Avant-première BLACK WIDOW : Entretien avec le scénariste Eric Pierson - 1ère partie
Article Cinéma du Lundi 21 Juin 2021

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comme vous la savez certainement, la sortie de BLACK WIDOW a été maintes fois décalée en raison de la pandémie. Mais vous allez enfin pouvoir le découvrir sur grand écran en salles, le 7 juillet, et profiter de ses excellentes scènes d’action et des performances émouvantes de sa distribution. Pour patienter, ESI vous propose déjà cette rencontre avec le scénariste Eric Pearson qui a eu lieu pendant le tournage du film en Angleterre, en 2019. L’occasion de découvrir comment les studios Marvel ont peaufiné le récit de la première aventure en solo de la belle Natasha !



Entretien avec Eric Pearson, scénariste

Comment avez-vous entamé votre travail sur le scénario de BLACK WIDOW ? Avez-vous pu l’imaginer librement, ou vous a-t-on donné les grandes lignes du récit qui était souhaité ?


J’ai commencé à travailler sur le script en mai 2019 à Los Angeles, puis je suis arrivé à Londres en avril, et je suis encore présent tous les jours sur le tournage alors que nous sommes en septembre. Kevin Feige, Brian Chapek et Scarlett Johansson avaient déjà déterminé et mis en place beaucoup d’éléments-clés de l’histoire, car ils réfléchissaient au projet depuis longtemps. Ma collègue Jac Schaeffer, qui a travaillé aussi sur la série WANDAVISION, a écrit une première version du script. Je suis arrivé assez tardivement dans ce processus. A ce moment-là, il avait déjà été décidé que l’on allait présenter plusieurs personnages, dont celui de Yelena Belova, incarnée par Florence Pugh, que Natasha affronterait Taskmaster, et que l’action se déroulerait après les événements décrits dans CAPTAIN AMERICA : CIVIL WAR. C’était comme si différentes pièces d’un puzzle avaient été fabriquées, et qu’il fallait fabriquer celles qui manquaient pour le compléter. C’est un exercice difficile, car il faut relier ces éléments tout en construisant une intrigue captivante, avec des arches narratives qui conviennent à Natasha, Yelena, Melina Vostokoff que joue Rachel Weisz, Alexei Shostakov qui est incarné par David Harbour, et à tous les autres personnages principaux ! Mais nous avons réussi à mettre tout cela en forme et nous continuons à peaufiner les choses pendant la production du film.

Avez-vous une connaissance encyclopédique de tous les super-héros Marvel ?

Oh, ce serait très exagéré de dire cela ! J’étais fan des Marvel comics pendant mon enfance, puis je me suis intéressé à la littérature en grandissant, et je les ai un peu perdus de vue. Mais comme j’ai eu l’occasion de collaborer assez régulièrement avec les Studios Marvel depuis dix ans – d’abord en participant à leur programme de formation de scénaristes, puis en travaillant sur la série AGENT CARTER - je me suis souvent replongé dans cet univers et j’ai bien sûr étudié les « biographies » de ces personnages. J’ai apporté aussi quelques contributions à AVENGERS INFINITY WAR et AVENGERS ENDGAME, ce qui a été une expérience géniale. Cela fait donc longtemps que je collabore avec cette société, et que j’apprécie leur manière de travailler. J’ai eu la chance de voir comment Kevin Feige a façonné les Studios Marvel et a déterminé les grandes lignes de cette énorme saga cinématographique en faisant appel à de nombreux auteurs, artistes et acteurs de grand talent. C’est vraiment cool.

Comment décririez-vous le ton de BLACK WIDOW ?

Je dirais qu’il est plus ancré dans la réalité, et parfois plus âpre que celui des précédentes productions Marvel où l’on voyait beaucoup d’éléments fantastiques. Mais il y a toujours énormément d’action. Du suspense aussi. Une intrigue autour d’une conspiration secrète, une atmosphère de thriller d’espionnage, et une sorte de « conflit familial » vraiment atypique. Je crois que la combinaison de tous ces éléments va permettre au film de ne pas ressembler à une formule standard de blockbuster. C’est donc encore plus difficile pour moi de vous répondre en collant une étiquette sur BLACK WIDOW, parce que je n’en vois aucune qui corresponde précisément à ce que nous essayons de faire. Et je pense que c’est plutôt bon signe ! Il y a indéniablement des moments sombres, mais la dynamique des rapports entre les personnages nous permet de créer aussi des scènes amusantes. A titre personnel, quand je découvre un film, je m’intéresse toujours plus vite à un personnage à partir du moment où il a réussi à me faire rire. Cela prouve qu’il perçoit l’ironie de certaines situations et donc qu’il est observateur et intelligent. C’est un bon point de départ pour aborder une héroïne comme Natasha, qui est déjà super cool à l’origine.

De quels éléments de cette histoire vous servez-vous pour créer l’humour de certaines scènes ?

La meilleure manière de procéder consiste à partir de l’essence d’un personnage, de ce qui constitue le cœur de son caractère, de sa vérité. Depuis que nous la voyons dans la saga Marvel, Natasha a toujours été sérieuse, discrète, et très réservée dans l’expression de ses sentiments. On l’a rarement entendue évoquer sa vie passée. Dans un contexte de comédie, elle se retrouve donc dans le rôle du clown blanc sérieux et raisonnable vis-à-vis de l’auguste. Ce film nous permet justement de rencontrer des gens qui ont d’autres types de relations avec elle, parce qu’ils l’ont bien connue à un autre moment de sa vie, et qu’ils peuvent donc se comporter de manière beaucoup plus familière avec elle. C’était la clé dont j’avais besoin pour concevoir ces moments plus légers, car les trois protagonistes que sont Yelena, Melina et Alexei savent comment la provoquer en lui lançant des plaisanteries acerbes, et ils n’hésitent pas à la titiller ainsi, quitte à la mettre en colère. Cela se produit aussi pendant des situations périlleuses, quand il faut l’éperonner pour lui donner un petit sursaut d’énergie. Cet aspect de leurs relations était très amusant à imaginer et à écrire pendant la préparation du script, parce qu’ils prennent beaucoup de plaisir à l’énerver. Et quand nous en sommes arrivés aux répétitions avec David Harbour, nous avons découvert sa manière truculente de jouer Alexei, et nous nous sommes rendus compte alors qu’avec son côté extraverti et tapageur, ce personnage pouvait irriter Natasha au plus haut point quoi qu’il fasse, avant même de prononcer un seul mot ! Cela créait une dynamique comique encore plus forte que ce que j’avais imaginé. Et nous avons pu constater que cela fonctionnait très bien dans tous leurs échanges.

Avez-vous aimé écrire les scènes qui décrivent l’adolescence de Natasha et Yelena ?

Oui, beaucoup. Je pense que cette grande séquence qui constitue le prologue du film surprendra les spectateurs. Ces scènes sont intéressantes à plusieurs titres, d’abord parce que nous découvrons Natasha et Yelena à cet âge-là, bien sûr, et que cela permettra de mieux comprendre leur vécu, la manière dont leurs caractères se sont constitués, mais aussi parce qu’il y a un côté assez ironique dans cette situation, quand on comprend que ces jeunes filles apparemment inoffensives sont impliquées dans un complot à l’échelle mondiale ! Au départ, en le voyant, on pense qu’elles sont juste des ados comme les autres, mais il se produit un déclic, un moment-pivot, qui les force à se comporter comme elles ont été entraînées pour le faire. Et là, cela n’a plus rien à voir. Je crois que ce sera l’un des moments emblématiques de cette exploration du passé de Natasha.

La suite de notre dossier a pour mission d’apparaître prochainement sur ESI. Bookmark and Share


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