La création de THE BATMAN – 3ème partie
Article Cinéma du Vendredi 11 Mars 2022
« J’ai un faible pour les créatures errantes… »
Personnage mystérieux, Selina Kyle infiltre discrètement les bas-fonds de Gotham City pour mieux servir ses propres intérêts. Féroce, agile et pugnace, elle réunit toutes les « qualités » pour faire une parfaite cambrioleuse, mais derrière ses multiples identités et son costume en cuir de motarde, elle dissimule une personnalité protectrice, plus à l’aise avec les créatures errantes de la ville qu’avec ses habitants. Zoë Kravitz campe le rôle énigmatique de Selina Kyle. Capable de tenir tête à Batman, Selina est d’abord en conflit avec lui, ce que Bruce ne comprend pas. « Le plus important à mes yeux, c’était que Selina n’apparaisse pas comme une victime en raison de son passé difficile », souligne l’actrice. « C’est souvent le piège avec les personnages féminins comme le sien, et je ne crois pas qu’elle soit comme ça. Je trouve, au contraire, qu’elle est coriace, qu’elle s’en est toujours sortie, et qu’elle a l’énergie de se battre pour d’autres qui sont dans la même position que la sienne ».
Matt Reeves affirme : « Dès ma première rencontre avec Zoë, j’ai compris qu’elle était vraiment à part. J’ai perçu sa proximité avec Selina Kyle, et j’ai senti qu’elle avait des affinités avec elle et qu’elle s’appropriait le rôle. Je lui ai parlé de plusieurs sources d’inspiration, comme le personnage d’Evelyn Mulwray dans CHINATOWN ou de Bree Daniels dans KLUTE. Je voulais trouver le moyen de faire de cette femme une battante qui a dû se démener pour trouver sa place à Gotham City. Zoë s’est totalement reconnue dans cette description, tout en s’inspirant des BD ». Dans le film, la rencontre entre Selina et Batman semble prédestinée, en raison de l’enquête que mène le Justicier masqué, mais elle était inévitable, d’après Zoë Kravitz, car ces deux êtres se battent pour le même objectif, même si leurs méthodes sont différentes. « Son parcours était très clair dans le scénario », se souvient-elle, « si bien que j’ai cherché à comprendre comment elle a fait pour s’en sortir, comment elle s’est retrouvée là où elle en est aujourd’hui, et pourquoi, à ses yeux, il est si essentiel de se battre pour ses convictions ». Ce travail d’introspection, conjugué à l’alter ego du personnage, lui a donné une idée. « J’ai parlé à Matt de mon idée de chats errants et de cambrioleurs. Je pense qu’elle est elle-même une âme en peine, qu’elle considère Batman de la même façon, et que c’est ce qui explique leur proximité. Elle a vraiment envie de se battre pour ceux qui n’ont personne pour les protéger – et, là encore, c’est un point sur lequel Batman et elle se retrouvent ».
La comédienne tenait également à s’approprier le personnage. « Je ne voulais pas faire d’elle une femme sexy ou mythique, ou coller à la vision à laquelle le public est habitué », dit-elle. « Ce qui comptait avant tout, c’est sa mentalité. On n’a pas souvent affaire à un personnage féminin complexe, surtout dans des productions de cette envergure. J’ai vraiment été touchée par sa trajectoire, son passé, sa souffrance, son combat, sa force. J’ai découvert chez elle un personnage qui ne se contente pas d’être le faire-valoir du héros ou une fille séduisante dans un costume moulant. Elle n’a pas besoin de protecteur et, dans le même temps, en lisant le scénario, il m’est arrivé d’être très émue par ce personnage. Son histoire mérite vraiment d’être racontée ». Elle a également apprécié les rapports complexes entre Selina et Batman, tels qu’ils ont été imaginés par Reeves. « On peut vraiment parler d’un jeu du chat et de la souris entre eux », souligne-t-elle en souriant. « Il y a comme un mélange d’amour et de haine, et la frontière entre les deux est très, très mince. Ils se comprennent très bien, parce qu’au fond, ils sont assez semblables. Et même s’ils n’ont pas la même vision du monde et qu’ils sont issus de milieux radicalement différents, ils ont tous les deux foi en la justice… bien que leur conception de la justice ne soit sans doute pas tout à fait la même. Ils se battent tous les deux pour leurs convictions et ne craignent pas de risquer leur vie pour ces idéaux – et c’est là une qualité très rare ».
D’après Reeves, les deux acteurs ont réussi à rendre cette complicité palpable : « La manière dont, dès le départ, ils se sont renvoyés la balle était presque magique », explique-t-il. « Ils sont amis, l’alchimie fonctionne entre eux à merveille, et tout comme leurs personnages, ils s’entendent très bien sur un plateau. Pour un réalisateur, c’est franchement stimulant ». « Matt adore le travail d’équipe », renchérit la comédienne. « Il tient à ce que ses acteurs participent à la conception de la scène, il est à l’écoute des idées des autres, alors même qu’il a une idée de la séquence en tête depuis très longtemps. C’est extraordinaire. C’est sa passion pour ce projet et ses partis-pris qui ont été moteurs – et c’est pour cela que je suis convaincue que ce film se démarquera des précédentes adaptations de Batman et que c’était un vrai bonheur de travailler à ses côtés ».
À partir des rapports entre Batman et Selina, Pattinson a beaucoup travaillé la psychologie de son personnage. « Batman a une vision très manichéenne du monde », dit-il. « Pour lui, il y a les criminels, d’un côté, et les victimes, de l’autre. Je crois qu’elle est la première personne qu’il doit affronter. Elle transgresse la loi, mais elle lui plait, et c’est une première fissure dans sa conception très rigide du monde. Il aime bien tout contrôler – qu’il s’agisse de lui ou de son entourage – et ce qui le rend un peu dingue, c’est de ne pas vraiment identifier la nature de ses sentiments pour elle ». Pattinson savait que Zoë Kravitz correspondrait parfaitement à ce personnage complexe. « Je connais Zoë depuis des années, c’est une très grosse bosseuse, et elle s’est investie à 100% dans le rôle et dans le film. Dès qu’on la voit à l’écran, on se dit ‘c’est Catwoman, sans l’ombre d’un doute’ ».
« Rob est un acteur épatant », rétorque Zoë Kravitz. « Il fait des choix franchement audacieux et hors normes, et il n’hésite pas à assumer des opinions peu orthodoxes. Il campe son rôle avec le bon mélange de mystère, d’émotion, d’angoisse et de rage ». Dylan Clark a été sensible à l’écriture, puis à l’incarnation des personnages : « Selina Kyle est sincère, authentique et a une vision du monde un peu plus cynique que celle de Batman, mais ils sont très proches en réalité », indique-t-il. « Quand elle lui demande pourquoi il se soucie du sort de cette ville et pourquoi il cherche à la sauver, alors qu’elle est irrécupérable, ce n’est parce qu’elle a un mauvais fond – c’est parce qu’elle est sincère et qu’elle est lucide sur la brutalité et la malveillance de cet univers ».
« Nous avons tous nos cicatrices, Bruce. »
Dans le monde de Bruce Wayne, la loyauté et la confiance sont rares. Cependant, les fans savent bien que le milliardaire se repose avant tout sur Alfred, son pilier de stabilité. Plus proche allié de Bruce et unique individu à connaître la véritable identité de Batman, il doit veiller à ce que son protégé défende à la fois l’héritage familial et la ville. D’une certaine manière, la relation de grande proximité entre les deux hommes a fait l’objet d’une nouvelle lecture. « Alfred est un père de substitution qui n’a jamais choisi une telle fonction », observe Pattinson. « Il s’est retrouvé responsable de Bruce du jour au lendemain. Il est lui-même un peu infirme sur le plan émotionnel, si bien que leurs rapports sont d’une grande complexité. Leur relation me fait penser à celle entre Tom Hagen et Michael Corleone dans LE PARRAIN, où le premier est une sorte de figure paternelle pour le second – ou plutôt, un conseiller et un égal ».
Andy Serkis, qui a souvent collaboré avec Reeves et qui incarne Alfred, explique : « Il existe de nombreuses interprétations de ce personnage, mais nous nous sommes attachés à la proximité affective entre Alfred et Bruce qui reste dans le non-dit. Alfred souffre de la culpabilité du survivant, parce qu’il a été le garde du corps de Thomas et Martha Wayne, et qu’il se sent profondément responsable de leur mort. Il est – ou a été – un militaire qui a sans doute travaillé pour le MI5 ou le MI6, puis qui est devenu garde du corps des Wayne. Il est très maniaque, organisé, il a besoin de sentir qu’il contrôle la situation, il s’enorgueillit d’être très méthodique et de faire du super boulot. Il possède presque une sensibilité victorienne dans sa manière de défendre l’honneur de son employeur ».
« Mais il y beaucoup de tension entre Alfred et Bruce qui reste dans le non-dit », poursuit Serkis. « Et si on pouvait s’attendre à ce qu’Alfred soit un père de substitution pour Bruce, eh bien, Alfred n’a pas le tempérament qui convient – il n’arrive pas à nouer de rapports affectifs avec autrui. Il y a donc une tension qui couve entre eux, et la seule chose qu’Alfred ait pu faire pour calmer un peu le jeu, c’est d’initier le jeune Bruce à ce qu’il a lui-même appris à l’armée : se battre, décoder un message, etc. » Constatant à présent ce que Bruce est devenu, Serkis indique que « le gouffre affectif entre eux s’est encore creusé. Bruce est de plus en plus solitaire, tandis qu’Alfred s’inquiète de plus en plus pour lui ».
Serkis était enchanté de retrouver Reeves : « Non seulement Matt a un formidable sens visuel et maîtrise à merveille la composition de ses plans, mais il a un regard affûté pour le détail et le jeu des acteurs. On a toujours le sentiment de tourner un film intime avec lui parce que, au fond, c’est la charge émotionnelle du récit qui l’anime et guide tous ses choix, en matière de style visuel, d’atmosphère, de photo. Tout est fait pour mettre en valeur la force émotionnelle de l’intrigue ».
Vous saurez tout sur le Lieutenant Gordon et le Riddler en lisant la prochaine partie de notre dossier !