Entretien exclusif avec Alexandre Aja, le réalisateur du thriller de science-fiction OXYGÈNE, à découvrir sur Netflix dès aujourd’hui !
Article Cinéma du Mercredi 12 Mai 2021

Propos recueillis par Pascal Pinteau



Le nouveau film d’Alexandre Aja est à la fois un suspense haletant, un « survival » de science-fiction, une mise en abyme de la pandémie et un véritable exploit de mise en scène.

Une jeune femme (Mélanie Laurent) se réveille seule dans une capsule cryogénique et s’extirpe difficilement du cocon fibreux dans lequel elle est emmaillotée. Après s’en être dégagée, elle réalise qu’elle ne sait plus qui elle est. Pire encore, elle n’a gardé aucun souvenir de son passé, et ignore pourquoi on l’a enfermée dans ce dispositif médicalisé. Alors qu'elle commence à manquer d'air, elle rassemble les quelques bribes de mémoire qui lui reviennent pour tenter de comprendre ce qui lui arrive. C’est le début d’une course contre la montre pour trouver les informations qui pourront peut-être la sauver in extremis de l’asphyxie… Nous avons eu le plaisir de visionner en avant-première ce suspense à couper le souffle, qui sera visible sur Netflix à partir du 12 mai. Et d’en parler avec Alexandre Aja, en évitant soigneusement les spoilers ! Aucune crainte à avoir : vous pouvez lire cet entretien d’un bout à l’autre sans qu’une révélation intempestive ne vienne gâcher la découverte de ce huis-clos !

Entretien avec Alexandre Aja, réalisateur et producteur.

Aexandre Jouan-Arcady (Ses initiales composent son pseudonyme de cinéma) semblait destiné à œuvrer dans le 7ème art dès sa naissance, car son père est le réalisateur Alexandre Arcady et sa mère la critique de cinéma Marie-Jo Jouan. Après avoir joué dans plusieurs films de son géniteur, Alexandre devient assistant-réalisateur, puis met en scène le court-métrage horrifique OVER THE RAINBOW, présenté à Cannes en 1997 et bien accueilli par la critique et les professionnels du cinéma. Deux ans plus tard, il adapte une nouvelle d’anticipation de Julio Cortazar dans son premier long-métrage FURIA, avec Marion Cotillard, histoire d’amour et de guerre sur fond de science-fiction apocalyptique qui hélas ne remporte pas le succès espéré. Alexandre Aja se focalise alors sur ses genres de prédilection : les films d’horreur et de survie. En 2003, son deuxième film devient un succès international : il s’agit de l’excellent HAUTE TENSION, dans lequel la composition de Cécile de France est hallucinante. Hollywood déroule alors le tapis rouge pour inciter AJA à venir travailler outre-Atlantique. Il tente ce pari et signe en 2005 le remake du film de Wes Craven LA COLLINE A DES YEUX, qui obtient de bons scores au boxoffice et lui permet de construire une carrière américaine. Il réalise ensuite le thriller fantastique MIRRORS en 2008, avec Kiefer Sutherland. Suivront la nouvelle mouture en relief du film de Joe Dante, PIRANHA 3D (2010), la fable d’épouvante HORNS (2014) avec un Daniel Radcliffe stupéfait de voir des cornes pousser sur son front, l’énigmatique LA 9EME VIE DE LOUIS DRAX (2015) attachante transposition d’un best-seller, puis l’extraordinaire CRAWL (2019), classique instantané dans le registre des grosses bêtes tueuses, avec ses alligators pourchassant les héros piégés dans leur maison après une inondation catastrophique. Un suspense parfait, qui captive le spectateur de bout en bout, et dont le triomphe au boxoffice est amplement mérité. OXYGÈNE, produit après le début de la pandémie, et tourné avec les mesures de protection sanitaires, marque la première collaboration d’Alexandre Aja avec Netflix. Rappelons aussi qu’Aja et son fidèle complice Gregory Levasseur ont produit des films d’épouvante de qualité comme le remake de MANIAC avec Elijah Wood, PYRAMIDE et THE DOOR.

On sait à quel point vous aimez l’horreur et avez œuvré avec succès dans ce registre. Pourtant votre premier film FURIA était un film de science-fiction, et il y avait certains aspects d’anticipation dans LA 9EME VIE DE LOUIS DRAX. OXYGÈNE est-il né d’une envie de revenir à la SF, en dehors de votre projet d’adaptation de COBRA, dont nous reparlerons en fin d’interview ?

Généralement j’essaie de ne pas trop réfléchir à ce que je souhaiterais faire, ou aux types de projets que je pourrais chercher, car je préfère me tenir prêt à être surpris par des idées nouvelles, des rencontres imprévues, des choses qui passent à la portée de mon « filet à papillon », si vous voulez ! Je me tiens prêt à tomber amoureux d’un sujet, mais sans me dire à l’avance qu’il faudrait que ce soit de la science-fiction ou un survival. Cela dit, il se trouve que mes goûts m’entraînent toujours à peu près vers les mêmes choses ! (rires) En faisant OXYGÈNE, j’ai retrouvé non seulement des éléments de FURIA, mais aussi ce gros plan de l’œil de Marion Cotillard, que j’ai refait presque inconsciemment 23 ans plus tard, avant de me rendre compte de cette résurgence. OXYGÈNE aborde aussi des thèmes d’autres projets que nous n’avions pas réussi à faire aboutir, et qui étaient d’ailleurs également présents dans TOMIE, adaptation de Manga que je préparais activement et dont la pandémie a stoppé la production. Ces passerelles narratives entre ces différents projets ont été assez surprenantes à explorer, et ont pris un sens nouveau dans OXYGÈNE.

Comment êtes-vous intervenu sur le script quand vous avez accepté de réaliser le film ?

Nous avons effectué un travail de réécriture assez conséquent avec la scénariste américaine Christie LeBlanc, qui est l’auteure du sujet, notamment sur les éléments de mémoire, de flashback. Après, il a fallu adapter le script en français, et donc tout réécrire en le traduisant, ce qui a été également une tâche importante car il ne fallait rien perdre des intentions présentes dans la version originale anglaise.

Vous êtes le co-scénariste du film, mais sans être crédité pour cela…

Les gens ont l’impression que les scénarios sont signés par ceux qui sont cités au générique, mais en réalité, dans le système américain c’est bien plus complexe que cela. Il faut pouvoir prouver que l’on a changé plus de 50% du script pour pouvoir être crédité sur l’écriture du scénario. Dans mon cas, en dépit du fait que j’ai toujours travaillé sur les scripts des films que j’ai réalisés ou produits, j’ai fini par ne pas être crédité officiellement. C’est un système très arbitraire.

Aviez-vous préparé en amont un storyboard de tous les types de plans que vous alliez utiliser dans le film, à la fois pour varier les points de vue, mais aussi pour exprimer les changements d’émotions du personnage de Mélanie Laurent ?

Je fais toujours un découpage très précis de mes films, que je considère comme une sorte de « liste de courses » avec des choses à faire, et ensuite je l’adapte pendant le tournage. Je préfère ce découpage écrit à un storyboard, parce qu’il me laisse plus de liberté créative sur le plateau. Mais à certains moments, on a malgré tout besoin de storyboards quand une scène repose sur des effets spéciaux et des effets visuels, car il faut que toutes les équipes sachent très précisément ce que l’on doit tourner. Nous avons pu faire des tests de prises de vues très poussés avec Maxime pour préparer le tournage d’OXYGÈNE. Nous avons loué tout le matériel caméra dont nous avions envie – différents objectifs, accessoires et gadgets – et nous les avons essayés en filmant une doublure allongée dans une grande boîte en bois sur les parois de laquelle on avait collé les dessins des détails du futur caisson, qui n’était pas encore prêt à ce moment-là. Nous avons passé deux jours à essayer tous ces équipements en filmant la doublure et l’intérieur du caisson de toutes sortes de manières, pour voir les résultats que nous obtenions. Petit à petit, nous avons vérifié que nous allions pouvoir obtenir les différents types de plans de ma « liste de courses », sans que la nature de l’image ne change de façon gênante. Je n’aurais pas voulu, par exemple, que l’on passe brutalement d’un rendu du genre « vidéo de sport tournée avec une mini caméra GoPro » à une belle image de cinéma très léchée.

Le compte à rebours de la suite de cette conversation a déjà commencé : elle apparaîtra bientôt sur ESI ! Bookmark and Share


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