ZACK SNYDER’S JUSTICE LEAGUE : les coulisses de la renaissance d’un film – 3ème partie
Article Cinéma du Vendredi 23 Avril 2021

Par Perry White

Suite de l’entretien avec Zack Snyder

Du coup, même si l'essentiel du film existait déjà dans la version "director's cut", la scène entre le Joker et Batman a dû se révéler particulièrement difficile à tourner en pleine pandémie. S'agit-il d'une idée entièrement nouvelle ?

Après avoir pris conscience que je ne ferais plus de film tiré de l'univers DC, mon plus grand regret était qu'il n'y avait pas de scène d'affrontement entre Batman et le Joker. Leur relation est centrale pour chacun. On les a vus dans de nombreux films mais ils ne se croisent jamais. Je ne trouvais pas ça logique. Je me suis donc dit que je pouvais peut-être y remédier. On souhaitait le faire sans en parler à personne. J'ai discuté avec Jared et je lui ai dit qu'on allait réunir Ben et lui et tourner la scène dans mon jardin… et l'intégrer au film. J'ai donc écrit la scène et on a réussi à la tourner.

À un moment donné, on fait allusion à Robin et Harley Quinn. Pour vous, c'était une manière de conclure un chapitre ou d'ouvrir l'histoire vers l'avenir ?

Je voulais qu'on puisse se tourner vers l'avenir. L'idée principale, c'est que le Joker a tué Robin. On apprend qu'Harley est morte et que Batman a assisté à la scène. Et on comprend que, d'une certaine façon, le Joker doit aider Batman à mettre de l'ordre sur la planète. Tout cela fait partie de cette réalité cauchemardesque et post-apocalyptique vers laquelle on souhaitait s'orienter dans les deuxième et troisième volets de JUSTICE LEAGUE.

Martian Manhunter apparaît aussi une scène-clé avec Batman et permet d'explorer la trajectoire de Lois Lane. Pourquoi lui avez-vous donné autant d'importance ?

Traditionnellement, à chaque nouveau film de super-héros, on passe d'un univers à l'autre. Cette séquence permet de conclure ce qui s'est passé dans le film d'une certaine façon. J'ai toujours adoré Martian Manhunter. C'est un personnage qui me fascine. Je ne sais pas pourquoi il hésite à nouer des liens avec les êtres humains, mais il a des pouvoirs hallucinants. Pendant des années, je me suis dit que ce serait une bonne idée que Swanwick soit l'alter ego de Martian Manhunter. Pour moi, c'était un tremplin. Du coup, on s'est dit que Martian Manhunter allait adopter l'apparence de Martha Kent pour pousser Lois à renouer avec le monde. À la fin, je le ferai revenir pour déclencher une guerre de l'ombre. C'est une manière d'évoquer le vrai rôle de Bruce Wayne. Par ailleurs, si Darkseid débarque, tout le monde devra se mobiliser pour l'affronter.

Votre vision a-t-elle évolué entre le moment où vous vous apprêtiez à vous lancer dans le projet et celui où vous avez finalement pu le faire ?

Pas vraiment, même si je suis certain que notre perception émotionnelle des personnages a forcément évolué et qu'elle a fait naître un point de vue différent. C'est la même histoire, mais le temps a passé.

Y a-t-il des scènes que vous êtes particulièrement heureux d'avoir pu intégrer à cette nouvelle version ?

Je suis ravi d'avoir pu me plonger dans le quotidien de Barry Allen. J'adore la scène où The Flash remonte le temps – c'est totalement psychédélique ! Je crois d'ailleurs que le film est globalement psychédélique. J'aime aussi explorer le paysage mental de Cyborg. Ce qui me plaît, c'est de découvrir Bruce sous un jour moins sombre et cynique : il semble croire désormais que le monde va s'apaiser, alors qu'il était convaincu auparavant que le monde était voué aux ténèbres. C'est une évolution majeure chez Bruce.

La foi est un thème qui traverse le film. S'agit-il d'une évolution récente ?

C'est une notion qui a toujours été au cœur du projet. Bien entendu, on la met un peu plus en valeur qu'autrefois. Il nous semblait important que nos personnages se tournent davantage vers la lumière.

Parmi tous les personnages, quels sont ceux auxquels vous vous identifiez le plus ?

C'est difficile à dire. Pour moi, les membres de la Ligue des Justiciers incarnent des traits de personnalité d'un seul personnage, plutôt que des individus différents. Barry campe l'humour, le charme juvénile et la candeur, Bruce est une sorte de figure paternelle qui est peu blasé par son mode de vie, Superman est le meilleur d'entre nous. Cyborg incarne la meilleure part de nous-mêmes, tout en ayant été réprimé. C'est un jeu très amusant. (Deborah Snyder ajoute : "Pendant longtemps, je ne pouvais m'identifier à personne, si bien que lorsqu'on travaillait sur BATMAN V. SUPERMAN, c'était particulièrement important de dénicher la bonne interprète de Wonder Woman. Gal campe toutes les magnifiques qualités du personnage. Produire WONDER WOMAN et contribuer à son incarnation à l'écran a été enthousiasmant. Ma fille et mon fils ne sauront jamais que cette femme forte n'existe pas parce qu'elle fait partie de leur monde".)

Qu'est-ce qui a autant poussé les fans à vouloir découvrir une œuvre qu'ils n'ont même pas vue ?

Je crois que les gens ont envie de voir cette version du film parce que je prends ce projet au sérieux. Et qu'il me tient à cœur personnellement. J'adore les personnages, tout comme eux. J'ai le sentiment que cela fait écho au regard des fans sur l'univers DC et les personnages. Cette relation nourrit l'exploration de l'univers cinématographique DC qu'on a entreprise dans cette version.

Pouvoir raconter cette histoire avec la plus grande liberté artistique, est-ce libérateur ou angoissant ?

Avec ce film, c'est l'une des rares fois où je ne tournais pas en m'adressant à un public, mais où je tournais pour l'amour de l'art. C'était aussi bien pour des fans absolus, pour des profanes ou qui que ce soit ayant envie de voir le film. Ça s'apparente davantage à la lecture d'un journal intime qu'à celle d'un roman. Je crois que c'est ce qui rend ce projet aussi singulier. Pour être tout à fait honnête, c'est ma méthode de travail. Je me suis toujours senti un peu entravé toute ma carrière.

Enfin, quel est le meilleur souvenir que vous garderez du tournage ?

Pour la scène où Jason (Momoa) se dirige vers la jetée, on avait construit d'énormes canons à eau qui l'aspergeaient très fort ! Boum, boum, boum ! C'était à hurler de rire, parce qu'il devait rester debout et qu'on ne savait pas du tout ce qui allait se passer. Ce n'était pas très agréable pour lui, mais le résultat à l'image était formidable, si bien qu'il a joué le jeu. Il m'a demandé combien de fois il devait le faire, et je lui ai répondu que je n'en savais rien – quelques fois, sans doute. Je pense qu'il se disait qu'il n'aurait à le faire qu'une seule fois, alors qu'il l'a fait une trentaine de fois. Je me souviens en particulier du moment où on l'a bombardé d'eau et où il a littéralement disparu. Et puis, l'eau s'est retirée et Jason était là, devant nous, en poussant un grand cri de soulagement.

Nous vous garantissons que Joss Whedon n’a pas tout changé dans la suite de notre dossier, vous pourrez donc le découvrir en toute confiance bientôt sur ESI ! Bookmark and Share


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