La création de THE BATMAN - La combinaison volante
Article Cinéma du Jeudi 31 Mars 2022

Pour la combinaison volante que porte Batman au cours d’une scène de poursuite décisive, Dillon s’est inspiré du wingsuit – idée du réalisateur – qui prévoit des zones de tissu entre les jambes et sous les bras. Dillon avait aménagé une doublure dans la cape que Batman est à même d’ouvrir. « Il peut passer ses bras à travers, la fermer, et s’élancer du haut de l’immeuble », précise Dillon.

Le superviseur effets visuels Dan Lemmon indique : « Il y a toujours des gadgets dans les films de Batman qui lui permettent de se jeter du haut d’un immeuble et d’atterrir tout doucement sans se faire mal. C’était un problème dans le film car on visait plus de réalisme. Si sa cape prend l’allure d’un planeur rigide, le spectateur n’adhère plus au propos, ce qui est contraire à notre objectif. Au lieu d’un planeur rigide, Matt s’était dit que sa cape et son costume pouvaient lui servir de wingsuit. Même si, dans la réalité, il est impossible, avec un véritable wingsuit, d’atterrir sans parachute, on a ici affaire à Batman, qui est ingénieur, super entraîné, et qui a mis au point un wingsuit lui permettant de résister à un atterrissage brutal et de repartir tranquillement ».

La séquence débute sur le toit du Gotham City Police Department, mêlant des éléments du célèbre Liver Building de Liverpool et du Chicago Board of Trade de Chicago. Les plans larges aériens de Batman, assis sur le parapet, ont été tournés en décors réels à Liverpool, avant d’être modifiés en postproduction afin d’augmenter la hauteur du bâtiment et de remplacer les quais de Liverpool par Gotham City. Néanmoins, le plan où Batman s’élance du bâtiment a été tourné en studio à Leavesden grâce à une caméra fixée sur le dos d’un cascadeur muni de câbles. Celui-ci n’avait que 2,50 m à franchir avant d’atteindre le plancher du décor. Le bâtiment du commissariat a ensuite été incrusté en images infographiques, tout comme Batman, tandis que le wingsuit se gonflait d’air et commençait à s’élever dans les airs. La descente de Batman entre deux immeubles s’est en grande partie inspirée de LaSalle Street, à Chicago, où la production a tourné plusieurs plans à partir d’un drone. « Cependant, le drone n’avait pas la bonne dynamique de vol et ne pouvait pas voler suffisamment vite pour évoquer, de manière réaliste, le vol d’un wingsuit », indique Lemmon. « Du coup, l’équipe effets visuels s’est servie des images de Chicago comme d’une base pour créer une rue typique de Gotham City en images infographiques dans laquelle il était ensuite possible de s’élancer avec la bonne dynamique de vol ».

Lemmon poursuit : « On utilisait des LED en même temps qu’on faisait voler nos cascadeurs, équipés de wingsuits et munis de câbles, et il fallait qu’on déplace pas mal d’air afin que la combinaison reste gonflée, car c’est ce qui permettait aux cascadeurs de garder le contrôle et qui donnait l’illusion qu’ils ‘volaient’ et non qu’ils étaient suspendus par des filins. On a mis au point un tube de LED de 6 m de large pour produire un éclairage censé provenir des bâtiments dépassés par les cascadeurs, mais les LED nous permettaient aussi de canaliser l’air produit par les immenses ventilateurs – en réalité, on a créé une sorte de soufflerie, à partir de panneaux de LED, à travers laquelle Batman s’est élancé. On a fait de même avec Rob Pattinson. Matt voulait que ce soit parfaitement crédible, si bien que vers la fin de la séquence, on se dit ‘Bon Dieu, Rob Pattinson a volé à travers Gotham City en wingsuit et a atterri en pleine rue sans parachute ! »

Quel que soit l’entrainement exigé par les scènes d’action, le Batsuit rappelait instinctivement à Pattinson la force de Batman. « Dès qu’on enfile cette combinaison, on en ressent la puissance », dit-il. « L’iconographie du Batsuit remonte à très loin, et beaucoup de gens y sont attachés pour différentes raisons. On le ressent quand on l’enfile, on en ressent le poids et la responsabilité, et cela rejoint la manière dont Bruce appréhende son alter ego. On sent qu’on a une certaine responsabilité vis-à-vis des gens qui se passionnent pour Batman depuis si longtemps. C’est similaire à la responsabilité que Bruce éprouve à l’égard de Gotham City. Mais c’est un sentiment formidable ».

Les costumes et ce qu’ils expriment sur les personnages

La chef-costumière Jacqueline Durran, qui a immédiatement été séduite par l’esthétique de Matt Reeves, est l’une des principales collaboratrices de création du film. « C’est la vision de Matt qui m’a surtout intéressée », dit-elle. « Il ne voulait pas que le film soit rétro. Il se déroule dans le monde moderne et comporte des technologies actuelles. Mais il s’agit de Gotham City et il fallait donc trouver le bon équilibre pour que les références de cet univers soient traitées de manière contemporaine. L’album le plus important pour moi a été Batman: Year One qui a vraiment guidé la création des costumes ».

Tout au long de son travail, Jacqueline Durran a été comblée par sa collaboration avec Reeves. « Matt avait des idées très précises concernant le style visuel, si bien que, dès le départ, il s’agissait de concrétiser sa vision. Mon objectif – que j’espère avoir atteint –, c’est que chaque personnage ait sa singularité, tout en faisant en sorte qu’ils s’intègrent harmonieusement au style d’ensemble ». Elle n’a finalisé ses costumes que lorsque les acteurs ont tous été engagés. « Le fait de savoir quel comédien campe tel ou tel personnage influe forcément sur l’évolution du costume », remarque-t-elle. « Quand on en est au stade des croquis, le plus difficile, c’est qu’on ignore la physionomie et le gabarit de l’acteur qui sera finalement engagé ». S’agissant des personnages emblématiques de l’univers DC, dont les fans se font une idée, le défi était plus grand encore. Jacqueline Durran explique : « Par exemple, en ce qui concerne le Pingouin, on ne savait pas si on aurait affaire à un acteur imposant ou menu, et c’est un paramètre qu’on ne peut pas négliger parce qu’on ne peut imaginer la tenue du personnage que lorsqu’on connaît l’acteur qui va l’incarner ». Une fois le casting achevé, la chef-costumière et son équipe ont travaillé en étroite collaboration avec les comédiens. « Le Pingouin a connu une évolution intéressante », se souvient-elle. « Dès qu’on a su que Colin allait l’interpréter, on a eu l’idée de la forme de sa prothèse corporelle, qui a été fabriquée aux États-Unis. On s’est inspirés de gangsters des années 40 et 80, et on a abouti à un mélange de ces deux époques : un costume des années 80 qui aurait puisé son inspiration dans les années 40, et un manteau de cuir très eighties. On a tout fabriqué, sauf les chaussures, et Colin nous a donné pas mal d’idées, lui aussi. On ne s’est inspiré des albums de BD que pour le violet du costume du Pingouin ». Pour le style de The Riddler, « Paul Dano y a largement contribué en nous disant ce qui, à son avis, pouvait convenir et c’est ainsi que le costume a pas mal évolué et qu’on a éliminé certains éléments », explique la chef-costumière. « Matt et lui voulaient qu’on se rende dans des magasins de surplus militaires parce que c’est là que The Riddler se serait habillé à Gotham City. Il porte donc une veste allemande, et des pantalons et des bottes américains. L’un des éléments majeurs restait le masque de combat qui nous permet de mieux cerner le personnage ».

« Autre élément qui contribue à caractériser le personnage : ses lunettes », poursuit-elle. « Les lunettes sont propres à chacun, et on ne peut pas savoir quelle paire va le mieux à tel ou tel avant de les lui avoir fait essayer. On a passé en revue 200 paires environ avant de prendre notre décision. Paul était en Australie à l’époque et s’est rendu chez des opticiens pour faire des essais, avant de nous envoyer les photos. C’est un bon exemple d’un accessoire qui est parfaitement fonctionnel ». Dano s’est montré enthousiaste à l’égard du travail de la costumière. « Les costumes m’ont vraiment impressionné », déclare l’acteur. « La tenue d’Edward Nashton comptait beaucoup pour moi et pour l’équipe parce qu’elle en dit très long sur le personnage. Ce type-là pourrait être l’un de vos collègues de travail. Dénicher le bon pantalon kaki et la chemise à col boutonné était aussi important que le costume de The Riddler. Il en allait de même des lunettes : on en a passé beaucoup en revue, et j’ignore pourquoi on a choisi celle avec une monture légère, mais elle semblait bien correspondre au personnage. Quand je les ai enfilées par-dessus le masque de combat, la tenue tout entière avait une allure scientifique qui fonctionnait ». Dano a également pensé à utiliser du film plastique alimentaire pour l’accoutrement du de The Riddler. « Je me suis dit que cela lui donnerait un air étrange et terrifiant », indique-t-il, avec circonspection, sans trop vouloir en dire. « Matt Reeves a adoré cette idée ! Tout ce qui pouvait contribuer à rendre le personnage dérangeant ou perturbant lui plaisait ».

Pour Selina Kyle, Reeves note : « Elle ne s’habille pas en Catwoman, ni se fait appeler Catwoman, mais on voit bien qu’elle cherche peu à peu à se rapprocher de cet alter ego. À l’avenir, cela deviendra son Catsuit – tout comme elle s’assumera en tant que Catwoman – mais on n’y est pas encore ». Jacqueline Durran était consciente de la réalité du personnage en mettant au point le costume : « On a conçu un style à mi-chemin entre le monde réel et un Catsuit à part entière », dit-elle. « Il fallait qu’il évoque suffisamment le Catsuit de sorte à suggérer qu’elle deviendra un jour Catwoman, mais qu’elle n’est pas encore parvenue à ce stade, si bien que c’était assez difficile de trouver le bon équilibre. On a ajouté au costume des pièces d’une matière extensible pour qu’il soit très près du corps, et c’était techniquement difficile parce que la tenue, qui est en cuir, devait être moulante en plusieurs endroits et que ce n’est pas une matière élastique. Ensuite, une fois le costume fabriqué, on l’a abîmé volontairement pour lui donner un côté usé, et faire comme si Selina le portait depuis longtemps – lui conférer une histoire ». Pour les scènes du club où travaille Selina, Jacqueline Durran a imaginé un costume bourré de clins d’œil à l’album Batman: Year One, constitué d’un pantalon, d’une ceinture et d’un petit haut – tout en latex. « Le latex est une matière qui plaisait vraiment à Zoë et qu’on voulait utiliser pour son costume », indique la chef-costumière. « Selina possède aussi un manteau qui rappelle le Catsuit, qui est à la fois abîmé et usé. L’association entre le manteau et la combinaison en latex en-dessous avait une allure incroyable ». Mais Jacqueline Durran ne s’est pas arrêtée là. « Pour suggérer la future transformation du personnage, on l’a aussi coiffée d’un bonnet avec une couture apparente en plein milieu, qui ressemble ‘accidentellement’ à des oreilles de chat », dit-elle en souriant. Reeves était enchanté. « J’avais dit à Jacqueline que je souhaitais que Selina porte un masque de ski, et quand elle l’a modifié pour fabriquer ces petites oreilles délicates, je me suis dit ‘bon Dieu, c’est super cool, j’adore ça !’ J’ai alors eu l’idée d’un plan qui révèle l’arrière de sa tête, et on en aperçoit le contour – et cela suggère l’idée d’oreilles de chat. Du coup, on ne distingue pas nettement les détails ».

Le réalisateur s’est montré impressionné par la fabrication du Catsuit. « Pour l’allure de Selina, la combinaison de motard, le masque de ski aux oreilles de chat, le fouet – l’ensemble rendait hommage à Year One, et à une tenue en particulier, qui forme comme un bustier », dit-il. Zoë Kravitz a également été enthousiasmée par le travail de la chef-costumière. « Jacqueline est un génie absolu, qui a un vrai sens du travail d’équipe, et c’était formidable parce que c’était un bonheur de travailler à ses côtés », note l’actrice. « Matt ne voulait pas que le Catsuit soit guidé par la mode, mais qu’il soit fonctionnel. Il a plusieurs formes et silhouettes, et certaines parties sont brillantes, d’autres ont été rafistolées avec différentes sortes de cuir, et on voit bien qu’elle n’a jamais cessé de porter ce costume – et j’adore ça. Le Catsuit est très féminin et super sexy, mais dans le même temps, il est fonctionnel, et c’était un élément crucial pour nous ».

Pour le costume de Vagabond de Bruce Wayne, Jacqueline Durran s’est aussi inspirée de Batman: Year One, mais elle a créé une tenue qui se fond dans le décor. Le résultat, en fin de compte, est un croisement entre une tenue de travail et un uniforme déniché dans un magasin de surplus militaire. « Rob voulait vraiment qu’on insiste sur l’aspect tenue de travail », dit-elle. « Quand on porte des vêtements qui ressemblent à un uniforme, on se fond dans la masse. Il a précisément évoqué les dockers de Manhattan qui se confondent avec la foule. Le plus difficile a été de trouver un casque qui puisse convenir à sa moto, mais on a fini par dénicher un casque de motocross un rien rétro ». Étant donné qu’il ne s’agit pas de l’allure du personnage à laquelle le spectateur est habitué, la chef-costumière a dû trouver un costume d’homme pour la scène où Bruce Wayne apparaît sous sa propre identité. « Cela nous a demandé pas mal de travail, mais comme pour les autres costumes, il s’agissait d’être dans une forme de retenue », rapporte Jacqueline Durran. « On a opté pour une chemine très épurée, à la japonaise, et pour un style très élégant pour le costume et le manteau. C’est luxueux mais très discret. La référence à Kurt Cobain était très importante pour présenter Bruce Wayne, mais lorsque Kurt Cobain portait un costume, celui-ci était m’as-tu-vu, ce qui n’aurait pas convenu à Bruce. Par chance, Rob voulait qu’on soit dans l’épure et la retenue, si bien que Bruce n’a pas du tout l’air d’un séducteur… mais plutôt d’un homme torturé ».

À l’inverse, Alfred, le fidèle majordome de Bruce Wayne, affiche un style différent. « Andy Serkis voulait qu’Alfred soit tiré à quatre épingles, très soigné, et qu’il choisisse ses affaires avec une précision militaire », explique Jacqueline Durran. Elle ajoute : « On a acheté du mohair noir vintage pour que son costume ait un côté années 60, et le gilet a un revers qui rappelle un châle. C’était un style traditionnel, extrêmement chic, qui offre un contraste saisissant avec le costume de Bruce ».

Les trouvailles des acteurs posaient parfois des difficultés à l’équipe Costumes. Par exemple, John Turturro a déniché une paire de lunettes de soleil rétro à New York qui convenait à merveille à Carmine Falcone. « Le problème, c’est qu’il n’en existe aucune autre paire dans le monde ! », s’amuse Jacqueline Durran. « Or, il nous en fallait plusieurs exemplaires pour les cascadeurs, et il fallait qu’elles soient parfaitement identiques, si bien qu’on a dû les faire fabriquer pour qu’elles soient la parfaite reproduction de la paire d’origine. C’était du boulot, mais on y est arrivé ». « Pour son costume », poursuit-elle, « on a opté pour un style très épuré et discret. La plupart des gens les plus puissants ne cherchent pas à attirer l’attention, et préfèrent faire profil bas. C’était notre démarche ». Greig Fraser, chef-opérateur du film, explique qu’il a été ébloui par l’allure d’ensemble des acteurs. « L’équipe Costumes a fait un travail extraordinaire », témoigne-t-il. « Toutes les matières qu’ils ont utilisées étaient très belles et réfléchissaient la lumière de manière incroyable. À chaque fois que j’éclairais un costume, il resplendissait. Rien ne sonnait faux, et tout était naturel ».

Découvrez les secrets de la métamorphose de Colin Farell en Pingouin et la création des décors de Gotham City dans la prochaine partie de notre dossier consacré à THE BATMAN ! Bookmark and Share


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