Terminator : The Sarah Connor Chronicles – grands effets pour petits écrans
Article TV du Mercredi 01 Juillet 2015

A l'occasion de la sortie de Terminator : Genisys, nous vous proposons de (re)découvrir cet article consacré aux trucages de la série The Sarah Connor Chronicles, diffusée en 2008 et 2009.

Par Pierre-Eric Salard

Lorsqu'un studio doit créer les trucages d'une série, comment peut-il rendre justice à l'une des sagas cinématographiques les plus riches en effets spéciaux ? Issue de la franchise Terminator, The Sarah Connor Chronicles se devait de ne pas trahir les films qui l’ont précédé. Seize ans après les innovations de Terminator 2 : Le Jugement Dernier, il est toujours difficile d'égaler sur le petit écran la qualité des trucages d'Industrial Light & Magic. Chargé de cette responsabilité, le studio Zoic devait relever un sacré défi, car la longévité de la série allait dépendre en partie de la qualité de ses effets spéciaux. Les artistes et techniciens de Zoic ont donc tout mis en oeuvre pour ne pas décevoir les fans de la trilogie, particulièrement pointilleux...

Une occasion en or

Lors des réunions de pré-production de la série, en 2007, les producteurs décident d’adopter une approche nouvelle de l'univers Terminator, tout en ayant recours ponctuellement à des scènes-chocs, qui évoquent les films. Malgré le faible budget disponible, le studio californien Zoic (Firefly, Battlestar Galactica) a pour objectif de créer des effets visuels dignes du grand écran. Il doit concevoir 400 trucages pour le pilote, puis 25 à 100 par épisode de la série. Le directeur du département de la création de Zoic, Andrew Orloff, fait appel au vétéran James Lima pour superviser la confection de ces effets visuels. Au cours des quinze dernières années, la carrière de Lima lui a permis de travailler en collaboration avec de grands noms du septième art. Après ses débuts d'artiste conceptuel (Le Blob, 1988), il obtient un poste de directeur artistique sur la série sous-marine Seaquest (1993) produite par Steven Spielberg. « Les effets visuels ne lui plaisaient pas », raconte Jim Lima. « Il m'a donné 24 heures pour lui montrer de quoi j'étais capable. J'ai accepté son défi... et je suis devenu superviseur des effets spéciaux de la série ! (rires) Steven m'a ensuite confié ce poste sur quatre autres projets, dont Taken (2002), qui a été nominé aux Emmy Awards... » Parallèlement, il entame une collaboration avec James Cameron en travaillant sur Strange Days (1995) et sur les premiers designs destinés à Avatar... à l'époque de Titanic (1998) ! « Ayant suivi de près la carrière de Jim depuis plus de dix ans, l'opportunité de travailler sur The Sarah Connor Chronicles était une étrange coïncidence ! Lorsque les producteurs Josh Friedman et James Middleton ont proposé ce projet à Zoic, j'ai immédiatement sauté sur l'occasion (rires) ! Nous avons longuement parlé de ce qu'est l'essence-même de l'univers Terminator. Quels sont les aspects visuels le plus séduisants de cette saga ? Les détails à ne pas trahir ? » Afin de savoir ce qu'il est possible d’adapter au petit écran, les producteurs commandent une série de tests. « Les techniciens de Zoic ont longtemps travaillé sur la phase 'recherche et développement' », explique David Nutter, le réalisateur du pilote. « Au terme de cette période, il s'est avéré que la majorité des trucages n'étaient plus aussi onéreux que prévu ».

Hommage à la série B

L'objectif de Nutter est de s'approcher du style de Terminator (1984). « Ce film reste la meilleure série B de l'histoire du cinéma ! Par rapport aux autres blockbusters sortis la même année, Terminator a été tourné avec un budget ridicule. Nous nous en sommes inspirés pour développer la structure visuelle et le rythme effréné de la série... à moindre frais ! Ce film possède une ambiance viscérale, brutale. En terme d'effets visuels, nous devions être aussi efficaces... ». Si la majorité des épisodes de la série disposent d'effets spéciaux de qualité, ce n'est cependant pas le but prioritaire de l'équipe de production : l’histoire doit passer en premier. « Quand vous travaillez sur un tel projet, vous avez rarement l'argent et le temps nécessaires pour créer des scènes impressionnantes dans chaque épisode... et j'en suis heureux ! (rires) », explique le producteur et scénariste Josh Friedman. « Quand les comptables viennent nous dire « cet épisode doit être moins spectaculaire que le précédent », cela m'oblige à écrire des segments où je peux développer les personnages, ce qui est une bonne chose. The Sarah Connor Chronicles raconte les combats dramatiques d'une famille dans un monde de science-fiction. Or, malgré la dose d'action obligatoire, elle reste une série centrée sur ses personnages ! » L'industrie télévisuelle a coutume de dire que les séries se consacrent davantage à leurs protagonistes que la plupart des films. Pour Jim Lima, ce constat ne s’applique pas à la franchise Terminator. « James Cameron a réalisé des films d’action dont les héros sont le moteur. Josh Friedman souhaite reproduire ce qui fonctionne brillamment dans ces films : un récit généré par l’évolution de ses personnages, qui s’inscrit dans une mythologie moderne ».

??Des mentors légendaires

Pour insuffler la vie aux héros du feuilleton, il faut d'abord réussir à rendre crédible l'univers de science-fiction dans lequel ils évoluent. « Lorsque les spectateurs pensent à Terminator, plusieurs images leur viennent immédiatement en tête. Ils s'attendent à voir de véritables Terminators en action et des voyages à travers le temps ! Heureusement, aujourd’hui, la télévision a les moyens techniques de rivaliser avec le cinéma. Mon approche est la même que si je travaillais pour un film. La seule différence, c'est que nous disposons d'un budget et d'une durée de production ridicules ! Sur cette série, nous travaillons 90 minutes par heure (rires) ! » Jim Lima n'hésite pas à appliquer les conseils avisés de ses mentors. « Steven Spielberg m'a appris que la télévision, Internet ou les cartoons méritent autant d'attention que la cinéma. Mon objectif n'est pas de faire mieux que les films, mais de faire en sorte que la série se fonde parfaitement dans la saga. De son côté, James Cameron m'a expliqué que tout commence par le design. Grâce à notre long travail conceptuel et à la pré-visualisation, les producteurs peuvent prévoir aisément le budget consacré aux trucages. Une fois que les scènes sont tournées, je reprends d'ailleurs ce travail conceptuel à partir des rushes. C’est ce que je surnomme la 'post-visualisation' ! (rires) ».

Modernisation

Le principal défi relevé par Jim Lima est de mettre-à-jour le design des terrifiants endosquelettes T-800. The Sarah Connor Chronicles introduit le cyborg T-888, un chef d'oeuvre de l'ingénierie post-apocalyptique, dont les rouages et les mécanismes doivent donner l’impression de fonctionner réellement. « Ce n'est pas un objet conçu de manière classique, pour un tournage Hollywoodien », précise Lima. « J'ai redessiné l'endosquelette. Jusqu'à maintenant, il y avait le T-800 (Terminator 1), le T-1000 (le cyborg semi-liquide du second opus) et le T-X (Terminator 3). Désormais, il y a le T-888 ! L'absence d'Arnold Schwarzenegger imposait un nouvel acteur, et donc un cyborg au design évolué. J'ai analysé le design original de Stan Winston avant de me dire : « cet endosquelette a près de trente ans et était basé sur la technologie de l'époque. Depuis, la technique a incroyablement évolué ! Essayons de l'améliorer sans en modifier l'essence ». La silhouette et le fonctionnement restent donc les mêmes. Je voulais que les gens remarquent au premier coup d'oeil qu'il s'agit d'un Terminator. Mais les yeux sont différents, tout comme la technologie embarquée : le T-888 bénéficie de trois processeurs et d'épaules plus massives. De plus, je dois lui faire jouer des scènes avec des acteurs ! Nous avons heureusement bénéficié de cinq mois pour parfaire son design... » Une version numérique du cyborg, aux multiples articulations, est ensuite modelée sous Maya. « Ce logiciel nous a facilité le travail pour les animations d'ordre secondaire, comme les mécanismes internes », explique Andrew Orloff. « Nous avons ajouté les textures puis fait le rendu avec Lightwave, qui est plus pratique à utiliser dans une production télévisuelle. Le T-888 est ensuite animé de deux manières distinctes. Soit les artistes l'animent « à la main », soit ils récupèrent les données des séances de captures de mouvement que nous avons organisées. Mais le plus souvent, nous faisons un mélange des deux techniques ». Si ce modèle numérique représente un outil formidable pour la suite de la série, il n'est pas forcément utilisé pour les gros plans. A l'heure du tout numérique, la franchise Terminator utilise toujours des techniques qui lui ont donné naissance, 24 ans auparavant...?

Le meilleur des deux mondes

Afin de créer l'ensemble les maquillages spéciaux, Jim Lima fait appel à Rob Hall du studio Almost Human (Buffy, Firefly, House of the Dead 2). « C'est une collaboration intéressante : quand j'estime que certains trucages méritent d'être filmés devant la caméra, je lui passe le relais. Il donne littéralement vie à mes designs ! Ses maquillages transforment les acteurs en cyborgs plus vrais que nature... » Les deux partenaires commencent à travailler ensemble en amont de la production. « Dès la phase de pré-production, nous débutons un processus d'émulation », précise Rob Hall. « Jim m'envoie ses dessins conceptuels. J'en tire des sculptures qui lui serviront à concevoir ses modèles numériques. Nous avisons ensuite s'il est possible de créer physiquement certains trucages ». Almost Human a par exemple conçu le bras robotique d'un Terminator. « Nous n'avons pas besoin de voir continuellement ses articulations en mouvement. Cela a permis d'éviter la création de nombreux plans en images de synthèse. Mais si le réalisateur a besoin d'un plan spécifique, Jim n'hésite pas à s'écrier « encore un plan pour Zoic, un ! » pour me narguer ! (rires). Nous aimons cette saine compétition... » L'équipe de Rob Hall a confectionné notamment la jambe, la main et la tête d'un T-888. La présence d'un Terminator à l'écran ne signifie donc pas obligatoirement qu’il soit représenté en images de synthèse...



Le mélange des genres

Les équipes de Zoic doivent également recréer le célèbre effet de la bulle temporelle imaginé par James Cameron. « Nous avons sincèrement essayé de rendre hommage à l'effet original », explique Andrew Orloff. « Lorsque nous avons reproduit ce trucage à l'aide des derniers logiciels disponibles, il paraissait trop moderne. Nous avons donc fait appel à des animateurs... qui ont dessiné les éclairs à la main ! A partir des rushes, Jim Lima traçait sous Photoshop l'emplacement et la forme du champ d'énergie et des éclairs. Les artistes s'en sont inspirés et ont animé les éclairs image par image. Cela a totalement modifié le style de ces plans, qui paraissent ainsi beaucoup plus « organiques ». Au final, The Sarah Connor Chronicles utilise toute les possibilités des effets visuels, des images de synthèses à l'animation traditionnelle. Nous sommes très excités de pouvoir ajouter notre contribution à cette saga. Malgré le stress, c'est le genre de projet où tous les employés se battent pour travailler sur le moindre plan ! (rires) »

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