Entretien exclusif avec Pete Docter, scénariste et réalisateur de SOUL, la nouvelle pépite des Studios Pixar, à voir sur Disney+ le 25 décembre - 1ère partie
Article Animation du Vendredi 18 Decembre 2020

SOUL : l’univers secret où naissent les âmes

Pixar explore à nouveau le surnaturel dans cette fable drôle et poignante où deux mondes se rencontrent, celui des mortels et celui des âmes. Nous avons eu la chance de découvrir SOUL en avant-première et c’est une merveille, l’un des meilleurs films de Pixar, l’un des plus profonds et des plus émouvants.


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

De tous les auteurs-réalisateurs du studio Pixar, Pete Docter est certainement l’un de ceux qui a su explorer le Fantastique avec le plus d’originalité, de drôlerie et de sensibilité, comme il l’a démontré dans MONSTRES & CIE, LA-HAUT et VICE-VERSA. Avec SOUL, il va encore plus loin en imaginant l’univers de « l’avant-vie » où les âmes se développent avant de décider – ou pas – d’aller s’incarner dans un humain. Mais comme dans toute bonne comédie, l’ordre habituel des choses va être chamboulé et contraindre deux personnalités très différentes à cohabiter : une âme que le monde des mortels rebute et un humain qui veut revenir à la vie après avoir été victime d’un accident stupide. En raison de la pandémie actuelle, Disney a décidé de faire un très beau cadeau de Noël aux abonnés de Disney Plus, puisque SOUL sera diffusé sur la chaîne à péage le 25 décembre.

Entretien avec Pete Docter, co-scénariste et réalisateur.

Qu’est-ce qui vous a inspiré le concept de SOUL ?


Mon expérience de père ! J’ai une fille et un garçon, et comme tous les parents, j’ai observé attentivement toutes les étapes de leur évolution depuis leur naissance. Et maintenant que Ellie et Nicolas sont devenus de jeunes adultes, je suis frappé par le fait qu’ils étaient venus au monde en ayant déjà leurs personnalités, leurs caractères et tout ce qui les rend uniques aujourd’hui. En échangeant avec mes collègues et amis de Pixar, ils m’ont dit avoir remarqué cela eux aussi chez leurs enfants, toutes ces particularités innées qui s’exprimaient dès le plus jeune âge. C’est ainsi que nous en sommes venus à imaginer ce que nous avons appelé « Le Grand Avant », l’univers où se passent les choses qui précèdent la vie, et où vivent les âmes avant de s’incarner dans les êtres humains et de leur donner leurs personnalités.

Dans le titre du film vous évoquez aussi la musique « Soul », puisque l’un des deux personnages principaux en joue…

Oui. Il s’agit de Joe, un professeur qui adore enseigner, mais qui rêve de consacrer plus de temps à sa passion : la musique de jazz. Il est pianiste et alors que son talent commence à être apprécié, il a un accident et se retrouve par erreur dans Le Grand Avant. C’est là qu’il va rencontrer numéro 22, une âme qui observe l’humanité depuis longtemps, et qui n’a pas du tout envie d’aller s’incarner sur terre, car la vie lui semble être une longue suite d’épreuves et de déconvenues. Elle préfère rester tranquille là où elle est et s’éviter ces désagréments. Mais comme Joe veut absolument revivre, il doit trouver les moyens de persuader numéro 22 qu’elle se trompe et que la vie, malgré ses tourments, mérite d’être vécue.

Pendant l’écriture du scénario, comment avez-vous développé le personnage de 22 et l’univers surnaturel dans lequel naissent les âmes ?

Notre concept reposait sur le fait que cette âme ne voulait pas aller s’incarner sur terre, comme les autres. En songeant à cette attitude anticonformiste, nous nous sommes dits que cela lui donnait un côté adolescent en révolte, persuadé qu’il sait tout et que ses parents ne comprennent rien ! 22 a passé beaucoup de temps à observer notre planète et à étudier les humains, mais tout cela est resté distant, théorique, comme le savoir d’une personne qui aurait passé sa vie entière dans une bibliothèque sans voir le monde extérieur. Elle n’a jamais vécu d’expérience sensorielle, jamais senti, goûté, touché…Quand nous en sommes arrivés là, même si nous n’avons pas assigné de genre sexuel aux âmes dans le film, nous avons pensé que Tina Fey serait parfaite pour lui prêter sa voix et son humour ironique. Et comme Tina est une scénariste géniale, elle nous a également donné un précieux coup de main sur les dialogues.

Visuellement, quelles ont été les principales difficultés à résoudre pour mettre au point le design des personnages, l’aspect de l’univers des âmes, et le monde intime de Joe, le héros du film ?

Cela a été très compliqué à faire. Au début, nous nous sommes demandés comme les âmes avaient été représentées dans la littérature, les arts picturaux et statuaires, les religions. En faisant ces recherches, nous avons trouvé de nombreuses références à l’air, à un souffle, un nuage de vapeur, des lueurs, mais aucune ne pouvait convenir telle quelle à notre film, car elle n’aurait rien rendu à l’image. Finalement, plutôt que de se référer directement à ces concepts, nous avons tenté de représenter le sentiment qu’une âme évoque, en imaginant une silhouette éthérée, dont les volumes semblent constitués de fumée. Un peu comme une enveloppe souple, sans peau ni os, remplie de brouillard. On distingue bien ses contours, mais on voit aussi au travers. Et quand une âme bouge très vite, elle laisse un petit panache de fumée derrière elle. Le design du Grand Avant a également été difficile à mettre au point. Il fallait réussir à représente l’idée qu’il s’agit du lieu dans lequel on reçoit sa personnalité et ses passions, quelles qu’elles soient. Certains d’entre nous sont des fans de vélo dès le plus jeune âge, alors que personne ne le pratique dans leur famille. De quoi cela vient-il ? En bien de ce qui se passe dans le Grand Avant, lors de l’attribution de ces caractéristiques aux âmes qui vont s’incarner ! Pendant la mise au point de cet univers, nous avons veillé à ce qu’il ne reflète aucune culture humaine en particulier. Au début, nous avions envisagé de nous inspirer de l’esthétique de la Grèce Antique, car sa mythologie, l’architecture de ses temples aux colonnes majestueuses, et les œuvres de ses auteurs de théâtre comme Aristophane et de ses philosophes comme Platon ont été au centre du développement de la civilisation occidentale. Mais après y avoir bien réfléchi, nous avons considéré que cela ne convenait pas, car il fallait que les personnalités des gens du monde entier puissent avoir été élaborées là, y compris celles des populations de la Chine, de l’Afrique, de la Polynésie ou des tribus eskimos. Il ne pouvait donc pas s’agir d’un lieu qui comporte la moindre référence culturelle terrienne. Il a fallu en inventer de nouvelles, ce qui nous a pris beaucoup de temps car on a vite fait de revenir involontairement à ce qui nous est familier ! Une fois que tout a été défini dans le script, Steve Pilcher et ses équipes du département artistique ont réalisé un travail formidable sur l’esthétique de cet univers.

Les films de Pixar ont-ils une âme ? Bien sûr ! Et pour vous en convaincre, lisez la suite de notre conversation avec Pete Docter qui sera publiée très prochainement sur ESI ! Bookmark and Share


.