MOONFALL : Le nouveau suspense apocalyptique de Roland Emmerich – 3ème partie
Article Cinéma du Vendredi 11 Fevrier 2022

DANS LES COULISSES DE LA NASA

La NASA, l’agence spatiale américaine, s’est engagée dans le projet très en amont, et Emmerich était enchanté – et un rien surpris – par l’enthousiasme de l’institution fédérale. « Ils nous ont dit que c’était une idée intéressante de représenter des astronautes sous un jour aussi héroïque », dit-il. « Ils étaient intrigués par notre évocation de l’espace et du voyage spatial, et ils ont eu l’extrême gentillesse de nous prêter leurs fusées pour la première mission de reconnaissance. On a aussi utilisé le logo officiel de la NASA, ce qui confère une certaine crédibilité au film, et ils nous ont très utilement transmis leurs photos haute définition de la lune. Car la NASA a positionné des appareils photos de très haute technologie sur place ».

Pour les comédiens, tourner dans une authentique navette s’est avéré inestimable. « On appuyait sur des boutons sur lesquels de véritables astronautes avaient appuyé et on touchait à du matériel dont ils s’étaient servis dans leurs missions », indique Halle Berry. « En outre, un astronaute à la retraite, Bjarni Tryggvason, était à nos côtés pour nous briefer, si bien qu’on ne se contentait pas d’appuyer sur des boutons ou de toucher à des manettes de manière aléatoire. On a bénéficié de beaucoup de conseils et on était vraiment accompagnés pour obtenir des réponses à nos questions. On a fait en sorte d’être aussi crédibles que possible ».

Consultant sur le plateau, Tryggvason a fait en sorte que les gestes des acteurs soient exacts. « Je les ai guidés pour certaines opérations de la navette spatiale, pour le lexique que leurs personnages sont censés employer et pour leurs gestes dans l’espace », remarque-t-il.

Étant donné que les acteurs ne tournaient pas vraiment en apesanteur, la production a dû trouver le moyen de simuler cette situation. « On a eu recours aux systèmes à l’ancienne », confie Kerton. « Guillaume a mis au point un système de petits cardans permettant aux acteurs de se déplacer dans tous les sens et même de pivoter ».

« J’ai eu une vraie formation à l’apesanteur en travaillant sur AQUAMAN pendant cinq mois », déclare Wilson. « Je sais ce que c’est de jouer en donnant le sentiment qu’on flotte, et cela a été utile, parce que c’est un effet difficile à restituer ».

« Évoquer l’apesanteur ne m’a pas posé de problème », ajoute Halle Berry. « J’ai joué une astronaute pour une série pendant deux ans, où je participais à un vol en apesanteur, et j’en garde un formidable souvenir. Je sais ce qu’on ressent quand on flotte, quand on est en apesanteur, et comment le corps se déplace. Je savais vraiment de quoi il s’agissait. C’était un plaisir de retrouver ces sensations ».

« Halle et Patrick avaient l’habitude d’être attachés à un harnais et d’effectuer des vols », explique Kerton. « Ils me faisaient penser à des cascadeurs qui enfilent un harnais. Mais John Bradley, lui, n’avait jamais vécu une situation pareille. On a réalisé des plâtres dans lesquels il s’installait, et on a utilisé le mouvement physique pour qu’il puisse flotter dans la navette spatiale ».

Halle Berry évoque son habitude de tourner dans un décor vide (dans lequel les effets visuels allaient s’insérer en postproduction). « Dans la scène d’attaque du début, par exemple, on regarde dans le vide – il faut tout imaginer », dit-elle. « Dans ce genre de film, il faut absolument pouvoir s’en remettre à son imagination. Roland nous donne une idée rudimentaire de ce qui se déroulera dans la scène, mais nous sommes tous conscients que le rendu final dépassera largement ce qu’on peut avoir en tête. Mais on est obligés de faire appel à son imagination. C’est vraiment une méthode de travail inhabituelle. On doit faire confiance aux équipes de la postproduction pour combler le vide, parce qu’on ne regarde rien, sinon quelques images sur un écran qui tentent de préfigurer ce qu’on aura à l’écran grâce à la lumière et aux couleurs ».

Le chef costumier Mario Davignon compare Emmerich à un peintre, pour qui l’authenticité est tributaire de la composition, de la couleur et de la lumière. Mais pour le réalisateur, l’esthétique ne saurait se dissocier du spectacle, de l’aventure et des frissons à grande échelle. Davignon a étudié les combinaisons de la NASA et s’en est inspiré, « pour bien cerner les besoins techniques des astronautes », commente-t-il. Il a surtout fait en sorte que les combinaisons soient fonctionnelles. « Ensuite, on joue sur le style et la couleur. J’ai discuté avec Roland pour bien comprendre l’éclairage. On a choisi les couleurs et on les a retravaillées pour obtenir le bleu pâle qu’on recherchait. On a choisi un orange particulier pour trancher avec le bleu ».

La justesse des détails était capitale. « Le spectateur a besoin de se projeter et de partager les émotions des personnages », poursuit-il. « C’est pour cela que je me suis d’abord inspiré de véritables combinaisons, avant de les adapter ».

Au bout du compte, Emmerich, ses acteurs et ses chefs de poste ont élaboré une œuvre spectaculaire, à mi-chemin entre science-fiction et film-catastrophe, mise en valeur par des effets visuels impressionnants. Dans le même temps, MOONFALL parle de relations familiales et révèle la part d’héroïsme présente chez des êtres en apparence banals. En outre, comme le rappelle John Bradley, l’un des « personnages » principaux est mythique. « Ce qui rend le film aussi attachant et universel, c’est que la lune est à la fois mystérieuse et proche de nous », renchérit l’acteur. « On chante des chansons qui parlent de la lune quand on a 3 ans, elle fait partie intégrante de notre vie et, qu’on soit féru d’astronomie ou pas, on est tous conscients de la présence de la lune ».

Wilson ajoute qu’au-delà du spectacle, le film aborde des thèmes très forts. « La puissance du cinéma, qu’il s’agisse de productions indépendantes ou de blockbusters, c’est de susciter des débats d’idée et de faire réfléchir le spectateur », dit-il. « Un film peut bousculer votre regard sur un phénomène et vous ouvrir l’esprit, même s’il s’agit d’un film à très grand spectacle. MOONFALL y parvient de manière inattendue : il s’empare de l’angoisse liée à l’intelligence artificielle et au soulèvement des machines contre l’espèce humaine. C’est une peur très tangible. Le film parle aussi du changement climatique sans jamais le mentionner explicitement. Rien n’est appuyé : il se contente de semer quelques indices chez le spectateur, ce qui me semble important ».

« Le spectateur est attiré par cette typologie de films car il se retrouve dans les récits qu’ils déploient », note Halle Berry. « Nous sommes tous fascinés par la fin du monde, on cherche tous à se la représenter, et on se demande si on y survivrait. Si j’ai voulu tourner dans ce film, c’était aussi pour Roland Emmerich : il excelle dans ce genre. C’était une véritable opportunité de collaborer avec un réalisateur dont j’admire le travail et de participer à un film de cette envergure ».

Pour le cinéaste, MOONFALL était l’occasion d’explorer un genre dont il est, selon beaucoup, un maître. Et son credo résume parfaitement ce qui réunit tous ses films : « J’aime offrir au spectateur des images et des sensations inédites ». Bookmark and Share


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