SANS UN BRUIT 2 : Interview exclusive avec John Krasinski, co-scénariste et réalisateur - 1ère partie
Article Cinéma du Mercredi 14 Juillet 2021

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Voyage en territoire inconnu

Après la destruction de son foyer et le sacrifice de son mari, Evelyn Abbott n’a d’autre choix que de partir à la recherche d’un nouvel abri pour elle et ses trois enfants, en s’aventurant dans un monde ravagé par les monstres extraterrestres.


Pour les amateurs de fantastique, SANS UN BRUIT a indiscutablement été l’une des plus belles surprises de 2018. Ce mélange de suspense, d’horreur, de science-fiction et d’une chronique familiale sensible s’est avéré aussi fascinant que bouleversant. Produit avec un budget de 17 millions de dollars, le film en a rapporté plus de 340 au boxoffice mondial, récoltant aussi les louanges de la presse. Un tel succès appelait une suite, que l’acteur, scénariste et réalisateur du premier opus, John Krasinski, a pris le temps de concevoir en faisant preuve de la même exigence narrative. ESI s’est entretenu longuement avec lui pour évoquer les objectifs qu’il s’est fixés en imaginant et en tournant ce deuxième chapitre très attendu.



Entretien avec John Krasinski (co-scénariste / réalisateur / producteur exécutif)

Rendu célèbre par le rôle de Jim Halpert dans la version américaine de la sitcom THE OFFICE, Jim Krasinski est passé à la réalisation en 2009 avec BRIEF INTERVIEWS WITH HIDEOUS MEN, suivi en 2016 par LA FAMILLE HOLLAR. Mais c’est en 2018, en jouant avec son épouse Emily Blunt les parents de la famille Abbott, tentant de survivre à une invasion extraterrestre dans SANS UN BRUIT, qu’il se classe définitivement parmi les auteurs-réalisateurs les plus en vue à Hollywood.

Au départ, vous n’aviez pas envie de réaliser un film d’horreur, mais vous avez changé d’avis en apprenant que le scénario de SANS UN BRUIT était consacré à une famille tentant de survivre. En fin de compte, quelles opportunités scénaristiques et de mise en scène avez-vous découvertes et appréciées en travaillant dans ce registre pour le premier volet de cette histoire et pour sa suite ?

En fait, après avoir lu la première version du script, je me suis lancé dans ce projet à la condition de pouvoir réécrire ce scénario pour le transformer en métaphore sur le rôle des parents dans une famille. Cet aspect ne figurait pas du tout dans la version initiale. J’ai senti que je pouvais en faire un récit beaucoup plus personnel, en tant que père de deux jeunes enfants. Pour vous dire les choses franchement, je dois avouer que ma réaction concernant le genre du film était due à mon ignorance. Je n’avais pas compris à quel point ce registre pouvait être beau et puissant parce que j’en étais resté aux films d’horreur des années 80 et 90, les « slashers » sanglants qui jouaient sur la peur viscérale et les effets gore. Ceux que j’avais vus quand j’étais un pré-adolescent m’avaient vraiment terrifiés, et je crois que c’est ce traumatisme qui m’a dissuadé de voir la nouvelle génération de films d’horreur qui respectent les codes du genre tout en racontant d’excellentes histoires, qui ont du sens. Quand je me suis engagé à réaliser SANS UN BRUIT, il m’a fallu rattraper ce retard. J’ai fait abstraction du gamin de onze ans effrayé que j’avais été, et le visionnage de tous ces films que j’avais ratés a été une véritable révélation. Je me suis plongé avec délice dans ce monde d’histoires passionnantes et j’ai constaté que le genre fonctionnait comme un cheval de Troie dans l’univers du divertissement, et permettait de présenter au grand public des sujets de société importants et significatifs sous cette forme. J’ai suivi humblement les traces de grands réalisateurs comme Jordan Peele, qui a fait un constat social implacable dans GET OUT. Même un film comme THE WITCH fait passer les thèmes passionnants avant les effets terrifiants. Compte tenu de tout cela, mon objectif dans le premier volet de SANS UN BRUIT était de montrer ce que des parents aimants et courageux pouvaient faire pour protéger au mieux leurs enfants dans un monde où rôdent des créatures mortelles. Je me suis dit : ‘si je parviens à faire croire aux spectateurs que ces personnages sont réels, et qu’ils s’y attachent, ils auront d’autant plus peur pour eux, et craindront qu’ils puissent leur arriver malheur.’

C’est effectivement l’empathie que l’on ressent pour eux qui rend le film aussi efficace et aussi touchant.

Merci !

Quelles ont été vos premières idées sur la manière de faire évoluer les personnages dans cette suite ? De quels types d’épreuves considériez-vous qu’Evelyn avait besoin pour surmonter la perte de son mari Lee et garder l’espoir de s’en sortir ? Et de même, qu’est-ce qui allait, selon vous, aider Marcus et Regan à devenir des adolescents forts et capables de se défendre seuls dans ce monde si dangereux ?

En disant cela, vous avez énoncé les raisons précises pour lesquelles j’ai eu envie d’écrire et de réaliser ce deuxième chapitre ! Je n’avais pas songé à travailler sur une suite, tout simplement parce que je n’avais jamais imaginé que SANS UN BRUIT pourrait devenir une franchise. Quand il a remporté un grand succès commercial, j’ai compris les raisons pour lesquelles le studio souhaitait en produire une suite. Cependant, le film original était de loin ce que j’avais fait de plus personnel dans toute ma carrière. Même si SANS UN BRUIT est une histoire horrifique et inquiétante, c’est aussi une lettre d’amour écrite à mes enfants. J’avais donc décidé de ne pas réaliser le deuxième épisode, mais plus j’y réfléchissais pendant que le studio rencontrait d’autres scénaristes et d’autres réalisateurs, plus je trouvais petit à petit comment continuer cette métaphore sur la parenté. Si le premier film était consacré à la famille et aux promesses que les parents font à leurs enfants – si tu restes avec moi, je te protégerai et tout se passera bien - le deuxième devait montrer que ces promesses sont tôt ou tard inévitablement brisées au cours des circonstances que l’on affronte. Cet aspect était déjà abordé à la fin du premier volet, avec le tournant dramatique du sacrifice du père, mais il fallait y revenir pendant cette deuxième aventure, car grandir, c’est aussi se rendre compte que les parents ne peuvent pas forcément tenir toutes leurs promesses. En écrivant cette histoire, j’ai comme vous le disiez voulu explorer de manière réaliste les conséquences d’un deuil, et la manière dont deux enfants pouvaient se débrouiller pour grandir dans un monde qui recèle d’innombrables pièges. Et en réunissant toutes ces idées, je me suis retrouvé face à un projet si attirant que je suis revenu sur ma décision et que j’ai dit au studio que j’étais finalement prêt à réaliser ce second volet.

La suite de notre dossier apparaîtra bientôt sans un bruit sur ESI. Bookmark and Share


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