Avant-première exclusive : notre visite du tournage de FREE GUY – 1ère partie
Article Cinéma du Lundi 09 Aout 2021
La rébellion d’un figurant de jeu vidéo
Shawn Levy et Ryan Reynolds parodient l’univers des jeux vidéo et la banalité du quotidien dans une aventure de science fiction drôle et touchante dont la sortie en salles est prévue le 11 août.
Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau
Guy, modeste employé de banque de Free City, mène une vie réglée à la minute près. Il se lève chaque jour exactement à la même heure, enfile une chemisette bleue et un pantalon beige, et se rend à son travail. Chemin faisant, il assiste à une multitude de fusillades, de poursuites en voitures, de vols à main armée, et une fois installé derrière son guichet, attend le hold-up qui va inévitablement avoir lieu. Bizarrement, Guy est le seul à s’étonner du côté répétitif de ces événements. Ni ses collègues ni les habitants de son quartier ne semblent s’en émouvoir. Tout bascule le jour où le timide guichetier, ulcéré par la perspective de subir une énième agression, décide de ne plus se laisser faire. Il résiste au nouveau bandit qui vient de surgir dans la banque, se bat, tente de s’emparer de son arme, et le tue accidentellement. En observant l’équipement du malfrat, Guy remarque ses étranges lunettes et s’en empare. Et là, en sortant dans la rue, il découvre grâce à elles tout ce qui lui était dissimulé jusqu’à présent : les affichages en trois dimensions de packs d’énergie vitale, d’armes, et des scores des nombreux bandits armés qui ravagent les rues de Free City. Son quotidien est une illusion. Pire encore, une mystérieuse inconnue lui révèle qu’il n’est qu’un personnage « non jouable » d’un jeu vidéo, l’une de ces silhouettes anonymes dont la seule fonction consiste à peupler les décors d’arrière-plan pendant que les joueurs agissent. Cependant, Guy va pouvoir se rendre utile, car la belle a besoin de lui pour déjouer un complot qui menace à la fois l’univers virtuel de Free City, et le monde réel de l’autre côté de l’écran dont elle est issue…Tel est le point de départ de FREE GUY, imaginé par le réalisateur Shawn Levy (LA NUIT AU MUSÉE, REAL STEEL) et Ryan Reynolds, dont le sens de l’humour avait déjà fait mouche dans les deux volets de DEADPOOL et qui s’attaque ici aux clichés de l’univers vidéoludique. Intrigués par ce pitch prometteur, nous nous étions rendus l’année dernière sur le tournage du film aux USA, pour y rencontrer toute son équipe créative. Et au regard des 50 minutes du film que nous avons pu visionner récemment en avant-première, ils semblent avoir largement gagné la partie !
Concrétiser le monde virtuel
Boston, le 9 juin 2019. Les autorités municipales ont autorisé la Fox à transformer plusieurs artères de la grande métropole du Massachusetts en terrain de jeu, au sens propre comme au figuré, pour les besoins de FREE PLAYER. En ce 30ème jour de tournage sur 68, Shawn Levy dirige un plan où l’on voit Guy sortir de son immeuble et longer un carrefour bordé de gratte-ciels. Alors que Ryan Reynolds marche paisiblement vers la caméra, une voiture de sport s’arrête dans un crissement de pneus, une quinzaine de mètres derrière lui. Des gangsters cagoulés en sortent, et tirent dans tous les sens avec leurs mitraillettes. Malgré la pétarade assourdissante – l’assistant de production a bien fait de nous conseiller de nous boucher les oreilles ! – Reynolds ne bronche pas, car son personnage est habitué à cet environnement ultra-violent. Le cadrage que nous découvrons quelques minutes plus tard sur un moniteur illustre bien la situation, car la caméra reste braquée sur Reynolds, impassible, tandis que l’attaque à main armée se déroule au second plan, dans un léger flou. La scène est tournée plusieurs fois, et après avoir visionné les différentes prises, Shawn Levy confirme à ses équipes qu’elles peuvent démonter les installations pour s’attaquer au plan suivant. En observant le panorama du centre de Boston, on comprend bien ce qui a incité l’équipe de FREE GUY à venir tourner ici : les immeubles anciens en pierre de taille et les gratte-ciels aux surfaces vitrées colorées se cotoîent en formant un étonnant patchwork architectural. Partout, les styles et les époques se mélangent, comme dans un paysage urbain de jeu vidéo, qui recyclerait les modules de décors pour en composer de nouveaux sur le chemin du personnage dirigé par le joueur. Un atout dont le chef décorateur Ethan Tobman a su se servir pour imaginer les environnements du film, comme il nous l’a expliqué.
Entretien avec Ethan Tobman, chef décorateur.
Ethan Tobman a entamé sa carrière dans l’univers musical, en créant les décors de vidéoclips, des spectacles des tournées de Beyoncé, Ariana Grande, Madonna et même des fameux shows des soirées du Superbowl, événement suivi par des centaines de millions de spectateurs dans le monde.
De par son sujet, FREE GUY doit être un projet particulièrement intéressant pour vous…
Oh absolument ! C’est un projet de rêve pour un chef décorateur, parce que contrairement à READY PLAYER ONE, nous ne créons pas l’univers du film en images de synthèse mais en nous servant de vrais décors. L’idée est que Free City, la ville du jeu vidéo dans lequel l’action se déroule, est une simulation sophistiquée qui a l’aspect de la réalité, comme un GRAND THEFT AUTO ou un RED DEAD REDEMPTION, mais encore plus perfectionné. Nous nous servons donc du monde réel, et nous le modifions en intervenant soit sur de nombreux petits détails, soit en apportant d’énormes changements. Dans le film, Free City est à la fois une ville dans laquelle tout ce qui doit fonctionner marche normalement, et une parodie affectueuse des cités que l’on voit dans les jeux vidéo. Il a fallu trouver d’emblée le bon équilibre entre la satire et l’hommage à tous ces jeux que nous aimons beaucoup. Et pour y parvenir, nous avons conçu le plan complet de Free City, avec ses grandes artères et ses petites rues, ses différents quartiers, les bâtiments de ses commerces et de ses entreprises, ses panneaux publicitaires, ses affiches politiques qui ne sont pas dénuées d’ironie, et beaucoup d’autres choses.
Pouvez-vous nous donner des exemples des détails humoristiques de cet environnement ?
Eh bien aux côtés des distributeurs automatiques de sodas et de friandises, il y a des distributeurs d’armes. (rires) Au lieu de donner les prévisions de températures, les panneaux d’affichages vidéo indiquent le taux de criminalité du matin. Et sur les unes des journaux, au lieu de sujets précis, il est écrit en toutes lettres « La Une », « Actualité » et « les Faits ». Et quand on voit un bulletin météo, il annonce : « Hautes températures de saison », bref des informations passe-partout, comme on en utilise souvent dans les arrière-plans des jeux vidéo, parce qu’il s’agit d’éléments que l’on n’a pas le temps d’observer quand on joue. Nous pensons que ces détails plairont aux spectateurs car il n’y a jamais eu autant d’amateurs de jeux vidéo qu’à notre époque. Nous nous amusons énormément à inventer les nombreux clins d’oeil qu’ils découvriront tout au long du film.
Vous découvrirez bientôt la suite de notre visite du tournage de FREE GUY sur ESI.