Dans les coulisses d’IGOR : Entretien avec le réalisateur Tony Leondis
Article Animation du Lundi 12 Janvier 2009

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Né le 24 mars 1972 à New York, dîplomé de la "Boston School of Fine Arts", Anthony Leondis entre dans le monde de l'animation en travaillant pour Dreamworks, où il s'occupe du Prince d'Egypte ou encore de La Route d'Eldorado. Au début des années 2000, il devient l'un des piliers de la filiale « direct to video » de Disney. Il co-scénarise le long métrage La ferme se rebelle et des suites de Kuzco, l’empereur mégalo et Le Roi Lion destinées au marché vidéo (rappelons que depuis l’arrivée de John Lasseter à la direction de l’animation de Disney, la production de ces suites a été purement et simplement abandonnée). Tony Leondis passe à la réalisation avec Lilo et Stitch 2. Le très sympathique Igor , parodie affectueuse des films de monstres, est son premier long métrage de cinéma. On y retrouve de nombreuses allusions aux classiques du genre, et au style visuel de l’expressionisme allemand. Effets-speciaux.info s’est entretenu avec le réalisateur pour évoquer son expérience sur Igor, qui a été conçu et réalisé en grande partie à Paris.



Etiez-vous un fan de films de monstres quand vous étiez enfant ? Regardiez-vous « Frankenstein », « Dracula », « La momie » et tous les classiques du genre produits par les studios Universal quand ils étaient diffuses à la télévision ?

Oui ! J’étais fou de films de monstres ! Le jour de la fête de Thanksgiving, et pendant la plupart des vacances scolaires, les chaînes de télévision avaient l’habitude de programmer ce qu’elle appelaient « Le marathon des monstres ». C’était un après-midi entier pendant lequel ces films étaient diffusés les uns à la suite des autres. Comme vous l’imaginez, c’était un pur bonheur pour un gamin de sept ans ! (rires) Je me calais dans un fauteuil et je me délectais en regardant « Godzilla », « Frankenstein », « Dracula », « Rodan », « Prisonnière des martiens », « L’étrange créature du lac noir », et tous les autres films présentés pendant la journée. C’était un merveilleux moyen d’échapper à la réalité pour se plonger dans un univers fantastique. Bien sûr, ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte des qualités artistiques de ces films, et du soin apporté à leur réalisation, et à la narration des histoires.

Avez-vous décidé de travailler dans l’animation dès l’adolescence ?

Non, pas tout de suite. Quand j’étais adolescent, ma grande passion, c’était la BD. Je voulais devenir dessinateur de comic books ! Evidemment, quand on grandit à New York, on ne pense pas à faire carrière dans le cinéma, parce que Hollywood se trouve à l’autre bout du pays et semble un peu inaccessible, comme s’il s’agissait d’un autre monde. En revanche, New York a toujours été la capitale de la BD, puisque c’est là que se trouvent les sièges des grands éditeurs comme DC Comics et Marvel Comics. J’écrivais des histoires et je dessinais des personnages dans l’espoir de les présenter un jour à ces maisons d’édition. Puis, j’ai fini par me rendre compte que les bandes dessinées ressemblaient beaucoup aux storyboards que l’on utilise pour préparer les films. A cette époque, l’animation était en plein renaissance chez Disney : « La petite sirène » et « La belle et la bête » venaient de sortir. Je me suis dit que je pourrais peut-être utiliser mes talents de dessinateur pour trouver du travail dans le cinéma d’animation.

Etant donné que New York est LA ville des superhéros, vous avez probablement dû inventer beaucoup de justiciers en costume, pendant ces années-là…

Oh oui, des dizaines et des dizaines ! (rires) Aujourd’hui encore, je lis des comic books, et je souhaite réaliser un film de superhéros ! Ce serait l’accomplissement d’un rêve ! J’ai des goûts très spécifiques : j’aime les monstres et les superhéros. Maintenant que j’ai fait Igor, il faut que je passe aux superhéros ! (rires) Comme vous l’imaginez, j’ai adoré les deux films de la saga « Hellboy », parce que Hellboy est à la fois un monstre et un superhéros ! (rires)

Comment avez-vous débuté dans l’animation et quelles ont été les principales étapes de votre carrière chez Dreamworks et Disney ?

J’ai d’abord suivi les cours des beaux arts, puis j’ai étudié au sein d’une école de cinéma de Boston et enfin à Cal Arts (L’institut des arts de Californie) pendant deux ans. L’une de mes professeurs, Brenda Chapman, était la co-réalisatrice du film « Le Prince d’Egypte ». Brenda m’a demandé si je voulais faire un stage chez Dreamworks, ce que j’ai accepté avec enthousiasme. A la fin de mon stage de six mois, j’ai été engagé pour travailler sur les storyboards du « Prince d’Egypte ». J’ai travaillé ensuite sur « El Dorado », puis sur « Fourmiz », et enfin sur le design des costumes des personnages de « Shrek ». Peu après, j’ai eu envie de travailler davantage sur des scripts, et j’ai été engagé par Disney. J’ai collaboré au scénario de « La ferme se rebelle ». J’ai eu l’occasion de parler avec Michael Eisner, et de lui dire que j’avais envie de réaliser. Il m’a suggéré de débuter en mettant en scène les films d’animation destinés à une sortie directe en vidéo. C’est ainsi que je me suis « fait les dents » sur « Lilo et Stitch 2 », que j’ai co-réalisé. J’ai développé ensuite un projet pour ce département de Disney, et puis je suis revenu chez Dreamworks, pour les aider à préparer un projet pendant un an. C’est alors que j’ai été contacté à propos d’« Igor » et que j’ai lu le script. Dès que j’ai découvert cette histoire, j’ai tout de suite pensé que ce projet me convenait parfaitement. D’abord parce qu’il y avait des monstres, et ensuite parce qu’il y avait une allégorie politique sur les citoyens que l’on maintient dans l’ignorance qui me plaisait beaucoup.

Comment le projet a-t’il débuté concrètement pour vous ? Etait-ce votre agent qui vous avait envoyé le scénario ?

Non. Tout a commencé au cours d’un entretien avec Eric Robinson, qui dirige le département animation de la société de production Weinstein. Nous avions évoqué différents projets, et comme il se souvenait que j’adorais les monstres, il a pensé à moi quand « Igor » a été développé. Dès que je lui ai dit que j’adorais le script, je suis allé rencontrer John Heracles et Max Howard chez Exodus, qui co-produit le film, et je leur ai exposé mes idées, ma vision du projet, les modifications que je proposais d’apporter à l’histoire pour lui donner plus d’ampleur. Le rendez-vous s’est très bien passé, et ils m’ont rappelé peu de temps après pour me dire « Félicitation, c’est vous qui allez réaliser le film. Préparez vos bagages, parce que vous allez travailler à Paris pendant deux ans ! »(rires) J’étais ébahi que tout aille si vite ! Mais le projet correspondait tellement à mes goûts que je savais qu’il fallait que j’accepte. J’adore les comédies musicales et le fait que la fiancée d’Igor se prenne pour une actrice était un gag qui m’amusait beaucoup. Bref, c’était une occasion unique de faire un film qui soit à la fois sinistre et drôle, mignon et musical, et destiné à tous les publics.

Quelle a été votre vision initiale du film quand vous avez lu le script ? Quelles sont les premières idées qui vous sont venues en tête à ce moment-là ?

Ce qui m’a plu, c’était le fait que ce soit à la fois un conte, et une caricature très fine du climat politique actuel des Etats-Unis, dont les dirigeants menés par George W. Bush ont aveuglé les citoyens en leur racontant des mensonges et les ont poussé à faire des choses horribles. Dans notre film, le roi maintient ses sujets dans l’obscurité grâce aux nuages qui masquent le soleil. En Amérique, c’est pareil. L’administration nous a aussi maintenu dans l’ignorance en nous cachant la vérité, et en présentant des faits manipulés, transformés, ou inventés de toutes pièces. J’avais aussi envie de faire ce film pour évoquer la population de mon pays, qui est composée en grande majorité de braves gens, et qui a été trompée et poussée à faire des choses regrettables.

Vous disiez plus tôt que vous aviez suggéré des modifications pour donner plus d’ampleur à l’histoire. De quelles idées s’agissait-il ?

Quand j’ai lu la première version du script, il n’y avait pas d’histoire d’amour entre Eva et Igor. Et je savais que c’était indispensable d’ajouter un peu de romance gothique dans le récit, dans l’esprit des classiques de la littérature comme « Les mystères d’Udolfe » (1794 - Ann Radcliffe) ou « Les hauts de Hurlevent » (1847 – Emily Brontë). En en discutant avec Chris McKenna, j’ai découvert qu’il avait écrit une version précédente du script avec une histoire d’amour. Nous sommes donc revenus dans cette direction-là. En ce qui concerne l’ampleur du film, mon job de réalisateur, c’était de visualiser ce qui pourrait donner lieu à des « morceaux de bravoure ». J’ai proposé toute la séquence du lavage de cerveaux, la séquence de poursuite…

Comment avez-vous travaillé avec Chris McKenna sur l’histoire ? Quelles sont les nouvelles idées que vous avez injectées dans le scénario ?

Nous avons échangé nos idées au cours de nombreuses séances de brainstorming. Chris est quelqu’un de très intelligent et de très drôle. Je venais à ces séances de travail avec toutes les notes que j’avais accumulées de mon côté, et nous nous sommes mis à réécrire ensemble un nouveau traitement de l’histoire. Nous avons ajouté la séquence du balcon, celle des escaliers…Beaucoup de choses ! Tout ce travail a pu avoir lieu avant que la production ne commence vraiment. Je voudrais préciser que c’est bien Chris qui a inventé tous les personnages principaux, ainsi que le concept du film. Toute la première partie du développement avait été faite au sein de la société Exodus, avec John Herakles et Max Howard. Mais à ce moment-là, le projet n’était pas encore assez poussé pour pouvoir devenir un film. Deux autres auteurs, John Hoffman et Dimitri Taskis, sont venus en renfort et nous ont aidé à retravailler le script. Chris et moi n’avons cessé d’échanger des idées jusqu’au moment où nous avons obtenu l’histoire que vous avez pu découvrir. J’ai aussi voulu intégrer les chansons de Louis Prima dans le film, et « donner une voix » à Igor en utilisant ces mélodies agréables et intemporelles.

Quelles ont été vos principales influences visuelles, et vos références graphiques, à la fois dans le cinéma et dans l’art ?

J’aime beaucoup les films d’animation comme « Mad Monster Party », produits par Rankin-Bass dans les années 60 et 70. Je ne sais pas si vous les connaissez…

Si : ce sont de jolis films d’animation de marionnettes image par image, qui ont été produits pour la télévision américaine. Malheureusement, ils n’ont pas été diffusés en France à l’époque où ils ont été tournés, et je ne crois pas qu’ils soient disponibles ici en DVD non plus…

Exactement. Ce qui était formidable, c’est qu’ils avaient un sens aigu des formes des personnages. Ils savaient utiliser des formes très simples pour obtenir un effet maximal. On retrouve aussi ce formidable sens de l’épure dans « La belle au bois dormant » produit par Disney un peu plus tôt. L’animation était très soignée, mais elle était mise au service des formes et des silhouettes des personnages. De la même manière, quand Heidi danse dans notre film, sa robe conserve sa forme de cloche, plutôt que d’épouser les contours de son corps. Je voulais éviter que nous soyons trop réalistes et trop fluides dans notre approche de l’animation d’Igor. Là aussi, un certaine stylisation s’imposait. Parmi les films expressionnistes, c’est évidemment « Le cabinet du Docteur Caligari » qui m’a influencé le plus. Les formes des décors du film sont tellement belles et fascinantes. La gestion des lumières et des ombres est impressionnante. On retrouve cet extraordinaire savoir-faire dans « Metropolis », auquel nous avons aussi rendu hommage, en recréant les effets de cercles de lumière autour d’une des machines du film. Pour les ambiances lumineuses, nous nous sommes également inspirés des tableaux de Rembrandt. Mon merveilleux directeur artistique, Olivier Besson, a eu cette idée. Il a utilisé comme Rembrandt des fonds de décors sombres d’où émergent des zones de lumière qui viennent éclairer les personnages. Les bâtiments et les châteaux que l’on peut voir dans les magnifiques œuvres de Caspar David Friedrich, l’un des principaux peintre romantiques allemand du XIXème siècle, nous ont aussi beaucoup influencés, notamment quand nous avons créé le décor de l’orphelinat pour enfants aveugles qui se trouve au milieu de la forêt.

Vous disiez plus tôt que vous étiez influencé par des films d’animation des années 50 et 60. On remarque souvent que lorsqu’on fait référence à « l’âge d’or » de l’animation, on cite des chefs d’oeuvre des années 40 comme « Fantasia » et « Pinocchio ». Pourtant, dans les années cinquante, les graphismes qui ont été mis au point par des studios d’animation comme UPA étaient remarquables. Ils ont révolutionné le design des personnages de dessin animé, et restent d’une modernité étonnante quand on les découvre aujourd’hui…

Je suis tout à fait d’accord avec vous ! Parmi les productions UPA, j’adore les cartoons de « Mister Magoo », le vieillard myope, et de « Gerald Mc Boing Boing », le petit garçon qui s’exprime uniquement par des bruitages. Disney avait également produit des courts-métrages formidables avec ce style épuré, comme « Pig is Pig », ou certaines aventures de Donald et des écureuil Chip’ n Dale. Ces graphismes étaient superbes, et c’est de loin la période du cinéma d’animation que je préfère. Dans les années cinquante, on faisait des recherches directement inspirées de la période « modern art », pendant laquelle les graphistes ont cherché à atteindre une épure des formes, et à s’éloigner de la représentation réaliste des personnages et des objets. J’ai toujours adoré cette période de l’art. On pourrait dire que les personnages aux formes exagérées que l’on voit dans « Igor » ont été inspirés aussi par le travail de Matisse et de Picasso, qui représentaient les humains en s’éloignant à leur manière du réalisme.

Dans les années 50 et 60, ces choix graphiques s’adaptaient d’autant mieux au dessin animé qu’il était réalisé « à plat », en 2D. Mais aujourd’hui, vous avez dû transposer cette approche en images de synthèse et en trois dimensions. Est-ce que cela a été difficile ?

Oui, parce qu’il faut obtenir l’effet souhaité en utilisant plus de paramètres qu’un simple contour : nous avons choisi les volumes, les textures et les couleurs avec soin pour arriver à la stylisation graphique que nous avions imaginée. Il fallait aussi que les personnages soient éclairés correctement, et placés avec soin dans les décors. Encore une fois, je voudrais rendre hommage au formidable travail d’Olivier Besson. Il a su gérer tout cela à la perfection. C’est d’autant plus remarquable que notre film était très loin d’avoir le budget d’une production de Pixar !

Pouvez-vous nous dire même approximativement quel était le budget du film, ou cette information est-elle confidentielle ?

Oui, elle est confidentielle, mais je peux quand même vous dire que nous n’avons eu qu’une fraction d’un budget à la Pixar…

Oui, mais QUELLE fraction ?

(Tony Leondis éclate de rire) Je crois que l’on dit officiellement que le budget est de 25 millions de dollars, mais il est moins élevé. Je peux même vous dire que nous avons fait ce film pour un budget inférieur à celui de la production de « Lilo et Stitch 2 », chez Disney. C’est grâce au talent et à l’efficacité de l’équipe française que nous avons réussi cet exploit. Je savais que réaliser le film à Paris serait un énorme avantage. Je ne voulais pas que l’on essaie de copier le style de Pixar ou de Dreamworks, car il fallait que Igor ait un style visuel très différent, vraiment unique. Quand on est américain comme moi, et que l’on se retrouve soudainement à Paris, on est époustouflé par la beauté de l’architecture de la ville. C’est comme si on se promenait dans un gigantesque musée, et que l’on prenait des cours d’art tous les jours ! Je savais que les français étaient cultivés et sensibles à l’art, et j’en ai eu la preuve en venant travailler chez vous. J’adore les français ! (rires)

Aviez-vous tout de même quelques inquiétudes quand vous êtes arrivé à Paris, pour travailler au sein du studio d’animation Sparx ? Peut-être pensiez-vous que vous alliez avoir du mal à communiquer certaines idées ou certaines références à votre équipe, en raison des différences de culture ?

Oui, j’avais quelques hésitations, car je dois avouer que je ne connaissais rien à l’animation française, en dehors des « Triplettes de Belleville », et des scènes de plusieurs films de Disney qui avait été créées dans le studio que la société avait ouvert à Paris pendant plusieurs années. Comme vous le savez sans doute, la plupart des films français ne sont pas distribués aux USA, et cela s’applique aussi bien aux productions en prises de vues réelles qu’aux films d’animation, hélas. Quand je suis arrivé et que nous avons visité le studio de Sparx et rencontré les artistes qui travaillaient là, j’ai été stupéfait par la qualité des portfolios qui m’étaient présentés. Le jour de mon arrivée, j’ai rencontré la conceptrice du graphisme des personnages, Valérie Hadida, Olivier Besson, notre directeur artistique, Loïc Rastout, notre « production designer », Vincent Massy, le concepteur des décors, et tous les autres artistes avec lesquels nous avions le projet de collaborer. C’est à ce moment-là que j’ai su que nous allions pouvoir donner un aspect vraiment original au film. Et à mon grand soulagement, ils parlaient tous anglais bien mieux que je ne parle français ! (rires)

Vous avez certainement dû être également surpris par la popularité des films de monstres américains en France, surtout dans le milieu de l’animation !

Oui ! J’ai même l’impression que les français aiment plus les films de monstres que les américains ! Tous les français que j’ai rencontrés sont de vrais amateurs de cinéma. Ils en comprennent parfaitement le langage et en ont toutes les références. Si je citais en exemple les formes et les textures d’un film des années 60 relativement peu connu et dont le titre m’échappait, il y avait toujours quelqu’un qui le connaissait et qui me rafraîchissait aussitôt la mémoire. Je me suis senti très vite parfaitement à l’aise en France.

Quelle a été la principale difficulté de ce projet, pour vous ?

Le temps. Il fallait réaliser le film de A à Z en un an et demi, ce qui représente très peu de temps pour un long métrage d’animation destiné au cinéma. Mais le temps, c’est de l’argent. Quand vous en avez beaucoup, vous pouvez développer un projet en « achetant » plus de temps. Pour tenir dans ces délais serrés, il a fallu que nous soyons tous rapides et efficaces. Je dirais que les principales étapes du design ont été validées en a peine un peu plus d’un mois. Pour faire un parallèle avec les films d’animation des grands studios américains, là-bas, on fait un film en quatre à cinq ans. C’est vous dire la différence de rythme de travail…Il fallait que je sache exactement ce que je voulais, et que mon équipe aille vite dans la bonne direction. C’est ainsi qu’Olivier, Valérie, Loïc, Vincent et moi avons pu développer l’aspect du film aussi vite. Nous n’avions pas le droit à l’erreur, il fallait avancer vite et bien.


Igor (2008)
envoyé par HDDTV


Qu’est-ce qui rend un personnage de cartoon attachant?

Je savais que je voulais rendre Igor à la fois un peu inquiétant et mignon. Je me souviens que c’est ainsi que Chris Sanders, le créateur de « Lilo et Stitch », décrivait son petit extraterrestre quand j’étais chez Disney. Il fallait que les gens trouvent Igor sympathique, et pour ce faire, nous avons utilisé principalement des formes rondes pour dessiner son visage, la bosse sur son corps, etc. Quand un personnage dessiné a des formes rondes, il est immédiatement rassurant. On a le sentiment qu’on peut le serrer dans ses bras, comme un nounours en peluche ! Quand on applique ce principe sur un héros, on sait qu’il sera perçu de manière positive. Le visage de Mickey en est l’exemple parfait avec les trois cercles de son visage et de ses grandes oreilles. A l’opposé, les formes pointues font peur, paraissent menaçantes, agressives. Elles évoquent un personnage en colère, qui veut vous attaquer. Dans notre film, les clichés sont inversés, puisque c’est Igor qui est gentil et malin, alors que le savant pour lequel il travaille est un imbécile qui n’a jamais réussi à mettre au point la moindre machine qui fonctionne correctement. Nous nous sommes donc servi du langage des formes, des textures et des couleurs pour raconter notre histoire par le biais du design.

Quelles ont été les scènes les plus difficiles à réaliser, et pourquoi ?

Les scènes de comédie, parce que le timing doit être absolument parfait, à la demi-seconde près, pour qu’un gag fonctionne. D’ailleurs, je me souviens que du côté américain, cet aspect-là de la collaboration américano-française suscitait quelques inquiétudes, parce que vous avez chez nous la réputation d’adorer Jerry Lewis…(rires) et que son type d’humour n’était pas vraiment celui que nous comptions utiliser ! Iochi Tamura et Christelle Jolène, qui étaient nos deux superviseurs de l’animation, ont fait un travail remarquable sur cet aspect humoristique du film.

Pour dissiper cet éternel malentendu, il se trouve qu’en France, on a surtout beaucoup vu les 4 ou 5 très bons films de Jerry Lewis qui ont été défendus par la critique dans les années 60, mais pratiquement pas ceux qui ont suivi, et dont la qualité n’a cessé de décliner au fil des ans… Et les français ne voient pas non plus le fameux Téléthon que Jerry Lewis présente pour le compte des enfants malades chaque année, et qui fait souvent grincer des dents aux USA, à cause de son interminable prestation…

En fait, vous aimez les films que les américains ont adoré eux aussi dans les années 60, mais chez nous, on croit que vous aimez aussi les autres ! C’est en effet un malentendu ! (rires)

Quelles sont les scènes dont vous êtes le plus fier, en tant que réalisateur ?

J’aime beaucoup les scènes d’émotion, quand la caméra s’attarde sur les personnages et les laisse ouvrir leurs cœurs. Celle où l’on voit Eva donner des cadeaux est ma préférée. Quand j’ai parlé de cette scène pour la première fois avec Olivier, je lui ai raconté que tous les ans à Noël, ma mère décore sa maison avec un soin incroyable. Elle prépare un bon feu dans la cheminée, décore un beau sapin, dispose des décorations partout, et allume des bougies pour créer une ambiance magique. C’était ce sentiment que je voulais exprimer, et Olivier l’a retranscrit à la perfection dans les décors de cette scène. Elle m’émeut à chaque fois que je la vois, car c’est la première fois que Igor se rend compte de ses sentiments pour Eva.

Qu’avez-vous appris en travaillant sur ce film ?

J’ai compris ce que j’avais envie de raconter, en tant que réalisateur, avec ma propre vision. Comment je voulais faire passer des émotions avec tous les outils qui étaient à ma disposition : l’histoire, le design des personnages, les formes, les couleurs, les textures, les décors, la musique… Je crois que j’ai découvert mon style en réalisant « Igor » , et c’était une expérience formidable.

Quels sont vos futurs projets ?

Je ne sais pas quel sera mon film suivant. Pour l’instant, je rencontre beaucoup de gens dans différents studios, à la fois pour parler de projets d’animation, de projets en prises de vues réelles, et de projets qui pourraient mélanger les deux ! J’ai écrit un film sur un superhéros que j’ai créé, et je rencontre aussi des gens qui voudraient transposer au cinéma des justiciers de BD déjà connus. Tout est donc ouvert pour l’instant !

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