Jon Favreau et avec le compositeur Ludwig Göransson
Article TV du Samedi 21 Novembre 2020

Propos traduits par Pascal Pinteau

Suite de notre dossier consacré à la formidable série STAR WARS initiée par Jon Favreau et Dave Filoni, dont la deuxième saison se dévoile actuellement sur Disney +. L’occasion de rendre hommage à l’originalité de sa bande originale et de son excellent thème musical joué à la flûte à bec basse par Ludwig Göransson lui-même.



Jon, quand avez-vous entendu parler pour la première fois du travail de Ludwig Göransson et de ses compositions ?

Jon Favreau : C’est Ryan Coogler, le réalisateur de BLACK PANTHER, qui a commencé à attirer mon attention à ce sujet, tant il était enthousiaste. A chaque fois que nous parlions de cinéma, Ryan finissait toujours par citer le nom de Ludwig tôt ou tard. Ensuite, j’ai travaillé avec Donald Glover, qui m’a dit lui aussi des choses merveilleuses à son propos. Ils avaient collaboré depuis quelques temps déjà, et pas seulement dans le domaine du cinéma. Cela m’a décidé à organiser rapidement un rendez-vous pour que je puisse le rencontrer pendant la préparation du projet.

Comment ce premier rendez-vous s’est-il déroulé ?

Jon Favreau : J’ai expliqué à Ludwig toutes les choses qui influençaient le travail que Dave Filoni et moi étions en train de faire sur LE MANDALORIEN, particulièrement dans les registres du western et des films de samouraïs, puisqu’ils ont fortement inspiré George Lucas pendant la création de STAR WARS. Nous avons parlé de l’évolution des musiques composées pour les westerns et les films de samouraïs au fil des époques, et puis nous avons passé un bon moment à discuter de STAR WARS, bien sûr.

Quels souvenirs gardez-vous plus particulièrement de vos premières discussions sur la bande originale de STAR WARS et sur la musique que vous recherchiez pour LE MANDALORIEN ?

Jon Favreau : Nous avons parlé d’emblée de ce qui nous semblait le plus important, c’est-à-dire de la fusion que nous voulions instaurer entre la musique et les images, et de ce que nous avions envie de faire ressentir aux spectateurs dès que l’on entendrait ces tout premiers sons. Il nous a fallu chercher assez longtemps pour réussir à définir une approche musicale qui soit à la fois nouvelle, et qui parvienne à donner le sentiment d’être liée à ce que l’on avait entendu avant dans cet univers. Nous avions envie d’une atmosphère discordante, pour refléter la situation instable à laquelle nos personnages sont confrontés, puisque les anciennes structures dirigeantes de leurs mondes n’existent plus. Même si les résidus des généraux et des troupes de l’Empire déchu ont continué à sévir de manière tyrannique, c’est surtout le chaos qui s’est propagé et imposé partout. La musique devait donc inclure des tonalités post-apocalyptiques à la MAD MAX aux sonorités que l’on a l’habitude d’entendre dans la saga STAR WARS. Nous avons communiqué toutes ces informations à Ludwig, et après qu’il les ait intégrées, et assimilées à sa propre sensibilité, il nous a proposé cette palette musicale extraordinairement inspirée, qui combine des sonorités uniques et un nouveau choix d’instruments. Elle réussit à combiner brillamment technologie et classicisme. Et tout comme la musique de John Williams a défini les films de la saga STAR WARS, celle de Ludwig définit à présent l’esprit de notre série.

Ludwig, comment avez-vous découvert l’univers du MANDALORIEN ?

Ludwig Göransson : J’ai eu la grande chance d’être invité à travailler sur LE MANDALORIEN dès les débuts du projet. Jon m’a convié dans son bureau, où j’ai pu admirer ce que l’on appelle les « mood boards », autrement dit les illustrations préparatoires qui définissent l’atmosphère de chaque scène, en termes d’approche esthétique, d’ambiance dramatique, et de choix de couleurs. J’ai découvert aussi tous les autres designs des décors, des personnages, des vaisseaux et des accessoires, et j’ai pu lire les scripts de chacun des épisodes. Après m’être nourri de tout cela, j’ai eu une nouvelle conversation avec Jon, au cours de laquelle je lui ai demandé ‘Quelle est ton inspiration et qu’est-ce que tu écoutes en travaillant sur ce projet ?’, ce qui m’a donné des indications supplémentaires.

Ce nouvel univers sonore STAR WARS est sensationnel. Comment l’avez-vous imaginé ?

Ludwig Göransson : Comme je pense que la musique de STAR WARS composée par John Williams est la meilleure bande originale de film jamais écrite, j’aurais du mal à prétendre que je ne sentais pas une énorme responsabilité peser sur mes épaules. Après y avoir bien réfléchi, j’ai pensé que la seule manière correcte de procéder consistait à aborder ce projet en essayant de composer quelque chose qui serait entièrement différent. Je dois dire que Dave et Jon m’ont toujours apporté leur soutien total pendant cette démarche. Ils n’ont cessé de m’encourager à tester de nouvelles idées, et c’est la raison pour laquelle j’ai entamé mes essais en utilisant l’instrument le moins STAR WARS auquel je pouvais songer : une flûte à bec basse. Je m’amusais à faire des expériences avec quand j’avais six ou sept ans, comme beaucoup de gens à cet âge-là. Plus tard, j’ai acheté deux flûtes, et celle qui était connectée à la première et placée en dessous était une flûte à bec basse. J’ai commencé à en jouer, et ma première impression a tout de suite été de me dire ‘Oh mon dieu…Ce son est vraiment cool.’ Ensuite, je me suis amusé à manipuler numériquement ces sons en y ajoutant quelques effets modernes très chouettes, pour leur donner un feeling de « flûte de l’espace ». Concrètement, nous avons combiné tous ces instruments réels avec une production de haute technologie. Nous avons eu aussi la grande chance d’enregistrer cette musique avec un orchestre réunissant certains des meilleurs musiciens de Los Angeles. C’est ainsi qu’est née cette sonorité très naturelle, très organique, qui est devenue l’âme de la musique du MANDALORIEN.

Jon, qu’avez-vous ressenti quand vous avez entendu pour la première fois la bande originale finalisée du MANDALORIEN ?

Jon Favreau : Un jour, Ludwig est arrivé sur le plateau de tournage avec la musique qu’il avait copiée dans la mémoire intégrée à un casque audio. Bruce Dallas Howard était en train de réaliser et Gina Carano, qui incarne Cara Dune, était également présente. Nous nous sommes passés le casque à tour de rôle pour écouter chacune des pistes. Et ce qui a été génial, c’est que Ludwig ne s’est pas contenté de nous remettre une série de morceaux de différents genres, afin que nous puisions dedans comme dans une bibliothèque sonore. Il a composé une nouvelle approche, un arrangement specifique des thèmes de la série pour chacun des épisodes, en fonction de leur ambiance, et de l’approche de chacun des réalisateurs. C’est typique de la manière dont Ludwig travaille. Et c’est parfait.

Pas besoin d’être un chasseur de prime pour retrouver la piste de notre dossier consacré au MANDALORIEN : nous publierons de nouveaux entretiens passionnants dans les prochains jours ! Bookmark and Share


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