La restauration de « La Belle au Bois Dormant » : La seconde vie d’un chef-d’œuvre, dont on découvre enfin les images dans leur intégralité !
Article DVD Blu-Ray du Mercredi 24 Decembre 2008

Par Jérémie Noyer

Traduction : Alien Factory, avec le collaboration de Pascal Pinteau.

Depuis sa sortie en 1959, « La Belle au Bois Dormant » a été salué comme un des dessins animés les plus prodigieux issus des studios Disney. Déjà restauré pour l’édition Laserdisc et une récente éditon DVD, « La Belle au Bois Dormant » a subi une complète transformation pour ses débuts en BluRay.

Suivant les traces de Walt Disney lui-même, la « Maison de la Souris » a toujours honoré ses origines artistiques et les traditions de l’animation, tout en préparant activement le futur. C’est un aspect important dont le Studio a toujours été conscient. : Le devoir de préserver et d’entretenir son héritage. Aujourd’hui, quand Disney retourne à ses racines, c’est en utilisant une technologie de pointe. En 2001, les équipes du studio ont lancé la collection Edition Platine avec « Blanche Neige et les 7 nains », entièrement restauré à cette occasion. Grâce aux progrès de la technologie, il a été possible de réaliser une plus belle restauration que prévu, à partir du négatif original. Ce procédé a été employé à nouveau en 2005 avec la sortie du dvd Edition Platine de « Bambi ». A présent, avec l’intérêt sans cesse grandissant suscité par le BluRay, format haute définition que Disney soutien activement, le Studio a révélé sa dernière restauration en date, dont a bénéficié une autre oeuvre maîtresse, « La Belle au Bois Dormant ». Sara Duran-Singer, cadre dirigeante de Post Production aux Studios Walt Disney, est en charge de la restauration et la préservation des œuvres de la bibliothèque Disney.

Répondant à l’invitation des Studios Walt Disney, Effets-speciaux.info a eu le privilège d’assister à une présentation de l’ensemble du procédé par mademoiselle Duran-Singer, et aussi de demander de plus amples détails à propos du film et de sa restauration à Andreas Deja, animateur légendaire de chez Disney et expert en animation.



Une bonne utilisation des négatifs

Pour comprendre l’étendue des améliorations du procédé, il est toujours bon de revenir en arrière et de les comparer à ce qui avait été fait auparavant. Comme l’explique Sara Duran-Singer, en dépit du fait que la première restauration a permis à de nouvelles générations de spectateurs d’apprécier les classiques Disney dans de bonnes conditions, la technologie de l’époque n’était pas tout à fait au point : « Vous savez, évidemment, que nous avons ressorti nombre de titres de notre bibliothèque - spécialement les dessins animés – parce qu’à chaque fois nous touchons une nouvelle génération d’enfants et de familles qui veulent voir nos films. Dans le passé, nous avons réussi de bonnes restaurations, travail que nous devions effectuer en utilisant des éléments qui étaient des copies de 2ème ou de 4ème génération du négatif original. » Pour ces raisons, on avait admis qu’on pouvait utiliser le positif ou l’internégatif tirés à partir du négatif original. Mais de fait, lors de ces restaurations, il faillait tenir compte des altérations provoquées par 4 générations successives de procédés chimiques de tirage photo et de passage des images au travers de lentilles optiques, ce qui veut dire beaucoup de grain ajouté, beaucoup de salissures. L’image est moins nette, les couleurs ne sont pas aussi éclatantes qu’elles le devraient. Mais à l’époque, nous avons fait ce que nous faisons de mieux, c'est-à-dire transférer ou scanner l’image positive ou l’internégatif. Ensuite, les équipes Disney ont réalisé un nettoyage complet des poussières et salissures, et essayé de réduire le grain. On a utilisé différents outils digitaux pour combler les manques dans les peintures de fond et les personnages et les nettoyer. Si vous possédez une cassette vidéo ou si vous avez acquis un dvd paru avant la ressortie de « Bambi » en 2005, c’est la version que vous avez.

Finalement, la seule solution pour obtenir la meilleure qualité d’image était de revenir au matériau d’origine ! « Maintenant, la technologie et nos propres procédés ont évolué. Aujourd’hui, nous pouvons reprendre le négatif original, qui à l’époque, probablement au milieu des années 50, était tiré sur un film au nitrate, un matériau hautement inflammable et explosif. C’est pourquoi ils n’étaient pas stockés sur place. On a ramené les négatifs. Il faut préciser la manière de filmer de l’époque – que l’on utilisait d’ailleurs toujours quand j’étais employée au département de production des longs métrages d’animation - consistait à exposer le film en trois passages. On filmait la même image couleurs 3 fois avec des filtres différents – bleu, rouge et vert. Et puis, grâce à un procédé optique, on recombinait les 3 images pour n’en faire qu’une. Ce qui est vraiment bien avec ce procédé, c’est que non seulement l’image était plus nette, mais parce que l’image est tirée d’un négatif en noir et blanc, il n’y a pas de perte de qualité que l’on avait en travaillant à partir du positif. Donc on obtenait de bons résultats en utilisant une caméra vielle de 70 ans ! Mais du fait des passes successives, on avait 3 fois plus de longueur de film pour le négatif global, donc 3 fois plus de salissures à traiter. Le procédé générait quand même son lot de problèmes. ».

Ce n’est pas la première fois que « La Belle au Bois Dormant » a été digitalement restaurée. Il y eut une première tentative à la fin des années 90, pour un Laserdisc Deluxe, et une Edition Spéciale DVD en 2003, mais la barre n’était pas suffisamment haute, évidemment ! Comme le dit Duran-Singer, « Il fallait tout recommencer car on avait utilisé alors un support film différent. C’est ce qui fait toute la différence. Les outils que les compagnies de nettoyage utilisent ont évidemment évolués. En utilisant les mêmes logiciels de retouche et de restauration de façon constante, les spécialistes ont beaucoup appris. Mais dans le cas de la restauration de « La Belle au Bois Dormant » , la principale différence était qu’au lieu d’utiliser une version film récente du film, on a utilisé l’original. On disposait ainsi de toutes les informations, d’un matériau d’une netteté totale et d’une saturation parfaite des couleurs. Il n’était plus nécessaire de se battre contre les détériorations dues aux traitements chimiques successifs, ou essayer d’égaler le niveau de grain original. On ne se posait pas la question de savoir quel était l’éclat des couleurs de l’époque ou la netteté de l’image originelle. En partant du négatif original en noir et blanc, nous avons bénéficié d’une énorme différence qualitative. »

Cela dit, la restauration n’est pas uniquement une affaire de technologie. Le processus requiert toujours de nombreuses interventions humaines : « Ce nouveau procédé utilise le négatif original que l’on scanne en en haute résolution 4K, afin de capturer le moindre détail. Puis on sauvegarde l’image sous forme de fichier numérique. Elle est alors entièrement nettoyée, dépoussiérée, et le grain est ajusté. Il y a un groupe chez nous – on les appelle le Comité de Restauration – qui est composé de gens qui ont travaillé dans de nombreux domaines de l’animation. Des gens comme Andreas Deja, que certains connaissent et qui est un des animateurs vedettes de Disney. Il y a aussi Dave Bossert, qui est un réalisateur, et un animateur d’effets visuels chez Disney depuis plus de 20 ans, moi-même qui ai travaillé comme responsable de post-production à Disney Feature Animation, depuis 15 ans. Il y a aussi Theo Gluck, notre responsable de restauration, qui est un expert des formats de films maison, spécialement les formats écrans larges. Et enfin, il y a Joe Jiuiano, qui dirige nos services de films et caméras digitales à Feature Animation. Voilà les membres du comité. Nous travaillons de très près avec notre équipe de restauration. Nous nous parlons tous les jours et il faut souvent faire des choix complexes pour réparer certaines images. Par exemple, vous avez une main sur une image mais sur l’image suivante la peinture est abîmée, faisant disparaître un doigt. L’approche que l’on a est que si l’animateur pouvait réparer cette image, il l’aurait fait. On sait évidemment qu’un doigt disparu, ou un éclat de peinture n’était pas dans l’intention du réalisateur, donc on répare ce problème. Mais il y a des jours, en débattant, que l’on se dit : vous savez, ce n’était pas son intention au départ. Ce n’est pas notre rôle de changer les images, mais de les restaurer en respectant ce que le réalisateur aurait souhaité s’il avait eu la possibilité d’intervenir ».



Afin d’accomplir sa tâche, Sara Duran-Singer et son équipe ont fait face à de nombreuses épreuves, à commencer par le format du film, qui était à la fois une bénédiction et une malédiction! « D’abord », dit-elle, « il y avait un problème avec le format Technirama : Technirama est en somme un format vistavision avec un format optique différent. Au lieu des 4 perforations par image, il y en a 8. Et 3 images négatives à combiner pour obtenir 1 image couleur de film. Cela a généré une énorme quantité de négatif , comme nous le disions tout à l’heure. Mais à l’époque, c’était le summum de la qualité. Walt Disney, comme chacun sait, était très intéressé par la technologie, et s’efforçait d’en dépasser sans cesse les limites. A l’époque, le format Technirama était tout nouveau. » Et ce n’est pas tout, puisque, alors que Walt Disney tournait « La Belle au Bois Dormant », il avait déjà décidé de le filmer en Cinémascope : « C’était un format nouveau qui venait de sortir, radicalement différent de celui, presque carré, de la télévision dont la popularité allait grandissante. Les Studios se sont aperçus que les gens restaient de plus en plus souvent à la maison. Ils étaient, comme aujourd’hui, de plus en plus attachés à cette petite boîte. Et la fréquentation des cinémas baissait. Tous les studios et les cinémas essayaient de mettre en place ce format. L’écran large plongeait les spectateurs dans une toute autre ambiance que celle qu’ils avaient en regardant la télévision à la maison. C’est comparable à ce que l’on fait maintenant avec la 3-D Relief. On apporte la 3-D dans les salles de cinéma. Jusqu’à présent, vous ne pouvez pas recréer ce genre de spectacle chez vous. Donc, le plan était de sortir « La Belle au Bois Dormant » en tant que premier film d’animation jamais présenté dans le format Cinemascope. Jusque là, le format était du 2.55 :1 au lieu du format 2.35 :1 actuel. Alors ils ont filmé sur ce support avec un ratio de 2.55 ce qui veut dire en fait qu’il y a plus d’information sur la gauche et sur la droite de l’écran. Il y a des parties d’images qu’à notre connaissance personne n’avait vu auparavant excepté durant les rendez-vous de travail quotidiens pendant la production du film, ou lors des projections lors de la première sortie du film au cinéma. projection. Mais si vous avez vu le film plus tard au cinéma quand vous étiez enfant, ou si vous possédez le DVD ou la VHS, vous n’avez pas pu voir tout ce qui ce passe sur les côtés de l’image. Grâce au nouveau travail fait à partir du négatif original, nous avons été capables de scanner le film dans son format 2.55 :1 et c’est ce que vous verrez pour la toute première fois dans cette édition BluRay et DVD, une image restituée dans son intégralité. Il y a des portions entières d’images que vous n’avez jamais vues et ce sera une aubaine pour les cinéphiles possesseurs d’écrans larges, plasma ou écrans LCD. C’est un film parfait pour cette réédition dans ce format. En fait, l’autre film un peu différent était « La Belle et le Clochard ». Vous savez, il a fallu 2 ans pour faire le film, et pendant ce temps, le format cinemascope a changé, mais au lieu de revenir en arrière et de repartir de zéro, ils ont préféré finir le film comme ça. Ce petit jeu de « vous me voyez, et maintenant vous ne me voyez plus » dont ont pâti les images de « La Belle au Bois Dormant » s’est enfin arrêté aujourd’hui. Certains personnages ou autres éléments visuels longtemps coupés apparaissent désormais à l’écran ! Je vais vous en donner un exemple : pendant la réception organisée en l’honneur de la Princesse Aurora, celle-ci doit être présentée au royaume tout entier. Il y a une gigantesque parade de chevaux, de soldats et de paysans – qui vont de droite à gauche ou gauche à droite sur l’écran. Auparavant, dans la version tronquée, on les voyait un peu en retard, parce qu’on ratait leur véritable entrée dans le cadre à droite et à gauche. »

De plus, la haute définition amène d’autres détails : « Je pense que certains éléments prennent un aspect tout nouveau en Blue-Ray » s’enthousiasme Duran-Singer. « La forêt, le style graphique, la peinture, les détails, les feuilles, et les ombres. Toutes ces choses qui se perdent parfois pendant le transfert d’un film, aux endroits les plus sombres, sont désormais parfaitement visibles ! »

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