FALCON ET LE SOLDAT DE L’HIVER : Entretien avec Kevin Feige, Président des Studios Marvel, Kari Skogland, réalisatrice, et Malcolm Spellman, chef scénariste – 2ème Partie
Article TV du Mercredi 24 Mars 2021

Par Victor Von Doom

Pour en revenir à l’histoire, quel est le point de départ de la série, et comment décririez-vous son thème principal ?

Malcolm Spellman :
A la fin d’AVENGERS ENDGAME, la défaite de Thanos a créé une situation qui a touché le monde entier : la réapparition de la moitié de la population, qui avait disparu pendant cinq ans. Toute la planète est confrontée à ce sujet, et les événements décrits dans la série en découlent directement, tout comme les actions entreprises par les adversaires de nos héros. Et à vrai dire, les frontières entre bons et méchants se brouillent dans ce chaos, car chacun des méchants que nous présentons affirme être une héroïne ou un héros ! Parallèlement, Sam et Bucky réagissement à ces bouleversements dans leurs vies personnelles. Cet événement majeur qu’est la sortie du blimp galvanise et affecte tout le monde en même temps sur la planète, apporte une cohésion globale au récit, et le place dans la continuité directe de la saga du MCU.

La série aborde beaucoup de thèmes réalistes dès le début, et l’on voit Bucky être confronté au syndrôme post traumatique, tandis que Sam se heurte aux problèmes raciaux sociaux-économiques, même s’il fait partie des héros jouissant d’une grande notoriété. Comment avez-vous intégré ces sujets bien réels dans la trame de l’histoire, et dans ce contexte d’action, au fil des six épisodes ?

Malcolm Spellman :
Une grande partie de notre travail a consisté à établir d’abord un processus, une méthode si vous préférez. Pour être clair, nous n’avons pas abordé les épisodes un par un, dans l’ordre chronologique. Nous avons passé des mois à développer toute la narration sous la forme d’un grand tableau incorporant tous les éléments du récit, dans des colonnes verticales et aussi une présentation horizontale. Habituellement, on parle de narration verticale quand on écrit un film, parce que pendant la durée d’un long métrage, on est obligé de compresser fortement le temps. Au cinéma, tout est condensé et l’action est immédiate. Tout ce que vous montrez converge vers un seul événement, vers une conclusion. En revanche, une série vous permet d’utiliser une narration horizontale, étalée dans le temps au cours des épisodes. Et le rythme du récit est complètement différent, car vous avez par exemple la possibilité de montrer des personnages qui se lient d’amitié, se fâchent, puis finissent par se réconcilier en partant sur de nouvelles bases. Tout évolue d’une autre manière. Donc pour répondre précisément à votre question, nous avons pu répartir tous ces thèmes dont vous parlez dans notre structure horizontale, en les intégrant dans l’évolution de nos protagonistes, dans leurs trajectoires personnelles, avant même que le contenu vertical de chaque épisode soit achevé et que nous sachions comment il allait les impacter. C’est ainsi que nous avons pu insérer ces thèmes dans l’ensemble de la trame de la série, grâce à ce processus de construction et structuration du récit.

Le succès impressionnant de WANDAVISION a prouvé une fois de plus que les Studios Marvel connaissent bien leur public, les fans, et excellent dans l’art de leur plaire en leur présentant des projets auxquels ils ne s’attendent pas. Cela nous donne envie de vous demander, Kevin, comment vous trouvez le bon équilibre créatif entre le choix des personnages que vous allez mettre en scène, le moment où vous allez le faire, sous quelle forme, et dans quel type d’histoire ?

Kevin Feige :
Eh bien comme Malcolm le disait, nous nous appuyons sur la forme particulière de narration que nous offre Disney plus, et sur les idées qui nous paraissent excitantes quand nous en discutons tous ensemble en réunion. Nous nous demandons aussi ce qui pourrait arriver à la fin d’un épisode pour nous surprendre et nous donner envie d’en savoir plus. Vous savez, nous sommes tous de vrais fans aux Studios Marvel. C’est donc assez simple pour nous de réfléchir à ce que nous aurions envie de voir, et c’est exactement ce que nous avons fait depuis plus d’une dizaine d’années. Nous avons tenté d’imaginer comment dépasser les espérances des fans, mais aussi comment aller dans des directions auxquelles ils ne s’attendaient pas. Je n’ai jamais abordé ces démarches en tentant d’opposer ce que les gens veulent et ce qu’il leur faut. L’objectif a toujours été de présenter les histoires les plus attractives et les mieux conçues. Et parfois, cela consiste à chambouler ce que l’on attend de nous. Nous nous retrouvons alors dans de toutes nouvelles situations, qui nous obligent à changer notre processus de travail, comme un ingénieur de l’aérospatiale confronté à un problème inattendu. Concevoir des séries comme WANDAVISION et FALCON ET LE SOLDAT DE L’HIVER a été un exercice narratif complètement différent, mais en dehors de cela, nous continuons à rester en phase avec les envies du public, soit en allant dans ce sens, soit en jouant avec pour créer des surprises ou explorer d’autres approches plus subversives.

Don Cheadle reprend le rôle de James Rhodes / War Machine dans le premier épisode. Peut-on s’attendre à d’autres surprises de ce genre tout au long de la série ?

Malcolm Spellman :
Oui, il y a de nombreuses surprises dont je ne peux évidemment pas parler, mais elles sont toutes très plaisantes.

Kevin Feige : Et si nous disions ‘Non, non, il n’y aura plus de surprises’ ? A ce moment-là, elles seraient vraiment inattendues ! (rires)

Kevin, le succès remporté par WANDAVISION a-t-il poussé les Studios Marvel à s’investir de manière plus intense dans les projets destinés à Disney plus que ce n’était le cas quand cette plateforme a été lancée ?

Kevin Feige :
Nous étions déjà totalement investis dans ces projets avant le lancement de Disney plus. Vous savez, nous développons actuellement plus de 10 séries, et comme vous l’imaginez, cela a représenté des années de travail préparatoire. Quitte à me répéter, je ne peux que dire qu’il s’agit de la continuité de notre approche initiale, et de notre désir de rester fidèle aux envies des fans tout en les entraînant dans des endroits qu’ils ne s’attendaient pas à découvrir. C’est la raison pour laquelle l’opportunité de créer des séries pour Disney plus est extrêmement excitante. Avec WANDAVISION et à présent FALCON ET LE SOLDAT DE L’HIVER, nous avons pu mettre en place les projets qui nous plaisaient en toute liberté créative. Constater qu’ils étaient bien accueillis nous a fait plaisir, nous a donné confiance pour persévérer dans cette direction, en restant sur le chemin que nous avons commencé à tracer depuis quelques années.

FALCON ET LE SOLDAT DE L’HIVER devait être la première série Marvel diffusée par Disney Plus, mais des événements imprévus vous ont contraint à changer vos plans. Il y a eu d’abord un tremblement de terre à Puerto Rico qui vous a forcé à changer de lieu de tournage, puis la pandémie est arrivée. Comment avez-vous réagi pendant ces moments particuliers, et vous êtes-vous adaptés aussi au fait que cette série serait diffusée en deuxième position ?

Kari Skogland :
Si je comprends bien le sens de votre question, je dois dire que tout cela n’a strictement rien changé au récit que nous avions préparé. Alors, oui, bien sûr, il a fallu nous réorganiser au niveau du tournage en réagissant à ce qui était arrivé dans le monde, ici et là. Mais paradoxalement, quand le tournage a dû s’interrompre à cause de la pandémie, nous n’avons pas perdu un seul instant, et sommes passés aussitôt au travail de post-production sur ce que nous avions déjà filmé. Nous avons pu continuer à travailler sur le montage et cela nous a permis, en quelque sorte, d’affûter notre crayon à papier pour être plus efficaces dans notre narration de cette histoire. Et curieusement, ces événements étranges et perturbants se sont transformés en une formidable opportunité. Nous avons renforcé les points de vues des protagonistes, bien cerné ce qui fonctionnait le mieux, et ainsi, quand le tournage a pu reprendre, nous savions encore plus précisément ce que nous souhaitions faire pour achever et peaufiner la série. Donc cela n’a rien changé, mais nous avons pu préciser notre vision. Et concernant le fait que WANDAVISION ait été diffusé en premier, cela non plus n’a pas été un problème. Nous avons tous été ravis que la série soit si bien accueillie, et comme elle a placé la barre assez haut, nous croisons les doigts pour satisfaire nous aussi le public ! (rires)



Votre mission, si vous l’acceptez, consistera à scruter ESI pour découvrir bientôt la suite de cette conversation passionnante avec les créateurs de FALCON ET LE SOLDAT DE L’HIVER ! Bookmark and Share


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